Algérie

LETTRE DE PROVINCE



Par Boubakeur Hamidechi
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Au moment où s'échangeaient des commentaires à propos d'une curieuse passe d'armes aux allures de vaudeville d'où giclaient des formules assassines qui firent grincer certaines dents tout en amusant les internautes indigènes, ailleurs, à l'abri de la curiosité médiatique, le chantier de la précampagne présidentielle posait déjà ses jalons. A en croire la «sentinelle» autoproclamée qu'est Ould-Abbès, le temps serait venu pour dresser le bilan du grand œuvre d'un 4e mandat touchant à sa fin et, pourquoi pas, articuler dans une vue d'ensemble les 20 années qui”?, du haut de leur passé, contempleront bientôt le pays ! Telle est la promesse future de cet agent électoral porteur de certitudes. C'est que l'air du temps exclut le doute quant au cheminement que l'on s'affaire à baliser pour le compte du chef de l'Etat. Face à ce maître des horloges du pays, ses contradicteurs éprouvent de réelles difficultés à appréhender le prochain rendez-vous. Certes, ils reprennent en l'état la même question qu'ils s'étaient posée en 2013, sans pour autant trouver de nouvelles ripostes capables de contrarier les desseins du régime. Même si l'échéance est encore lointaine et qu'ils possèdent certaines latitudes pour agir, les courants politiques n'ont désormais d'autres choix que de traduire le rendez-vous de 2019 en confrontation binaire. Celle qui exigerait d'eux qu'ils s'entendent sur un programme commun et investissent un candidat unique suffisamment représentatif à tous points de vue. Or, s'il est relativement aisé de trouver des convergences idéologiques pour rédiger une charte du changement, il est par contre malaisé de s'entendre sur la désignation d'un challenger. Les ego politiques, étant ce qu'ils sont, certains animateurs de la société civile ont justement cru utile de proposer une personnalité, sans attache partisane ni d'obédience doctrinale marquée, pour être candidate. C'est ainsi que d'un mandat à un autre, l'on retrouve la même proposition. Celle qui désigne à nouveau Mouloud Hamrouche est, depuis quelques jours, présente sur les réseaux sociaux. Etonnamment, sa popularité, demeurée intacte depuis son unique implication lors de la présidentielle de 1999, ne saurait s'expliquer par la seule qualité de ses analyses ponctuelles. Car ce que l'opinion retient toujours de cette personnalité, c'est surtout le caractère novateur de ses démarches quand il eut à occuper les fonctions de chef de gouvernement (1989-1991). Et si à présent ses avis se font rares, il continue tout de même à susciter de la curiosité si ce n'est de l'intérêt positif dans la mesure où il s'est toujours interdit les compromissions politicardes leur préférant une sorte de mise à distance de tous les enjeux douteux. Y aurait-il par conséquent un «effet» Hamrouche suffisamment attractif au point de continuer à incarner le bon outsider même en 2019 ' Il est vrai qu'il suffit de faire le recensement des têtes politiques bien faites pour constater que le champ partisan est d'une désolante pauvreté. Aujourd'hui, à 74 ans, Hamrouche présente le profil parfait synthétisant cette génération majeure à l'indépendance et mûre pour les responsables dès 1988. Schématiquement, c'est cet argument qui est mis en avant toutes les cinq années pour lui demander de jouer un rôle politique. Cependant, le fait que 2019 ne sera pas précédé par une véritable décantation tout au long des quatre dernières années marquées par la succession de crises chroniques de la gouvernance risque bel et bien de le dissuader définitivement. Qu'est-ce à dire si ce n'est qu'il ne souhaitera pas cautionner à travers sa participation une élection toujours fermée qui fera de lui — et à son insu — un lièvre de haute qualité ! Autant supputer qu'il n'y aura pas de candidat Hamrouche dans la configuration actuelle. Et pour cause, c'est tout de même à lui que l'on doit le diagnostic le plus exact du césarisme actuel. Indéniablement, cet ancien chef de gouvernement, labellisé à juste titre «réformateur», jouit toujours d'un capital d'estime jusqu'à être la référence auprès de plusieurs cercles de pensée. Ce seront, sûrement, ces réseaux éclairés qui ne manqueraient pas de lui donner raison s'il décidait de décliner une offre de la sorte. Face à une classe politique ayant superbement ignoré le butoir majeur en ne se consacrant qu'à la vaniteuse course aux strapontins des communes et à la qualité de maroquins du Parlement, Hamrouche est effectivement édifié sur l'insignifiance du rôle qu'elle prétend tenir afin de rendre possible une alternance dont il sait que celle-ci est plus fantasmée que réelle en regard à leur absence d'ancrage dans la société. Evidemment, lorsque les partis de l'opposition se sentiront refroidis dans leur élan de sympathie, l'on imagine mal qu'ils fassent enfin leur autocritique car c'est à eux que sont imputées toutes les pratiques préjudiciables à la démocratie et au pluralisme à l'image d'un sordide chef de parti qui, lors des récentes législatives, plaida sans rougir pour le bourrage des urnes. Or, si l'enjeu crucial concerne le devenir des libertés publiques, il n'est plus possible également de fermer les yeux sur les pratiques mafieuses de la classe politique, elle-même. Commencer par moraliser les officines avant de vouloir donner des leçons à la société civile est impératif. Quoique pensent les aventuriers actionnant les appareils, cette pseudo-élite politique qui se targue d'avoir fructifié le pluralisme est de loin en retard par rapport à l'opinion et notamment la minorité qui est structurée dans le mouvement associatif. L'électorat en général, c'est-à-dire cette masse plus ou moins conditionnée par le discours politique, ne vient-il pas cependant de sanctionner par deux fois le pouvoir en lui infligeant des scores d'abstention historiques ' C'est par conséquent ce capital de colère qui demeure en jachère par la faute d'un pluralisme de prédateurs. Les leçons lamentables qui illustrent sa capitulation datent du 12 novembre 2008 à travers le viol de la Constitution au Parlement puis l'insoutenable reddition en 2014 quand ils souscrivirent à une réélection irréelle. Voilà pourquoi l'initiative consistant à appeler au secours de la démocratie une personnalité comme Hamrouche n'est au mieux que le vœu louable d'une classe politique désireuse de s'acheter bonne conscience après avoir été à l'origine de toutes les dérives anti-démocratiques.


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