Algérie

LES VOIES DE L'AMOUR



Résumé : Malgré les assurances de Ziya, Zeliha avait un mauvais pressentiment. Elle s'était tellement attachée à son fils que le moindre éloignement la torturait. Elle soupçonnait parfois son mari de vouloir lui prendre l'enfant et de le remettre à Aziza. Des idées non fondées, bien sûr. Un soir, alors qu'ils prenaient le thé, le petit Mohamed-Ali s'est réveillé tout fiévreux.Mais je n'ai pas attendu le lendemain. Au milieu de la nuit, mon fils s'est réveillé encore plus fiévreux et avait des difficultés à respirer. Ziya cette fois-ci ne m'écoutera pas et appellera les urgences pour demander un médecin.
Ce dernier diagnostique une diphtérie et nous ordonne de l'hospitaliser en
urgence.
Nous avons passé la nuit la plus angoissante de notre existence. Ziya était avec moi dans la salle d'attente de la clinique. Il ne cessait de faire les grand pas, ou me prenait la main et la serrait dans les siennes. Moi, je ne faisais que pleurer. Toutes mes craintes remontèrent. Mon mauvais pressentiment reprit le dessus. Je savais que mon fils allait mourir. C'était écrit ! C'était le tribut à payer pour la confiance trahie et les mensonges. Certes, Aziza n'était encore au courant de rien, mais je savais que le tort que je lui avais causé n'allait pas tarder à l'atteindre. Ziya ne pourra pas tenir longtemps si notre enfant meurt. C'est chez elle qu'il ira chercher du réconfort.
On avait installé Mohamed-Ali dans une chambre sombre, et on l'avait
relié à un tas de sondes. Intubé, il était encore fiévreux, et ses yeux sortaient de leur orbite. À ma vue, il s'agita et me tendit la main. Je ne pouvais me retenir davantage. Les sanglots que j'avais enfouis au fond de ma gorge remontèrent, et je me mis à crier et à tout casser autour de moi.
Ziya tenta de me calmer, mais je me dégageai de son étreinte et piquai une nouvelle crise. Alors, le médecin m'a injecté un sédatif, et j'ai sombré dans un sommeil loin d'être reposant.
À mon réveil, tout était fini. Mohamed-Ali avait rendu l'âme dans la nuit, et on s'apprêtait à transférer son petit corps à la maison. Plus mort que vif, Ziya se tenait à mon chevet et pleurait doucement.
Je ne pus croire à une telle tragédie. Hier encore mon enfant jouait et courait dans l'appartement. Il m'avait mordu l'oreille et avait emmêlé mes cheveux, avant de me prendre la main et de la mettre dans sa bouche.
Non... Non... Ce n'était pas vrai.
Mohamed-Ali n'est pas mort. Non. Cela devait être une erreur, et les
médecins vont venir s'en excuser.
Mais ce ne sera pas le cas. Mon fils était bien mort. La diphtérie l'avait emporté. On m'expliqua qu'il y avait toujours une période d'incubation, et que j'aurais dû m'en rendre compte. Des yeux cernés, les traits tirés, un peu de fièvre...Je rétorquai que mon petit avait toujours eu une bonne santé, et que je n'ai jamais remarqué en lui un quelconque changement. Jamais il ne pleurait la nuit, sauf lorsqu'il avait mal ou faim, mais je ne m'en plaignais pas trop, car il dormait comme un ange et ne se réveillait qu'au petit matin. J'ai mis certains symptômes, comme parfois un peu de fièvre, la rougeur de ses joues ou des yeux larmoyants, sur le compte de la poussée dentaire. Les funérailles furent très douloureuses pour moi, pour Ziya et pour tout notre entourage. Mes parents étaient très affligés. Ils étaient venus assister à l'enterrement et, devant ma détresse, avaient prolongé leur séjour à Paris.
Je ne vivais plus !
J'étais une âme morte dans un corps ambulant. Ziya, aussi effondré qu'il était, ne me quittait plus. Il avait compris que je couvais une dépression et s'était empressé de faire appel à des psychiatres qui me gavèrent de neuroleptiques.
Je passais plus de temps dans mon lit, à dormir ou à ruminer des idées noires. Mes forces m'abandonnèrent, et mon état moral était au plus bas.
Ma mère me faisait manger à la petite cuillère. Elle ne cessait de me répéter que c'était la volonté de Dieu qui se réalisait et que je devais accepter mon destin, aussi douloureux soit-il.
Mais mon esprit refusait d'obéir. Pour moi, Mohamed-Ali m'a été cruellement arraché, et je n'acceptais pas cette fatalité.
Mes parents restèrent quelques jours puis, le c?ur en peine, rentrèrent à Istanbul. Ziya demeura quelque temps encore auprès de moi, puis se vit dans l'obligation de reprendre ses affaires. La vie doit continuer. La mort d'un être, aussi cher soit-il, ne devrait pas être le début d'une fin.
Le psychiatre m'entretiendra durant de longues séances sur le processus de la vie et de la mort. Il accentuera ses paroles par le fait que je suis encore jeune et que, dans mon cas, la perte d'un enfant ne devrait pas anéantir mes espérances, car je pourrais toujours avoir un autre bébé et, de ce fait, oublier cette mauvaise passe.
Mais ce ne sera pas le cas. Je m'enfonçais de jour en jour dans ma mélancolie. Je ne sortais plus, ne mangeais plus ou très peu, ne voyais plus personne, hormis ma secrétaire particulière qui faisait de son mieux pour me prodiguer des conseils et des soins.
Pour moi, le jour ne se levait plus. La terre ne tournait plus, et le soleil n'était qu'un lointain souvenir.
Un jour, alors que je me retrouvai seule à la maison, je me mis à retirer des tiroirs de la commode les affaires de mon fils. Je serrai contre mon c?ur ces habits que j'avais choisis moi-même avec tant d'amour et qui sentaient encore l'eau de Cologne et le talc.

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