Algérie

Lettre au président de la République


Lettre au président de la République
Monsieur le président de la République,Chaque année se tiennent dans de nombreuses villes de France des commémorations de la manifestation du 17 octobre 1961 et des violences qui l'ont suivie. Chaque année, les mêmes mots reviennent, prononcés notamment par celles et ceux qui ont vécu ces heures sombres de notre histoire nationale.
Chaque année, l'émotion est grande parmi les familles qui ont vécu ces violences, encore plus parmi celles qui ont perdu l'un ou l'autre de leurs proches, dont le corps n'a parfois même jamais été retrouvé. Cinquante ans après les faits, ce 17 octobre 2011 aura bien entendu une connotation particulière et le retentissement des initiatives prévues sera important, en France comme à l'étranger.
Cet événement a longtemps été refoulé de la mémoire nationale, y compris de la mémoire populaire, la manifestation dite «de Charonne» du 8 février 1962 captant toute la lumière des heurts violents que cette période a connus en métropole et renvoyant dans l'amnésie collective les faits d'octobre 1961.
Il aura fallu attendre le roman de Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, en 1984, pour commencer à lever le voile du souvenir, puis en 1991, le travail de l'historien Jean-Luc Einaudi dans La Bataille de Paris, pour que, enfin, les faits commencent à être connus et décrits.
Des noms ont, depuis, recouvert l'anonymat des centaines de victimes de cette nuit d'octobre et des jours qui l'ont suivie, comme celui de Fatima Bedar, cette jeune stanoise dont le corps a été retrouvé dans le canal Saint-Denis, à hauteur d'Aubervilliers. Ces victimes occultées sont redevenues des êtres de chair et de sentiments, aux vies interrompues.
Aujourd'hui, pour que les Français qui ont une ascendance algérienne trouvent leur place dans cette partie de l'Histoire de France, pour que tous les Français regardent en face notre pays, dans ses moments glorieux comme dans ses heures sombres, pour que nous passions à un nouveau temps des relations entre l'Algérie et la France, il est nécessaire que nous puissions ensemble tourner la page de cet événement.
Or, une page blanche ne passe pas. Pour pouvoir tourner la page de l'Histoire, encore faut-il que cette page soit écrite. C'est pourquoi, Monsieur le président de la République, je m'adresse de nouveau à vous sur ce sujet, comme j'avais déjà eu l'occasion de le faire il y a quelques années.
En cette année 2011, cinquante ans après ces événements, il vous revient, sous la forme que vous jugerez la plus appropriée, de reconnaître les faits qui ont entraîné la mort d'au moins deux cents personnes et qui en ont blessé des centaines d'autres, en octobre 1961, à Paris et dans la banlieue parisienne. Votre responsabilité individuelle en tant que chef de l'Etat rejoint ici notre responsabilité collective de regarder gravement, mais le plus honnêtement possible, notre passé.
Ma démarche ne procède pas d'une recherche de repentance de notre pays qui ne serait utile pour personne, mais d'une exigence de la nécessaire reconnaissance des violences commises alors par les forces de l'ordre, une reconnaissance qui rende la France plus forte et plus unie, une reconnaissance qui permettra enfin qu'un hommage collectif soit rendu aux victimes et à leur mémoire.
Ce geste s'inscrirait dans l'esprit des paroles d'Albert Camus, dans son livre Chroniques algériennes : «Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs.»
En vous remerciant d'avance, Monsieur le président de la République, de l'attention que vous porterez à cette démarche, je vous assure de ma disponibilité pour tout échange que vous jugeriez utile. Je vous prie de croire à l'assurance de mes sincères salutations.
Daniel Goldberg (député PS), Paris, le 7 octobre 2011
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