Algérie

Lettre de province



Lettre de province
Par Boubakeur Hamidechi[email protected]/* */Malgré la chaleureuse luminosité du soleil irradiant les premiers jours de juin, le pays affiche encore et toujours la même humeur chagrine. Semblable à une gueule de bois, ce genre de réactions n'indique-t-il pas la présence de gros bourdons au sein de la société ' Un immense cafard difficile à dissiper tant le malheur que vit le pays est grand. Bien plus que du désenchantement passif, c'est désormais de l'exaspération et même de la colère sourde que le baromètre de la société indique actuellement. Car si dans le contexte inédit d'une présidence fantomatique l'opinion est unanime pour souhaiter que l'on mette fin aux fausses apparences politiques, ce désir est loin d'exprimer une hostilité au personnage, «him self». Bien au contraire, cette exigence part d'un scrupule élémentaire qui doit accorder à l'intérêt national le primat au détriment des vœux du commandeur, fût-il populaire. En clair, même les «mythes vivants» ne doivent pas se muer en mystification.Sans doute que la nébuleuse politique à l'origine de la terrible option de 2014 avait surestimé les capacités de la «machine» qu'elle venait de mettre en marche et notamment dans le volet du casting. Celui qui a consisté à surestimer un personnel pourtant tatillon dans l'exercice de ses fonctions et parfois bafouillant lorsqu'il lui arrive de communiquer directement. Pis encore, il s'est très tôt révélé comme un piètre flagorneur toutes les fois où il devait officiellement discourir. Bref, l'opinion s'est rapidement faite une idée précise concernant les qualités morales de ces gouvernements, d'ailleurs trop souvent «remaniés». Or, l'Algérie, qui a pris du retard dans le domaine du management mais aussi dans la mise à jour des vecteurs de la créativité (école, université et recherche), pouvait-elle, de surcroît, se contenter de reconduire certains procédés obsolètes politiquement parmi lesquels le verrouillage des autonomies (Conseil constitutionnel et Parlement) à l'origine d'une insoluble équation sanctuarisant la fonction de Président même lorsque l'impossibilité d'exercer ses prérogatives est de notoriété publique. C'est ainsi qu'à la suite des viols successifs de la Constitution et leurs corollaires les amendements des lois organiques, l'Algérie a cessé de ressembler à un Etat de droit pour se présenter dorénavant sous la caricature d'un «Etat de fait», fabriquant à l'envi des «légitimités» selon les besoins du prince.L'impasse institutionnelle qui était redoutée devint effective au moment où le chef de l'Etat fut hospitalisé pour la seconde fois en avril 2013. Or, la protection par la loi du reliquat de son mandat (2009-2014) a très tôt donné des idées à son entourage lequel réussit un odieux hold-up électoral en le représentant à la magistrature avec l'accord tacite de ceux qui acceptèrent de tenir les rèles de faire-valoir de la pluralité du scrutin. C'est substantiellement cette dérive que l'on qualifie de clochardisation des institutions et de l'espace partisan. Celle qui épargne heureusement la société et surtout l'électeur installé d'abord dans l'abstentionnisme avant d'opter clairement pour les boycotts. Or, il ne reste à ce sujet que la connivence des partis politiques chez qui la tentation des ors du pouvoir a souvent pris le pas sur les combats doctrinaux. L'opinion publique, déboussolée par l'inqualifiable médiocrité de la classe politique que l'on dit ironiquement peuplée de «girouettes», en a tiré étonnamment une conclusion ravageuse qui annonçait la plus terrible des fractures. Celle qui désigne l'Etat avec un grand «E» comme l'ennemi principal de la société. Une idée certainement dangereuse mais qui ne l'a pas empêchée d'irriguer les propos de l'opinion publique et jusqu'à contaminer certains satellites du pouvoir découvrant sur le tard la nature pernicieuse du régime.De nos jours, le diagnostic posé quelques années plus tôt trouve suffisamment les bons prétextes pour être repris même par ceux qui n'avaient aucune raison de faire le moindre grief au régime. Voilà pourquoi un vieux débat politique a fini par tourner au procès d'un pouvoir en voie de délitement à force de recourir à la subornation aussi bien des institutions et des élites que de l'administration et de la justice ; tout cela évidemment dans l'unique but de conforter la mainmise du clan sur la totalité des vecteurs sensibles de l'Etat.Alors que l'attelage gouvernemental s'efforçait maladroitement de polir l'image du régime en sortant de la boîte à idées certaines formules passe-partout du genre une «tripartite» pour accoucher d'une N.E.P (nouvelle économie politique), il se trouvait que le Saâdani du FLN, le Ouyahia du RND et même les crypto-islamistes considérés comme les chouchous du «grand corps malade» indigène étaient simultanément missionnés pour matraquer l'opinion en dissertant sur le supposé antipatriotisme des planqués au sein des appareils politiques. Autant de contre-discours de tribuns qui rallumèrent l'offensive antipartis au prétexte que tous les mémorandums rendus publics visaient à l'effondrement de l'Etat ou du moins à l'affaiblissement de la souveraineté nationale toutes les fois où ils évoquaient l'alternance. Un «infâme complot», selon Saâdani qui, ajoutait-il, «voulait organiser l'instabilité». D'ailleurs, ce sera le même procureur du FLN qui, au détour d'une allocution, justifiait la reconduction du même homme à la tête de l'Etat en la qualifiant d'acte majeur de «salut» républicain.Ainsi, lorsque les oracles de cette espèce parlent trop et trop vite, est-il encore pertinent d'accorder de l'intérêt à ces visionnaires de pacotille ' Dans le contexte trouble où se trouve l'Algérie, leurs propos ne sont en définitive qu'esbroufe. Comme on le sait d'ailleurs, la fourberie en politique a toujours accouché du mensonge ; notamment quand elle décide de faire coucher contre son gré la République dans le lit d'un régime qui a épuisé tous ses droits.Maussade, morose et morne pays où l'on persiste dans le mépris de la légalité tout en prétendant en être les gardiens.


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