Par Boubakeur Hamidechi
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Lâchée de toutes parts, l'UGTA, à travers sa contestable direction, semble aujourd'hui à la peine face à la multiplication des mouvements de contestation sociale qui la prennent pour cible toutes les fois où ils expriment leurs mécontentements. A chaque rassemblement, c'est d'abord à Sidi Saïd, son secrétaire général, que sont destinés les quolibets, les rebuffades et même les insultes qui fusent des cortèges.
Pris à partie sans retenue verbale, le patron du syndicat est en train de perdre de sa superbe jusqu'à avouer sa lassitude à travers des formules peu glorieuses pour le militantisme qu'il prétendait, jusque-là, incarner. Après l'accusation de «trahison » qui constitua le mot d'ordre de la grève des ouvriers de la SNVI de Rouiba il y a deux ans, revoici une autre version de ce rejet qui lui est assenée cette fois par les retraités. Jamais auparavant la situation globale de cette vieille centrale unitaire n'a été aussi critique en dépit de l'érosion permanente de sa base d'adhérents. Malgré la montée en puissance du syndicalisme autonome qui est parvenu à récupérer les leviers de la mobilisation, d'ailleurs délaissés sciemment par l'UGTA. Cependant, cette dernière continuait à bénéficier auprès des salariés de l'autorité de négociateur attitré et exclusif. Or, la récente tripartite, qui a vu un Sidi Saïd réduit au rôle de figurant débouté sur tous les dossiers qu'il supposait pouvoir faire passer sans problème, préfigure certainement un changement de partenariat que souhaite l'exécutif politique. En effet, le transfert de l'épineux problème des retraités au ministère concerné prive de fait ce syndicat officiel du bénéfice des effets d'annonce. Sans le carburant de la représentativité opératoire que lui avait conféré l'actuel régime en 1999 en contrepartie de son implication politique à ses cotés, que reste-til à l'UGTA qui justifierait encore un monopole syndical anticonstitutionnel ' Pompier du régime s'étant longtemps gaussé de la stratégie de la concertation qu'il opposa d'ailleurs à toutes les grèves initiées par les courants corporatistes, son secrétaire général n'aurait donc pas vu venir cette subtile réorientation du pouvoir désireux de «rebaliser» le terrain des futures réformes. Par petites touches, il vient d'entamer le travail de substitution de ses interlocuteurs sociaux en admettant d'ores et déjà que les œuvres sociales des salariés de certains secteurs devraient être consensuellement administrées par des représentants autres que l'UGTA seule. Après une décennie de bonnes et loyales servitudes, l'UGTA devra peut-être faire les frais des changements en perspective. Paradoxalement, les temps crépusculaires qui la menacent ne sont pas du seul fait du pouvoir, lequel est d'ailleurs dans sa logique lorsqu'il réaménage les rapports de force en fonction de sa survie. Le déclin qui pointe à l'horizon est imputable pour l'essentiel à la culture syndicale du personnel qui l'anime depuis pratiquement trois mandats. Sur tous les choix économiques ou sociaux du pouvoir, il a apporté sa caution. Il fera même mieux en matière de zèle quand il lui arrivait de réfuter ce qu'il avait salué auparavant, afin de faire écho au changement du discours officiel. Eclaireur pour le compte de Chakib Khelil, Sidi Saïd n'avait-il pas fait l'éloge de la dénationalisation du pétrole ratifiée par la fameuse loi ' Plus tard, il se ravisera et jouera à la claque présidentielle lorsque Bouteflika avouera qu'il s'est trompé et qu'on l'a abusé au sujet des conséquences graves qu'une telle option impliquait. A l'inverse, il n'eut de cesse de discréditer les courants alternatifs en train de s'organiser en associations syndicales. Il mit autant de constance haineuse à combattre leurs existences qu'il accompagna et adopta les louvoiements des gouvernements face à la demande sociale. Ainsi, la tentation, chez ce personnel syndical, de préserver un certain confort politique et matériel en demeurant dans l'orbite du pouvoir a pris le dessus sur la vocation militante. Durant ces dernières années, combien de fois ses structures ont-elles opéré en qualité de «briseurs des grèves» qui se sont décidées sur le carreau des usines ou aux portes des établissements scolaires ' En service commandé, l'UGTA a fini par être assimilée à une institution supplétive du pouvoir chargée de mater le front social. Plus qu'un paradoxe, elle illustra la compromission dans ce qu'elle a de plus infamant. Aspirée puis broyée par les injonctions de plus en plus lourdes du pouvoir, elle a cessé d'être ce pourquoi elle a été créée, jusqu'à ne ressembler qu'à une officine de vigiles. Et si depuis quelques années, d'autres syndicats ont eu le temps de forcir et d'agréger des adhérents autour de leur credo ce n'est pas tant pour promouvoir idéologiquement le pluralisme syndical mais simplement pour se substituer à un «unitarisme » de collaborateurs ennemis de classe. Autrement dit, la multitude d'associations qui portent actuellement la revendication ont, d'une certaine façon, réhabilité et même renouvelé le syndicalisme de combat par nécessité et contre un vieux syndicat capitulant à tour de bras. Désormais inapte à désamorcer le moindre mouvement de contestation, l'UGTA de Sidi Saïd n'a plus les faveurs du pouvoir dans ce domaine. Ce constat, que souligne d'ailleurs la récente tripartite, pose par contre le problème des légitimités. Faut-il faire démissionner le SG et la CEN et reconstruire une nouvelle UGTA plus attractive et crédible ' Ou bien l'irrémédiable devra s'accomplir et qu'il va falloir enterrer définitivement cette union historique pour laisser la dynamique des autonomistes faire le nécessaire afin d'inventer une confédération ' Quel que soit le cas de figure qui s'imposera à l'avenir, la seule certitude à retenir dans l'immédiat est la défiance générale qui, par avance, a déjà scellé le destin de tout un personnel de la Maison des syndicats.
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Posté Le : 29/10/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : B H
Source : www.lesoirdalgerie.com