Algérie

Les wilayas de l'est du pays : une région métamorphosée et un chantier grouillant


Terre de luttes et de souffrances durant 132 années de colonisation, aspergée du sang d'Algériens refusant le joug de l'oppression, arrosée de la sueur des "khamassa" au service des colons spoliateurs, la région est du pays, même si elle est complètement métamorphosée, reste aujourd'hui, 50 ans après le recouvrement de la souveraineté nationale, un chantier grouillant.
Terre de contrastes, s'étirant de la côte méditerranéenne aux oasis des Ziban, des monts des Bibans aux lacs d'El Tarf, en passant par les hautes plaines sétifiennes et les étendues steppiques du Hodna, l'Est algérien recueille les fruits d'un demi-siècle d'efforts gigantesques de l'Etat pour consolider le développement tous azimuts et promouvoir ainsi le cadre et les conditions de vie des habitants.
Terre généreuse, la partie orientale du pays est connue pour ses immenses superficies cultivables et ses sols exceptionnellement fertiles sur les Hauts-plateaux, à Tébessa, à Souk Ahras, à Guelma, à Oum El Bouaghi et dans les Aurès.
Des sols qui attirèrent comme des mouches, dès la fin du 19ème siècle, des centaines de colons qui s'accaparèrent sans vergogne "El Beliouni" et "Mohamed El Bachir", deux variétés de blé dur d'une qualité unique.
L'agriculture, base de tout effort de développement
Le travail de la terre reste indéniablement à la base de tout effort de développement. C'est l'unique ressource inépuisable dont l'exploitation raisonnée est la condition sine qua non à satisfaire pour aboutir à cette autre liberté : la sécurité alimentaire.
De plus, le soutien de l'Etat aux agriculteurs, par le biais du crédit bonifié R'fig, ainsi que les différents Fonds de développement du monde agricole et les autres dispositifs d'aide, sous-tendent de plus en plus efficacement le travail de la terre et constituent un réel encouragement aux professionnels de la terre.
Dans l'Est du pays, la terre ce n'est pas simplement le blé. C'est aussi la tomate industrielle, cultivée à large échelle dans les wilayas d'Annaba, de Guelma, de Skikda et d'El Tarf, entre autres. C'est aussi l'abricot qui fait la fierté des wilayas de Batna et de M'sila, la fraise que les villes de Skikda et de Jijel se font, chaque année, un point d'honneur de fêter. C'est encore la datte, la "Deglet Nour" qui fait la réputation de la wilaya de Biskra.
L'élevage n'est pas en reste du monde agricole dans cette partie du pays. La filière lait se développe à une vitesse hallucinante dans la wilaya de Souk Ahras. Un cheptel de 46.000 vaches laitières y a donné, en 2011, près de 92 millions de litres, dont 34 millions livrés aux unités de transformation, créant, par là-même, une dynamique industrielle en devenir.
"Mohamed El Bachir" refleurira
Pour revenir aux céréales, au blé, plus précisément, qui reste indissociable de l'effort déployé pour parvenir à la sécurité alimentaire, il faut rappeler que la wilaya de Sétif, appelée jadis le "Grenier de Rome", reste, en la matière, le leader incontestable dans l'Est algérien. Connue pour son terreau noir de Bazer-Sakra (El Eulma), "Azdif" en berbère (d'où l'appellation de Sétif) qui donne le fameux "Mohamed El Bachir", une variété de blé dur incomparable, cette wilaya a fini, durant les deux dernières décennies, à s'essouffler quelque peu pour ce qui est de la production de céréales. L'exode rural, la façon de vivre des temps modernes et, surtout, l'amenuisement des ressources hydriques en sont responsables.
En effet, La situation géomorphologique de cette région, caractérisée par une ligne de crête entre deux bassins hydrographiques, ne permet pas à la wilaya de tirer pleinement profit de ses ressources en eau superficielles, celles-ci, bien que constituant l'essentiel des potentialités hydriques, étant déversées, en raison des exutoires naturels, à l'extérieur des limites administratives.
Cette contrainte naturelle, facteur limitant, nécessitait de "prendre le taureau par les cornes". Ce qui fut fait avec les grands transferts.
Les grands transferts hydrauliques : projet du siècle à Sétif
Le projet des grands transferts hydrauliques, conçu pour acheminer vers la wilaya de Sétif quelque 300 millions de m3/an d'eau à partir des barrages d'Ighil Emda (Bejaia) et d'Erraguene (Jijel), est sans conteste le "projet du siècle" dans cette région. C'est en tous cas l'un des plus importants projets que l'Algérie ait lancé depuis l'indépendance.
L'impact de cette réalisation est considérable : 40.000 hectares de terres agricoles supplémentaires û la surface agricole utile (SAU) y est de 361.000 hectares dont seulement 7% en irrigué û essentiellement céréalières, seront irriguées, en plus de la fourniture de l'eau potable à une population de 1,3 million d'habitants.
Grâce à ce méga projet, la production agricole devrait être quintuplée dans la wilaya de Sétif, tout en réduisant la jachère. Elle permettra surtout d'augmenter la production nationale de l'ordre de 20%, en plus de l'impact sur l'emploi, 100.000 postes de travail dans l'agriculture devant être créés.
Le fait que ce projet ait nécessité la construction de deux barrages, à Mahouane près de Sétif et à Draâ Eddis (El Eulma) et une multitude de stations de transfert, pour un montant équivalent à 1 milliard d'euros, renseigne sur l'importance de cette réalisation qui fera refleurir "Mohamed El Bachir" car la production céréalière sera multipliée par 5, voire par 6.
Le barrage de Beni Haroun, l'autre fleuron
Les ouvrages hydrauliques, ce sont aussi des dizaines de barrages en réalisation ou en projet dans l'Est du pays qui s'ajouteront à la vingtaine de barrages en exploitation dans cette partie du pays.
Dans ce contexte, le barrage géant de Beni-Haroun, dans la wilaya de Mila, le plus grand du pays, reste la référence absolue. Ce complexe hydraulique stratégique en Algérie, de 120 m de hauteur, dispose d'une capacité théorique de 960 millions de m3.
Constitué d'une digue renforcée de 1,5 million de m3 de béton roulé compact, doté d'une importante station de pompage d'eau brute, dont la puissance est de 180 MW, il alimente en eau potable plusieurs régions limitrophes de la wilaya de Mila, notamment les wilayas de Jijel, Constantine, Oum el Bouaghi, Batna et Khenchela.
Le barrage fournit également une quantité importante d'eau d'irrigation pour plusieurs centaines d'hectares d'exploitations agricoles dans les régions voisines.
Le 12 février 2012, cet ouvrage hydraulique, devenu aussi lieu de villégiature et de sports nautiques, a atteint un pic historique, jamais réalisé depuis sa mise en service, soit 1 milliard de m3, dépassant de 40 millions de m3 sa capacité théorique.
L'industrie et son chef de file : le complexe sidérurgique d'El Hadjar
En matière d'industrie, même si beaucoup reste à faire, la partie est du pays a connu une évolution profonde. Si la wilaya de Bordj Bou Arreridj s'évertue, grâce à la création d'une multitude d'unités industrielles de pointe, dédiées à l'électronique, à se transformer en petite "Silicon Valley", si la wilaya de Sétif est devenue la capitale de la batterie et de l'électroménager, si Constantine est fière d'abriter une des plus importantes industries pharmaceutiques pour la fabrication, notamment d'insuline, si la wilaya de Skikda se pose comme le fief incontesté de la pétrochimie, le joyau des joyaux de l'industrie dans l'Est algérien (et dans tout le pays) reste le complexe sidérurgique d'El Hadjar, à côté d'Annaba.
Dès l'avènement de l'indépendance, le premier plan triennal (ou plan préliminaire) avait posé les premiers jalons de la réalisation d'une infrastructure industrielle à même de répondre aux exigences du développement du pays. Le complexe sidérurgique d'El Hadjar est ainsi né pour imprimer une dynamique socio-économique, dont l'impact, tant en amont qu'en aval, est de dimension nationale.
Un pôle d'attraction économique
Cette immense usine qui a fait de la région d'Annaba un pôle d'attraction économique, est entrée en production après son inauguration, en juin 1969, par le défunt président Houari Boumediene. Le haut fourneau n°1, la zone des matières premières et fonte ainsi que la tuberie avec soudure étaient les premiers ateliers de production du complexe. Ils ont été suivis, en 1972, par l'aciérie à oxygène n°1 et le laminoir à chaud, puis le laminoir à froid en 1974, l'aciérie électrique en 1975, la tuberie sans soudure (TSS) et le laminoir à fil en 1978, enfin la cokerie, le haut fourneau n°2 et l'aciérie à oxygène n°2.
Cette réalisation a eu des effets d'entraînement sur l'ensemble des secteurs d'activités, créant une dynamique de développement à tous les niveaux. Des milliers de logements sociaux, des centres de formation, des infrastructures sportives et de loisirs, des jardins d'enfants et autres centres médicaux sociaux ont vu le jour grâce au complexe sidérurgique d'El Hadjar.
En 2001, la signature d'un contrat de partenariat entre le gouvernement algérien et la firme indienne LNM donnera naissance à ISPAT Annaba. Cette dernière regroupera les filiales de Sider liées au métier de base de la sidérurgie.
En 2004, cette société change de dénomination, après la fusion de LNM holding et ISPAT International, pour devenir Mittal Steel Annaba, puis, en 2007, ArcelorMittal Annaba, à la suite d'une autre fusion entre Mittal Steel et Arcelor.
Intégré au n°1 mondial de l'acier, ce complexe emploie aujourd'hui quelque 7.000 travailleurs pour une capacité théorique de production de 2 millions de tonnes d'acier liquide par an.
Pétillement culturel et sportif
Dans l'Est du pays, comme dans toute l'Algérie, il y a aussi, tout simplement, la vie. Grâce à la paix retrouvée, après toute une décennie de larmes, la vie reprend ses droits aux quatre coins de cette vaste région.
En plus des innombrables actions de développement, en matière, également, d'habitat, d'eau potable, d'infrastructures scolaires et universitaires, de tourisme, l'Est vit aussi au rythme des manifestations vouées au chant, au cinéma et au théâtre.
Le festival international de Timgad, le festival de la chanson arabe de Djemila, le festival des musiques chaouie, sétifienne, actuelle, moderne, de malouf, le Dimajazz de Constantine et tant et tant d'autres manifestations culturelles contribuent, ces dernières années à apporter la joie et la gaîté dans des coeurs apaisés.
Le plus important des festivals en matière de renommée et de retentissement extra-muros reste celui de Timgad, au pied du massif des Aurès. Organisée depuis plusieurs décennies dans l'enceinte du théâtre romain de l'antique Thamugadi,
Cette manifestation qui draine annuellement des milliers de familles de toutes les régions d'Algérie, a "déménagé" il y a deux années, mais sans toutefois aller bien loin. Un magnifique théâtre de plein air, réalisé juste à côté du site romain, abrite aujourd'hui ce festival international, contribuant à la sauvegarde de la ville romaine et de ses monuments. Cela n'a pas affecté d'un iota la beauté du festival qui aura, promet-on, un cachet exceptionnel à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance.
S'agissant du sport d'élite, la région Est du pays joue, là encore, un rôle de premier plan. Un rôle appelé à être renforcé par la livraison très prochaine, dans la capitale des Hauts-plateaux, d'une Ecole nationale des sports olympiques. Une structure grandiose dotée de plusieurs terrains de football et de pistes d'athlétisme, de trois piscines dont une couverte et chauffée, d'un centre de loisirs, d'une auberge de jeunes et de plusieurs autres annexes. Une école qui rassemblera sans doute la plus belle "pâte" en matière de jeunes talents sportifs qui y trouveront un cadre idéal pour leur épanouissement au service du sport d'élite algérien qui prépare déjà les olympiades de 2016 et de 2020.
Ce qui ne gâte rien, le club de football phare de cette région, l'Entente de Sétif en l'occurrence, a choisi l'année du cinquantenaire de l'indépendance pour remporter un doublé historique en gagnant le titre de champion d'Algérie et en ramenant la coupe d'Algérie à Ain Fouara. Tout un symbole.
Par Yacine Loutari
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)