Algérie

LETTRE DE PROVINCE Hommage : Aziz Rahmani, ce confrère exemplaire…


Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
Voilà c'est fait. L'inéluctable vient de s'accomplir puisque notre confrère et ami Aziz Rahmani vient de rendre les armes après avoir lutté, des mois durant, contre le mal qui le rongeait. Terrassé, il vient de nous quitter, nous laissant seuls avec notre tristesse et notre peine tout juste capables de revisiter maladroitement ce que l'on doit à son amitié et sa confraternité. Certes, les convenances exigent toujours que l'on dresse des portraits avantageux aux disparus que l'on évoque.
Cette pudeur face à la mort qui impose les bonnes lumières à ceux qui s'installent dans les ténèbres ne concerne pourtant pas cet immense tendre qu'était Aziz. Car plus qu'un confrère journaliste, il avait tout le temps été un joyeux compagnon à la disponibilité exemplaire et dont l'humour était légendaire. Sage comme ne peuvent l'être que ceux qui méprisent la vanité du carriérisme, il avait traversé 40 années de journalisme sans jamais solliciter les faiseurs de promotion. Et pourtant, Dieu seul sait qu'il possédait un talent d'écriture rarement égalé par ses confrères. Du quotidien An-Nasr, où il entama sa carrière en 1965, jusqu'aux pages du Quotidien d'Oran où il exerça jusqu'en 2010, Aziz Rahmani s'était toujours fait un devoir d'être incisif autant dans ses écrits factuels que dans la chronique. D'ailleurs, nous ne connaissons pas un seul de ses nombreux confrères qui eurent le bonheur de travailler à ses côtés qui ne sache pas citer une de ses trouvailles. Corrosif à l'écrit, il l'était également à l'oral. Lui le boute-en-train de nos moments de détente savait, comme pas un, narrer les petites impostures de l'existence. Sa prodigieuse capacité à jongler avec les calembours se retrouvait souvent dans son travail de journaliste lorsqu'il lui prenait l'envie de détourner les mots de leur sens pour contourner les évidences et les lieux communs. Orfèvre dans ce domaine, n'a-t-il pas donné, au journalisme sportif notamment, ses plus belles lettres de noblesse ' Nous insistons bien sûr le vocable «lettre» de cette formule consacrée, car grâce à lui le compte rendu d'un match ou d'une course cycliste devenait une véritable tranche de littérature. Aziz Rahmani était un Antoine Blondin de notre «petite reine», lui qui possédait suffisamment d'imagination pour parler des forçats de la route. Ses fulgurances verbales transfiguraient la geste sportive au point de faire des besogneux du muscle des hérauts de légende. C'est dire qu'avec Salim Mesbah, cet autre disparu, il avait longtemps illuminé les pages de l'hebdomadaire El Hadef entre 1972 et 1990. Artiste à sa manière, il était d'une insatiable soif de vivre qui lui épargnait le scrupule de la prudence. Il brillait comme homme du monde mais aussi comme un ami dont la fidélité n'a jamais été prise en défaut. Dire de lui qu'il était le meilleur d'entre nous est loin d'être un abus dans l'éloge. En effet, par sa seule présence il captait l'attention et suscitait la bonne ambiance. Même dans ses périodes de grande maladie, il avait une capacité de se moquer de la charogne qui le guettait. Il était ainsi fait ce grand Aziz Rahmani. «Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change » son souvenir résonne déjà en nous comme une nostalgie. Bonne nuit cher confrère et dorts bien cette fois-ci.
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