Algérie

LETTRE DE PROVINCE



Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr
En dépit du rapport accablant de la Cnisel, les jeux sont faits et rien ne va changer dans la configuration de cette 7e législative. C'est ce que devait souhaiter le pouvoir dont il vient de l'obtenir de cet aréopage de Ponce Pilate. Explicitement, de quoi s'agit-il en l'occurrence ' Eh bien celui d'aller dans le sens de la contestation des recalés mais en se gardant de bien l'exprimer à temps, c'est-à-dire avant la forclusion des procédures.
Le Conseil constitutionnel étant passé par là, voici donc un aveu inutile sauf pour le chef de l'Etat qui pourra alors tirer un profit indéniable de l'affaiblissement précoce de l'image d'un Parlement officiellement mal élu. Sans être certain que ce timing ait été par avance planifié, ce dont par contre est sûr, c'est le retard trouble des superviseurs à rendre leurs avis et les faux scrupules qu'ils avaient mis dans leurs énoncés. Or, cela ne ressemble- t-il pas à une forme de convergence tactique destinée à démonétiser les succès des urnes et de fait à affranchir un peu plus le chef de l'Etat de tous les formalismes lorsqu'il se décidera à redistribuer les rôles et les fonctions ' Autrement dit, loin de lui procurer du souci, le rapport circonstancié relatif au déroulement du vote du 10 mai, lui fournirait le prétexte idéal pour redéployer sa traditionnelle méthode en direction de l'institution législative. A partir d'une légitimité sujette à caution, il exigera, en effet, de cette dernière qu'elle obtempère comme les précédentes et dans le même temps il pourra ignorer la factice représentativité dans le dosage de son nouvel Exécutif. Coup double pour le chef de l'Etat qui, à la fois, bénéficie de l'indulgence des observateurs internationaux et dans le même temps reçoit en guise d'ultime dot une Assemblée dont la docilité sera manifeste. Globalement, le récent renouvellement électoral préfigure le cheminement futur de la transition promise. Tout au moins en termes de climat, Bouteflika est presque rassuré que les réformes qu'il voudra orchestrer aboutiront grâce à cette chambre d'enregistrement mais qu'il lui faudra par contre se pencher sur le front social où l'hostilité à son régime est toujours patente. La plupart des instances chargées d'analyser la situation morale du pays aboutissent aux mêmes conclusions. Désastreuses, celles-ci mettent en cause subtilement la gouvernance et ces dérives mais évitent par euphémisme (ou peut-être crainte du crime de lèse-majesté !) de l'imputer à celui qui dirige l'Etat depuis 13 années. Ainsi, autant il a pu se révéler comme un redoutable manœuvrier en politique capable, en toutes circonstances, de retourner en sa faveur les situations les plus délicates de même qu'il a pu neutraliser la totalité des institutions nationales, autant on ne lui connaît guère de grandes visions économiques et de postures claires dans le management de l'Etat. C'est justement sur ce dernier versant de ses responsabilités qu'il a été le plus critiqué. Que justement les analystes passent au scanner les échecs notoires dans le domaine de la gestion de l'Etat en se contentant de désigner la médiocrité supposée des grands commis n'est pas seulement un injuste procès mais bel et bien un demi-mensonge. Car personne n'ignore que pas une seule équipe gouvernementale qui soit passée n'avait d'autonomie de décision. Suspendues aux humeurs changeantes d'El Mouradia, elles ont été toutes réduites aux tâches subalternes dont les cohérences ont rarement été évidentes. Or sur le long terme (13 ans), cela a un coût dispendieux financièrement et tout à fait amoral par son impact sur la défiance de la société. En voyant s'ouvrir devant lui le bon corridor politique afin de réaliser un sans-faute pour légiférer au pas de charge, le chef de l'Etat est, par contre, dans l'impasse totale s'agissant d'une intendance en panne. En effet, s'il tarde tant à nommer un gouvernement, c'est que lui-même est en butte à un déficit de vision pour l'avenir à court terme (2014). Avant de se demander «avec qui faire '», il doit sûrement s'interroger sur son «que faire '», tant il est vrai pour sa gouverne que le fameux mythe du «programme présidentiel» prend eau de toutes parts. Même dans le cercle restreint de ses exécutants, l'on peine à le décliner clairement et avec conviction. Fait de bric et de broc et caractérisé par une absence permanente de fil conducteur, n'a-t-il pas consisté, grâce à la bénédiction pétrolière, à acheter de fausses paix sociales par la distribution rentière ' De la même façon, les projets des grands travaux de modernisation des infrastructures n'ont-ils pas donné lieu à l'exacerbation de la corruption par les surcoûts imaginaires et cela faute d'encadrement rigoureux du contrôle ' Dans l'opinion, bien plus perspicace qu'on ne le croit, s'est déjà forgée la conviction que les biens publics sont de moins en moins à l'abri de la prédation. D'un quinquennat à un autre et d'un gouvernement revu et corrigé au suivant, la société observe et se désole ensuite que le sommet de l'Etat reconduise les mêmes schémas de gestion et par voie de conséquence récidive dans les mêmes péchés. Seul face à l'équation d'un gouvernement de la dernière chance, le président de la République est désormais tenu de redonner du sens à ce relais cardinal de l'Etat et ne plus se satisfaire des chaises musicales qu'il affectionnait tant. C'est sur cette dernière délibération que l'on saura à peu près comment veut-il préparer sa sortie de la scène.




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