Algérie

Lettre de province



Lettre de province
Par Boubakeur Hamidechi .frEn décidant de renoncer à poser sa candidature, Hamrouche vient certainement de refroidir les élans de sympathie qu'il compte dans l'opinion. Certes, l'annonce de son forfait, au strict sens que lui donne le sport, ne doit pas être perçue comme une dérobade de sa part. Au contraire, il conforte implicitement la bataille médiatique, notamment des réseaux sociaux, qui prènent le boycott de la mascarade en train de se mettre en scène. En conscience, tout en prenant soin de ne pas paraître comme le «parrain» d'une quelconque campagne, il abonde dans le même sens des inquiétudes qu'exprimèrent avant lui d'autres personnalités. La crise majeure du régime étant un fait établi, il s'interrogeait à son tour sur la marge qui restait à celui-ci pour s'amender avant que l'Etat ne tombe en quenouille entre les mains des aventuriers. «Nos constituants sociaux ne peuvent s'accommoder de pouvoir souverain sans contre-pouvoir», lit-on dans sa déclaration. Il poursuit ensuite en rappelant qu'«il ne peut y avoir d'exercice d'un pouvoir d'autorité ou de mission sans habilitation par la loi et sans un contrôle». Or, c'était ce double préalable à toute bonne gouvernance qui a été balayé d'un revers de la main jusqu'à faire de l'Algérie un Etat avorté. Le fait que Hamrouche en fasse l'alpha et l'oméga de l'exigence du changement dans le contexte actuel ne peut souffrir le moindre soupçon d'opportunisme de sa part. En effet, ne s'était-il pas saisi de toutes les occasions qu'offrait la vie politique du pays pour remettre en débat ces fondamentaux qu'hélas l'actuel pouvoir avait allègrement transgressés plus d'une fois. Déjàen 2005, il s'insurgeait contre les dérives dont celui-ci s'était rendu coupable. «Il est temps, disait-il, de faire la différence entre ceux qui veulent sortir le pays de l'impasse et ceux qui veulent discuter dans l'impasse». En son temps, cette allusion visait alors la manière dont a été concocté le projet de charte pour la réconciliation. Deux années plus tard, en 2007, il cosignait avec Aït-Ahmed et Mehri un appel pour faire barrage à tout amendement de la Constitution. Ce qui sera, effectivement, commis le 12 novembre 2008. La crainte fondée que «la prolongation du mandat du Président sans changement radical du système conduit le pays à une impuissance plus marquée» (fin de citation) ne préfigurait-elle pas ce à quoi allaient s'exposer les institutions 5 années plus tard ' D'ailleurs Hamrouche, partageant avec Mehri et Aït-Ahmed la perception de ce nouvel ordre établi qui fonctionne sur la base des réseaux d'allégeance, n'avait-il pas conclu que cela a amené l'Algérie à être «pensée en tant que présidence seulement au lieu d'être perçue dans la majesté d'un Etat majuscule». L'on peut donc se rendre à l'évidence qu'il n'a pas été si silencieux qu'on ne le croit. Et même si l'on a pu comprendre un moment qu'il rendait publique une offre de service» pour entrer dans le jeu, dix jours plus tard l'on s'aperçut que sa préoccupation était tout autre. C'est-à-dire que sa déclaration du 17 février était avant tout une profession de foi d'un homme politique aux convictions intactes. Et pour cause, c'est quand même à lui que l'on doit la formule la plus féroce illustrant le césarisme de Bouteflika. Celle-ci datait de juin 2001. Alors que le pays était secoué par l'insurrection de la Kabylie, il parvint à traduire le désarroi national par un subtil distinguo entre la légalité formelle d'un pouvoir et la légitimité du processus historique. «Je ne crois pas que son départ constitue la solution, disait-il. Mais toute solution qui va dans le sens de l'Histoire passe par son départ», ajoutera-t-il. Indéniablement, l'ancien chef de gouvernement, labélisé à juste titre de «réformateur», jouit toujours d'un capital d'estime dont bon nombre de cercles en avaient fait une référence et qui n'hésitèrent jamais à parier sur sa capacité à déplacer de l'intérieur les lignes «rouges» du système. Son refus de s'impliquer pour la troisième fois dans la déloyale compétition que des cabinets noirs, des appareils de propagande et également une institution se sont accordés à verrouiller, suscite il est vrai de la déception. Mais dans le même temps, cette auto-disqualification pourrait, dans les semaines qui viennent, donner lieu à réfléchir aux candidats à la candidature qui s'apprêtent à aller au-devant de l'humiliation au nom des urnes. Hormis les hurluberlus, que l'on affuble de tous les noms puisés dans l'iconographie animalière, il y a de respectables personnalités qui ont manifesté le désir de postuler et dont on ignore sur quoi se fonde leur intime conviction. Au moment où la présidentielle algérienne est devenue le sujet de prédilection des humoristes hors de nos frontières et plus gravement une préoccupation alarmante dans les couches sociales du pays, est-il excessif de vouloir connaître d'où les personnalités en question puisent cette sérénité. Voire une telle certitude insensée. Le choix d'un chef d'Etat est une affaire concernant le destin d'une nation. Ce n'est pas un dîner de gala pour lequel l'on s'invite sans conséquences fâcheuses. Or, Hamrouche, en tournant le dos à ce compromettant sésame pour participants, se révèle un conseiller exemplaire. Celui qui leur veut du bien en mettant en garde tous ces faux-naïfs qui font fi de la prochaine tricherie, de la future fraude et de l'inévitable prévarication de la haute administration sous influence.Tout cela se passera ainsi. Car ce qui va advenir est de l'ordre des obsessions d'un régime pour qui tout lui semble secondaire, même la survie de l'Etat ! Voilà qui en dit long sur ce qu'il est attendu de celui-là .




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