«Aimez votre voisin mais ne supprimez pas votre clôture.» Proverbe chinoisLe rédacteur jeta un regard sceptique à son interlocuteur et déclara: «Si je comprends bien, toute l'action de ta série va s'articuler autour de cet immeuble. Je ne pense pas, à moins d'avoir une inspiration de génie, qu'on puisse retenir l'action d'un lectorat dans un décor aussi réduit et avec toujours les mêmes personnages qui entrent et qui sortent du champ!
Je n'ai pas dit cela! Je ne vais pas me concentrer sur cet immeuble miteux mais je vais le prendre comme point de départ de toutes les aventures et démêlés que Méziane aura à connaître. L'immeuble sera sa base, son port d'attache car c'est là que sa famille vivra en attendant un hypothétique logement. J'ai pris comme prétexte l'humiliation qu'il a subie de la part de son père et qui va le pousser à enfreindre pour la deuxième fois les règlements: après le choix d'un métier clandestin, il occupera de force une cave pour préserver son bonheur conjugal. Mais auparavant, je dois montrer que la détérioration progressive des relations entre les habitants de l'immeuble se double de la dégradation de l'environnement. C'est comme dans une famille ou dans une nation: la mésentente entraîne automatiquement un délitement de l'autorité et une disparition progressive de la solidarité. C'est une dialectique infernale des différents facteurs qui va s'installer. La mainmise sur les espaces communs va créer des comportements nouveaux: la solidarité affichée au début par les voisins va laisser la place à la méfiance, au mépris avant de devenir une haine féroce que d'au-
tres facteurs ne feront que pousser à son paroxysme. Ceux qui ont occupé les caves vont commencer à entourer les espaces verts de grillages, puis de «moucharabieh» en roseaux: bientôt l'immeuble aura à sa base une apparence de bidonville. Les nuisances sonores et l'absence d'hygiène iront en s'amplifiant parce que l'immeuble compte quatre familles supplémentaires, tandis que les places de parking ne suffiront plus pour tous les locataires. Les motifs de conflits ne manqueront pas: disputes de gosses qui vont provoquer des altercations entre les ménagères... Certains vont aller jusqu'à ne plus payer la femme de ménage sous divers prétextes: elle ne vient pas régulièrement, elle ne nettoie pas bien... Puis un beau jour, la catastrophe tant redoutée arrive: les conduites d'égout se bouchent et une inondation nauséabonde envahit l'entrée de l'immeuble. Le premier jour, les habitants passent en poussant des soupirs. Le deuxième jour, alors que les eaux usées atteignent une hauteur inquiétante, certains vont pousser le cynisme jusqu'à chausser des bottes ou à placer une passerelle faite de planches ou de briques alignées. Personne n'ose alerter le factotum car la cotisation est devenue une chose périlleuse: les habitants de l'immeuble qui ont déjà mis plusieurs fois la main à la poche ne veulent plus être les dindons de la farce. Le premier qui s'est occupé de la réparation de la tuyauterie la première fois qu'elle a failli, a été accusé de détournement par ses voisins ou ont jugé la réparation inefficace puisque les inondations sont devenues récurrentes. D'autres préfèrent dire franchement que la réparation de la tuyauterie d'évacuation doit être prise en charge par les occupants des caves puisque ce sont eux qui en pâtissent le plus. Et puis, puisqu'ils logent à l'oeil et qu'ils piratent les réseaux hydraulique et électrique... On a là le tableau parfait d'une communauté qui court à sa perte. On croirait que ces gens ont perdu toute foi en eux-mêmes et qu'ils ont perdu tout espoir: ils ont perdu sagesse et modération... La première conséquence est que la cote des appartements va chuter et que seules les nouvelles victimes de l'exode rural consentiront à habiter un immeuble aussi mal tenu. «Avant d'acheter un appartement, regarde ton futur voisin, disait un agent immobilier presque honnête.»
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Posté Le : 07/10/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com