Algérie

LETTRE DE PROVINCE Les notaires de la Constitution et la martingale de Bouteflika



hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Est-ce réellement un collège de constitutionnalistes indépendants que l'on vient de désigner ou, au contraire, un cabinet de notaires sagement sollicité pour apposer son sceau au bas d'un document parfaitement calibré à la virgule près dans les officines d'en haut '
A notre connaissance, pas un seul commentaire n'est venu saluer ce «scrupuleux souci» du pouvoir de s'en remettre à l'expertise des spécialistes. Bien au contraire, à travers le laïus de Sellal reprenant le communiqué officiel, la plupart n'y ont perçu qu'une sordide opération de diversion destinée à gagner le maximum de temps aux dépens de débats et polémiques au sein de la classe politique. Et pourquoi pas des mobilisations sociales allant dans le sens du rejet ' Rompu au fait accompli le président n'a-t-il pas réussi tous ses coups qu'en ne se prononçant qu'aux derniers instants ' Celui de 2009 n'a-t-il pas été possible que grâce à un timing serré entre le moment où la Constitution fut amendée (12 novembre 2008) et l'annonce de sa candidature ' A l'évidence, il ne voudra pas changer une martingale gagnante et pour ce faire, il s'apprête à en fixer toutes les échéances à l'extrême limite de l'année 2013. Ce traficotage du calendrier, ayant pour seul objectif de contenir et d'anesthésier les moindres velléités de mécontentement pouvant s'opposer à son sujet, résume clairement pourquoi il se garde de toute explication de texte (sans jeu de mots) à la fois sur ses intentions personnelles et sur le contenu de la future loi fondamentale qui serait déjà en boîte. Or bien plus que lors de ses précédents mandats, il s'agira, cette fois-ci, non pas de la nature constitutionnelle de l'Etat mais bel et bien de l'homme Bouteflika. Car après 15 années passées au pouvoir, que soulignent d'ailleurs depuis un lustre une santé chancelante et une défiance populaire qu'aucun de ses prédécesseurs n'a jamais connue, l'Algérie doitelle lui accorder encore une quatrième rallonge alors que le spectre du chaos se précise à travers les révélations de pillage et de mise à sac ' C'est donc sa probable reconduction qui est la question centrale et par voie de conséquence les bilans de son long magistère qui plaident contre lui. Après plus de 5 000 jours de pouvoir, certaines outrances appellent à sa destitution(1) immédiate. Or ce genre de «buzz» médiatique ne nous semble pas la riposte réaliste à 365 jours de la fin de son mandat. Bien que la suggestion renseigne parfaitement sur le désir de changement qui prévaut dans l'establishment et auprès des courants d'opinion, cette solution brutale est moins indiquée que celle qui consiste à imposer par tous les moyens légaux une procédure d'inéligibilité en 2014. Autrement dit, comment réactiver le concept d'alternance puis de le re-codifier dans la Constitution et enfin imposer par délibération une rétroactivité exceptionnelle à la limitation des mandats ' Même si Bouteflika escompte précisément sur l'impossibilité de mettre en pratique une telle démarche contraire à l'esprit des lois, il garde néanmoins dans sa manche un scénario alternatif pour escamoter le débat sur cet aspect et qui consisterait à ne pas changer d'un iota l'amendement du 12 novembre 2008 relatif au déverrouillage des mandats. Comme la quadrature du cercle, impossible à résoudre comme on le sait, ceux qui affichent actuellement la volonté commune de l'empêcher de re-postuler seront, in fine, contraints le moment venu d'appeler à la rescousse une certaine institution ! Mais, là aussi, ce recours ne serait-il pas contre-productif pour la démocratie ' Car la tentation de réactiver les démons du putschisme est toujours porteuse de périls pour les libertés publiques. Mais comment en est-on arrivé à cette impasse politique où tous les atouts du non-changement rafleront la mise en 2014 ' Simplement parce que 2009 fut la bérézina des courants politiques lorsqu'ils entérinèrent le viol de la Constitution et s'accommodèrent des sinécures de la représentativité. Comme le diable est dans le détail, il avait ainsi suffi qu'un articulet de la Constitution soit abrogé pour que le régime algérien s'orientalise. A cela s'est rajouté le lent travail de rabotage de l'élite à laquelle s'est substituée une faune de carriéristes qui se sont attelés à réécrire la mystique du zaïmisme en l'illustrant par le nom que l'on connaît. C'est d'ailleurs à l'un des plus célèbres affidés, aujourd'hui en disgrâce, que l'on doit ce slogan injurieux pour le pays. «Bouteflika est ce qui reste dans le magasin de la République» vociférait un certain Belkhadem à partir de Constantine. Tout a commencé ainsi il y a quatre années de cela.
B. H.
(1) In le quotidien Liberté: Le RCD exige l'application de l'article 88 de la Constitution relatif à la destitution de Bouteflika pour raison de santé.


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