Algérie

Lettre de province



Lettre de province
boubakeur.hamidechi@Yahoo.frDans les passes d'armes politiques, il n'est pas recommandable de riposter par des formules assassines dans l'unique but de faire, comme on dit, le «buzz» et de mettre les rieurs de son côté. Bouchouareb, ministre de la République, ignorait-il cette prudence au moment où il devait polémiquer au sujet des assertions tenues par Louisa Hanoune ' En tout état de cause, il fut discourtois lorsqu'il qualifia son propos de «clownerie politique», d'une part, et d'autre part, il se révéla ambigu dans son réquisitoire en laissant entendre qu'elle serait «missionnée» ! Mais par qui, se demandait-on justement ' Car tout l'intérêt d'une pareille suspicion ne réside-t-il pas justement dans la paranoïa du clan dont la solidarité interne a besoin d'être confirmée à tous les instants. C'est que la patronne du Parti des travailleurs n'est pas une opposante ouvertement hostile au régime. Souvent ; et jusqu'à très récemment, n'a-t-elle pas été publiquement appréciée pour ses campagnes de validation du régime ' Rarement prise en défaut dans l'art d'être attentive aux avantages que confèrent les ors de la République, elle n'a cependant jamais perdu de vue la nécessité de demeurer une agitatrice solidement arrimée à ses dogmes. Et c'est sûrement le grand écart caractérisant ses interventions médiatiques qui, dorénavant, déplaisent aux groupuscules agrégés au pouvoir. Ministres en exercice ou personnalités issues de la société civile et du monde des affaires, tous s'irritent précisément qu'elle s'autorise à établir des distinguos tranchés entre l'inspiration politique du chef de l'Etat (!') et la mise en musique des objectifs dont ils ont la charge. D'ailleurs après l'entrepreneur Haddad qui l'avait sommée trivialement de «se la fermer», Bouchouareb se défend à son tour, avec la vulgarité en moins, en lui rappelant qu'il ne fait qu'appliquer «la feuille de route du Président». Tous les reproches se nichent par conséquent dans les subtils traitements sémantiques de ce singulier allié qu'est le PT. Trop enclin à défendre une sorte d'immunité papale dévolue au chef de l'Etat tout en étant férocement critique à l'égard du personnel, pourtant choisi par le palais, Louisa Hanoune a fini par susciter d'abord de l'acrimonie avant de devenir la victime d'une campagne entamée par le Saâdani du FLN. Ces péripéties qui éclaboussent en première ligne les apparatchiks ont acquis au fil des répliques une résonance particulière. En effet, c'est par le biais de cette pièce maîtresse du vieux dispositif partisan, dont avait besoin Bouteflika, qu'est venue la dénonciation. Celle d'une «clique oligarchique» qui contrôle le fonctionnement des institutions, avoue le PT lequel ne s'était jusque-là désolé que des solutions imparfaites. Or prendre prétexte d'un long entretien dans un journal(1) pour ouvrir une fenêtre de tir sur les membres influents du gouvernement cadre si peu avec la traditionnelle stratégie de sa communication. L'innovation dans ce domaine n'ayant pas échappé au ministre de l'Industrie, celui-ci était parfaitement en droit de s'interroger quant aux intentions lointaines de Louisa Hanoune. D'où l'hypothèse d'un différend de fond avec le cabinet noir qui s'est emparé des affaires de l'Etat. En effet, il semblerait qu'elle soit en délicatesse avec l'omnipotent Saïd et qu'elle n'aurait d'autre alternative, à offrir à l'appareil qu'elle dirige, que d'aller vers un aggiornamento. Une mise à jour, ou plutôt une actualisation des fondamentaux du PT qui devraient l'inscrire dans l'après-Bouteflika. Anticiper. En somme, avoir un coup d'avance sur les”? coups tordus qui la menacent serait son objectif primordial désormais. Elle, qui s'est épanouie et bonifiée durant un quart de siècle (1990-2015) grâce à la praxis des arcanes du système, n'est-elle pas actuellement sous la menace de la déstabilisation ' En effet, c'est à partir des scénarios qui s'élaborent à El-Mouradia que l'on gère ponctuellement l'activité partisane. Et, selon les contextes et les conjonctures, les feux verts pour les bûchers sacrificiels s'allument. Louisa Hanoune et le PT peuvent-ils déroger à ce formatage d'airain auquel l'on a soumis déjà et le FLN et le RND et le Hamas ' Évidemment que non, en ce sens que cette pasionaria ne doit sa visibilité dans l'espace du multipartisme qu'à la théorie des quotas lors des dépouillements de nos scrutins. Ainsi en dépit de l'effacement quasi-définitif du chef de l'Etat, la nuisance anti-partisane du pouvoir est demeurée intacte. Voire pire lorsque cela s'avère nécessaire, à l'exemple de ce qui est advenu au FLN.Critiquée vertement et de toutes parts, pour avoir été l'amie inconditionnelle du régime avant de se mettre à étaler ses tares sur la place publique, Madame Hanoune doit savoir sûrement que le courant idéologique qui l'a portée jusqu'aux premières loges de la classe politique du pays risque d'être gommé aux dépens de l'inénarrable ambition qui l'a nourrie. Aura-t-elle personnellement la distance suffisante pour renoncer à son ego surdimensionné en préservant, tout au moins, l'idéal politique à l'origine de ce fameux club de pensée devenu, par le hasard des compromissions, une machinerie politique qui l'a finalement broyée ' La question est d'ores et déjà envisagée dans les cercles restreints de l'opposition active au système. Lesquels ne verraient aucun inconvénient à ce que ce Parti des travailleurs s'affranchisse enfin d'un combat douteux et en vienne à grossir les rangs de la contestation.B. H.(1) Entretien accordé à El Watan le 19 février dernier.




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