Algérie

Les Villages du Millénaire survivront-ils sans aides '



Haruni Odhiambo Nyariru agrandit sa maison. Martin Omondi Onyango a acheté une vache et une chèvre. Il paie les frais de scolarité de son jeune frère et construit une maison pour sa mère. Maintenant que ses récoltes s'améliorent (ses 4,8 hectares produisent 30 sacs de maïs de 90 kilos contre 12 auparavant), Wilfreda Ongonda Ochieng estime que sa famille se nourrit mieux et dispose même d'un surplus qu'elle vend. Pour tous les trois, si le quotidien a changé, pour le mieux, c'est grâce à la création de Villages du Millénaire de Sauri dans l'ouest du Kenya. Les nouvelles variétés de semences et les engrais sont à l'origine de l'augmentation de leurs rendements et des revenus des trois agriculteurs.
Un projet prometteur d'un meilleur avenir
Lancé en 2004, le Projet de Sauri est le premier d'une série de 14 groupes de Villages du Millénaire pour le développement (VMD) répartis dans 10 pays de l'Afrique subsaharienne. Les VMD bénéficient du soutien d'une multitude de fondations et d'entreprises. Parmi elles, les sociétés Sumitomo, qui fournit des moustiquaires, et Ericsson, qui fait don de téléphones portables aux professionnels de la santé. Cette initiative est dirigée par un triumvirat constitué du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de l'ONG Millennium Promise et du Earth Institute de l'Université de Columbia, basés tous deux à New York. Les villages sont des projets pilotes destinés à être mis en place à plus grande échelle et reproduits ailleurs dans le cadre de la réalisation, d'ici à 2015, des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Adoptés en 2000 par les dirigeants du monde, les OMD visent notamment la réduction de la pauvreté, un meilleur accès à la santé et l'émancipation des femmes. Les onze villages du groupe de VMD de Sauri comptent environ
75 000 habitants et s'étendent sur une superficie de 132 kilomètres carrés. Environ 98% des foyers pratiquent l'agriculture sous une forme ou une autre.Grâce à la diversification et l'amélioration des récoltes, les agriculteurs participent à un programme de restauration scolaire. Résultat : le taux de fréquentation scolaire a atteint 94%. Parallèlement à la hausse de la production agricole, les communautés ont préservé plus de 200 sources d'eau potable qui alimentent plus de 26 000 personnes. Elles ont construit des murs et installé des canalisations pour acheminer l'eau vers les robinets. Les villageois ont installé des clôtures pour tenir le bétail à l'écart. Le taux d'accès à un approvisionnement en eau de meilleure qualité est passé de moins de 40% en 2006 à environ 90% actuellement. Malgré ces chiffres, les Villages du Millénaire pour le développement font l'objet de nombreuses critiques, émanant principalement d'acteurs du développement, d'activistes, de militants écologistes et d'intellectuels. Le recours à l'engrais importé engendrerait une dépendance à ces intrants, estiment certains. D'autres ajoutent que l'agriculture intensive affaiblirait l'approvisionnement en eau et les sols, avec à la clé des effets secondaires négatifs similaires à ceux observés en Inde après la Révolution verte. D'autres encore jugent que les obstacles au développement extérieurs aux villages, notamment la corruption, ne sont pas pris en considération. Et que rares sont les études qui comparent les MDV aux villages ne bénéficiant pas d'une telle aide, ce qui rend l'efficacité du programme difficile à évaluer. Enfin, trop de temps, d'argent et d'attention seraient consacrés à un trop petit nombre de personnes. Ces accusations varient selon l'orientation idéologique ou politique des détracteurs mais ont souvent en commun un même thème : la dépendance aux aides extérieures. Les MDV sont peut-être le seul programme de développement à grande échelle dont les partisans aspirent réellement à établir une stratégie de sortie. Mais donnera-t-elle les résultats escomptés 'Il est plus facile d'envisager une véritable réduction de la dépendance aux aides lorsque des sources de revenus autonomes sont créées. A titre d'exemple : plutôt que d'offrir de l'engrais subventionné aux agriculteurs, on pourrait leur en vendre en leur octroyant des prêts qu'ils rembourseraient après les récoltes. La relation entre agriculteurs et gestionnaires de projets serait alors commerciale et le risque de dépendance moindre. De même, les écoles recueilleraient des fonds en faisant payer ceux qui souhaitent imprimer des documents après les heures de cours. Reste qu'une visite dans un projet similaire à celui de Sauri, l'Initiative des Villes du Millénaire de Kisumu, le chef-lieu de la province, illustre la difficulté de l'autosuffisance dans le secteur de la santé. Selon un agent hospitalier, le projet du Millénaire complète les fournitures - par exemple des gants médicaux jetables- que le gouvernement devrait fournir, mais il ne le fait ni en nombre suffisant ni en temps voulu. L'entretien des ambulances qui traversent le territoire est assuré par des étrangers qui ont envoyé le matériel nécessaire et une équipe pour construire la salle des urgences de l'hôpital dont les travaux ont été achevés en 17 jours, affirme Belinda Opiyo-Omolo, spécialiste de santé publique à l'IVM. «Je regrette de le dire, mais ça aurait pris six mois aux Kenyans. Il y a tout de même un point positif pour les locaux : ils ont vu qu'en y mettant toute sa volonté, on pouvait y arriver.»«Le défi, c'est la viabilité», reconnaît Mme Massira, à propos du secteur de la santé. «Nous comprenons qu'il faut d'abord faire une démonstration et ensuite passer la main au gouvernement et à la population. Si la population s'habitue aux services, elle les exigera du gouvernement.»Si le débat se poursuit au plan international sur les Villages du Millénaire pour le développement, les populations locales semblent enthousiastes. «Je pense qu'ils réussiront car le programme a été conçu pour durer», remarque Stephen Onduu, responsable des achats à l'hôpital de Kisumu. «Ils y arriveront s'ils réunissent les habitants pour discuter d'une stratégie de sortie.»
B. H.
In Afrique Renouveau,
magazine de l'ONU


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