Par Khelfaoui Benaoumeur(*)
Il est vrai que vous nous aviez, infatigablement, offert des tapis magiques, par le biais desquels vous nous donniez l'opportunité de nous arracher des dos-d'âne de nos quotidiens tumultueux, pour voyager, tout en jubilant, dès la tenue du gouvernail, à travers les mondes que vous construisiez ingénieusement et généreusement pour nous... Habitués à vos potions régénératrices, nous n'avons cessé de guetter, dans notre ciel brumeux, la lune de nos destins culturels, scrutant le croissant qui annoncerait ces tapis salvateurs qui ont au moins le mérite de nous servir de refuge quand, à la croisée de nos chemins bourbeux, on ne nous annonce que les déluges...
En tant que lecteur dissous dans la foultitude anonyme, je me permets de me gratter la tête, tel un Che3ayeb lekhdim, en me posant cette naïve MAIS sincère question, laquelle, faute de réponse convaincante, ricoche toujours entre les murs de la boîte crânienne, qui me sert de disque dur vulnérable à l'AIE !(1)
En effet, je me dis, tel un crédule croyant au père Noël, pourquoi les plumes françaises (au vu de la langue de vos œuvres), ou d'autres nationalités, ont contribué, dans leur engagement explicite, par leurs mots, à l'éveil des consciences qui a engendré une société civile tenant les rênes de sa destinée... «Car le mot, qui arrache le prosateur à lui-même et le jette au milieu du monde, renvoie au poète, comme un miroir, sa propre image.»(2)
Et paradoxalement, ce qui me laisse vomir les restes de t'chicha qui avaient servi pourtant à tromper ma faim, je reste éberlué par le fait de nous avoir donné l'occasion, encore une fois, de croire à notre défaitisme même/surtout intellectuel... !'
Au moment où on vous attendait le plus pour nous faire, par le génie de vos tapis magiques, impliquer totalement, chacun par sa bougie dans les bas fonds ténébreux de notre Algérie – qui agonise sous les griffes et les canines des charognards – cherchant à trouver une issue salvatrice, vous vous permettez de nous tourner le dos en vous jetant en gladiateurs, gratuitement, pour le bonheur de vos détracteurs vêtus de fausses toges !'
A qui profitent vos pamphlets '
Pour amuser le roi ou pour distraire la plèbe... !'
Cette malheureuse, qui, claquemurée entre une corruption saignante et un chantage «daeshisant», semble vous dire : «Wa Boudjedrah ! Wa Khadrah !»...
Votre génie et votre talent d'écriture, que nous savourons sublimement, ne doivent-ils pas figurer dans les premiers rangs, face au spectacle qui s'offre ces jours-ci sur la scène de notre/votre Algérie !'
Avec votre qualité de visionnaires, n'avons-nous pas le droit de postuler au casting de vos fictions/réalités... !' «Ecrire, c'est donc à la fois dévoiler le monde et le proposer comme une tâche à la générosité du lecteur. C'est recourir à la conscience d'autrui pour se faire reconnaître comme essentiel à la totalité de l'être ; c'est vouloir vivre cette essentialité par personnes interposées ; mais comme d'autre part le monde réel ne se révèle qu'à l'action, comme on ne peut s'y sentir qu'en le dépassant pour le changer, l'univers du romancier manquerait d'épaisseur si on ne le découvrait dans un mouvement pour le transcender.»(3)
Notre Titanic est menacé par d'impitoyables icebergs, préféreriez-vous persister à nous bercer par vos violons à couteaux tirés, où allez-vous vous joindre aux audacieux – quoique indexés de Don Quichotte – qui s'ingénient, contre vents défavorables et marées agitées, à sauver l'arche des chouhada des griffes d'une oligarchie vampirisant le devenir de toute une nation avec une méprisante arrogance et une dubitative impunité...
- nous vous estimons tous les deux ;
- nous vous respectons tous les deux ;
- de grâce, ne nous imposez guère dans une alternative stérile de parti-pris !
Rehaussez-vous au trène qui vous sied légitimement et ayez cette bienveillante bonté qui a toujours animé et illuminé vos lecteurs en leur tendant votre plume de sauvetage... Amen?!
Algériennement votre !
K. B.
(*) Enseignant-chercheur, département de français, Faculté des lettres et des langues, université Kasdi-Merbah de Ouargla.
Notes
1- AIE : Appareil idéologique de l'Etat.
2- Qu'est-ce que la littérature ', J.-P. Sartre, Editions Gallimard, 1948, p.21.
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Posté Le : 11/10/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : 3 Ibid p 67
Source : www.lesoirdalgerie.com