Algérie

Lettre de province



Lettre de province
Par Boubakeur Hamidechi[email protected]/* */Il n'est qu'à mi-parcours de cet impossible quatrième mandat, octroyé d'ailleurs contre tout bon sens, que déjà le premier cercle panique. Une crainte qui, pour une fois, ne doit rien à l'adversité politique mais plutôt à la révélation qu'il vient de recevoir. Celle qui lui rappelle simplement que l'on ne peut gouverner durablement en recourant à l'esbroufe.Le coup de semonce que l'amplitude de la crise économique et sociale vient d'assener à un gouvernement déjà aux abois est révélateur de la panne qu'il maquille depuis plusieurs mois. C'est ainsi d'ailleurs que l'on constate que même Sellal abandonne sa superbe et s'efforce d'exprimer à demi-mot certaines inquiétudes. De même, l'habilité des ministres à vanter, ici et là , l'action de l'Etat est reçue par l'opinion comme un exercice de charlatanisme d'une autre époque. Autrement dit, la magie de la parole officielle est bel et bien morte tant la désillusion suscitée par un président de la République est forte dans la société. Le lamentable spectacle d'un exécutif où se joue en permanence la valse des départs et des arrivées de ministres, d'une part, et d'autre part, une haute administration surexposée, ne font-ils pas de l'avant- scène de l'Etat une pétaudière d'où émanent les mesures les plus insensées ' A cette cacophonie d'un gouvernement abandonné à son sort par un chef de l'Etat malade, il faudra ajouter également les désastreuses médiocrités d'un Parlement inutile et d'un syndicalisme officiel peuplé de supplétifs aux ordres.Et c'est l'ensemble de ces vecteurs d'une puissance publique apocryphe qui a fini par prendre en otage l'Etat et à abuser des effets d'annonce en tant que traitement fictif des maux politiques les plus graves. La corruption et les droits de l'Homme, qui étaient des sujets jusque-là tabous où, du moins, abordés avec une rhétorique politique compassée, sont étonnamment remis à l'ordre du jour afin de faire diversion sur le reste des dossiers brûlants dans lesquels pataugent les expertises du pouvoir. En l'espace d'une semaine, il a été, en effet, remis au goût du jour la question de la lutte contre la corruption à travers l'ersatz d'un renouvellement de l'observatoire à l'indépendance suspecte.Parallèlement, il a été également question d'examiner à l'APN le projet d'un «conseil national des droits de l'Homme». Deux vastes préoccupations relevant à la fois de l'éthique et de l'Etat de droit et à propos desquelles l'Algérie s'est prêtée à la plus mauvaise des réputations auprès des institutions internationales spécialisées dans ces domaines. C'est grâce à la manne pétrolière, quand le baril valait 100 dollars, que le pic des malversations a été atteint. Pots-de-vin ici, passation opaque des marchés là , sans omettre les enrichissements illicites consécutifs aux délits d'initié, voire au trafic d'influence. Toute la panoplie de la rapine a été mise en action durant les années 2004-2010, essentiellement. Une mise en coupe réglée, annonciatrice de l'effondrement à terme de l'Etat et contre laquelle ni le pouvoir politique ni les organismes de prévention (justement l'institution en question) et moins encore la justice ne s'étaient empressés de juguler par de vigoureuses mesures coercitives. Grands P-dg et hauts cadres de l'Etat sont régulièrement soupçonnés de connivences dans ce genre d'opération. Parfois même des ministres sont éclaboussés par des révélations émanant de la justice des pays étrangers sans que ce genre d'atteinte n'émeuve l'autorité morale qu'incarne le président de la République. Se contentant de donner crédit à leur explication, la justice, à son tour, balaye d'un revers de main les complots de l'étranger. En instituant implicitement le délirant statut de «ministre au-dessus de tous soupçons», le pouvoir a immunisé certains d'entre eux alors que leurs noms sont régulièrement cités dans les tribunaux internationaux. C'est donc de ce laxisme clanique sciemment entretenu durant des années que germa le pourrissement contagieux. Prenant «l'exemple» de cet enrichissement impuni, d'autres pontes structurèrent leurs réseaux afin de capter les pots-de-vin lors des transactions de leur secteur. Et malgré les révélations de la presse qui insistèrent souvent sur la complicité passive des cadres de l'Etat, rares furent ceux qui, parmi eux, ont été «rattrapés» par la justice. Même cette dernière se réfugia souvent dans des simulacres de condamnation tant la pression se révélait trop forte. A partir de cette convergence politico-affairiste ayant fait ses preuves dans les rouages de l'Etat, naquirent d'étonnantes connivences dont les objectifs consistaient à mercantiliser saisonnièrement les mandats de députés et de maires. Depuis, le pourrissement n'a cessé de gagner en profondeur à tel point qu'il semble désormais ridicule de donner acte à un aréopage de personnalité, certes moralement crédibles, de s'attaquer à cette gangrène circonscrite aux classes supérieures de la société. Or, comment y parvenir lorsque l'Etat lui-même est contrèlé indirectement par des réseaux mafieux ' Et comment sera-t-il possible de faire table rase des solidarités anciennes enracinées dans le premier cercle de l'Etat ' Vidées de toute respectabilité, les institutions de la République sont globalement rejetées par la société. Même les simulacres de procès que l'on avait organisés par le passé ne furent guère d'un grand secours pour rétablir la confiance auprès des Algériens. Une justice déficitaire en terme d'indépendance n'est-elle pas semblable à la loi de la jungle ' Réduite à des pratiques de rebouteux, n'aggrave-t-elle pas sa détestation pour la scélératesse de ses verdicts 'D'ailleurs, ces prétendus «grands» procès amputés de l'essentiel de la vérité réactivèrent dans l'opinion les souvenirs de tous les engagements jamais tenus par le régime. Celui notamment d'éradiquer la corruption qu'il imputait, sans discernement dans les discours, à ses prédécesseurs. «Ses cliques, disent-ils, qui n'ont eu de cesse de piller et rabaisser la dignité de la nation». Hélas, ce n'était pas tant qu'il ait failli dans ses engagements mais d'avoir été plus permissif encore. Car, si jamais auparavant la délinquance financière n'avait atteint de telles proportions l'on peut à la rigueur l'expliquer par la modestie des rentes pétrolières du passé.Cependant, rien n'était venu pour brider les tentations jusqu'à laisser se développer le syndrome de l'impunité. Souvent le laxisme de la justice a été à l'origine des regrettables dérives jusqu'à faire de la culpabilité liée à «l'abus des biens sociaux» un euphémisme idoine pour qualifier de monstrueux crimes économiques. Dans ces cas-là , c'est-à-dire en l'absence de scrupules moraux tant chez les responsables politiques que dans la magistrature, il est inapproprié de se revendiquer de l'Etat de droit.Celui que se donne une bonne République et qui se décline sur la base d'une somme de codes éthiques vis-à-vis desquels la moindre dérogation rime avec entorse à la règle. Est-ce encore possible d'y parvenir par la seule pommade cosmétique des «observatoires» et des «conseils» ' Sûrement pas”?


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