Algérie

Les vieux démons des insuffisances ressurgissent



Un projet de 10 000 nouvelles places pédagogiques est lancé depuis plus de 10 ans au campus de Tamda, mais sa mise en service est reportée d'année en année.L'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, qui s'apprête à recevoir plus de 60 000 étudiants, dont 10 733 nouveaux inscrits, patauge toujours dans les mêmes insuffisances qui, cette année encore, risquent de perturber quelque peu le déroulement des études. Responsables, syndicat et étudiants ne cachent d'ailleurs point leur inquiétude à ce sujet. La section du syndicat des enseignants Sess, qui n'a pas attendu le jour de la rentrée pour tirer la sonnette d'alarme, a même accusé la tutelle de "perpétuer la politique de la fuite en avant".
"À défaut d'une stratégie d'une rentrée universitaire adéquate, mûrement élaborée, tenant compte des spécificités du terrain tant traumatique que pédagogique, de délais d'application réalistes, d'une information suffisante et opportune, des instructions circonstancielles à contenu contestable, voire futile, tombent et ce, à la veille de la rentrée", accuse la section du Sess, qui considère les circonstances actuelles comme "plus complexes encore" que celles de l'année dernière. "Elles semblent, même, ne pas intégrer un schéma d'appréciation plus global." Localement, estime le syndicat, même le contexte inédit dans lequel se déroulera la rentrée, à savoir la troisième vague de la pandémie de Covid-19, les incendies ayant ravagé notre région et le retard accusé par notre université dans les enseignements au titre de l'année universitaire 2020-21, n'a pas été pris en considération.
Rien qu'en ce qui concerne ce dernier point lié à l'achèvement de l'année universitaire 2020-21 d'ici au 4 octobre comme stipulé dans le calendrier du ministère de l'Enseignement supérieur, le Sess estime qu'il est "chimérique pour la plupart des facultés et des départements". Contacté, Farid Amrouche, membre du syndicat, cite à titre d'exemple le département des sciences naturelles et de la vie, qui n'a entamé son deuxième semestre qu'en septembre dernier. "Quand ces derniers vont-ils achever leur semestre et quand effectueront-ils leurs examens '" s'interroge-t-il, déplorant ainsi la réduction par deux, voire par quatre, du temps pédagogique.
Selon Tarik Braïk, un étudiant dans cette université, c'est le cas de nombreux autres départements dont ceux de mécanique et de génie civil. "Les départements qui ont le plus avancé ne pourront entamer la nouvelle année universitaire avant mi-novembre", estime-t-il, non sans conclure, à l'instar de nombreux enseignants, à "un bradage du temps pédagogique et, par conséquent, des cursus d'études, sanctionnés ainsi par des diplômes au rabais".
Un déficit de plus de 11 000 places pédagogiques
Au-delà de ce problème de réduction du temps pédagogique, le vice-recteur chargé de la pédagogie, Farid Asma, qui s'exprimait sur la radio locale, a évoqué une autre conséquence non moins importante de ce chevauchement des années. "Lorsque ceux qui doivent sortir car ayant achevé leurs études ne sont pas encore sortis, et que les nouveaux sont arrivés, il y a inévitablement un problème de places pédagogiques et de places d'hébergement qui est posé", a-t-il expliqué, tout en soulignant que l'université de Tizi Ouzou dispose de 48 850 places pédagogiques, alors qu'elle compte 60 000 étudiants.
Ce qui laisse comprendre que l'université de Tizi Ouzou enregistre un déficit de plus de 11 000 places pédagogiques. Un projet de 10 000 nouvelles places pédagogiques est lancé depuis plus de 10 ans au campus Tamda, mais sa mise en service est reportée d'année en année. Pour le syndicaliste Farid Amrouche, cet aspect n'est pas le seul auquel est confrontée la communauté universitaire à Tizi Ouzou. "L'enseignement à distance n'est qu'une aberration : déjà au plan technique, tant ce ne sont pas tous les étudiants et enseignants qui disposent de connexion, et puis quels que soient les moyens techniques à mettre en place, le renoncement à l'enseignement en présentiel devient une menace pour l'assimilation des contenus par les étudiants", estime-t-il, non sans évoquer encore d'autres problèmes tels que la vétusté de certaines infrastructures, l'impossibilité d'application du protocole sanitaire, le problème d'insécurité qui continue de se poser, notamment au campus Hasnaoua, et le problème du harcèlement judiciaire dont font l'objet de nombreux enseignants universitaires au niveau national.
Concernant les infrastructures, l'étudiant Tarik Braïk souligne que, suite aux dernières intempéries qui ont provoqué l'effondrement de plafonds dans deux amphithéâtres, la plupart des autres amphis du campus Hasnaoua ont été fermés, soi-disant pour les expertiser, mais rien n'est fait jusque-là. "Les blocs de la résidence Hasnaoua ferment également l'un derrière l'autre sans pour autant entamer leur rénovation", déplore-t-il également. "Même l'auditorium qui a été fermé depuis juillet 2019 pour rénovation ne connaît toujours pas de travaux", explique, pour sa part, le syndicaliste du Sess.
De son côté, le recteur de l'université, Ahmed Bouda, qui estimait récemment que l'université de Tizi Ouzou accuse, par certains aspects, un retard de plus de vingt ans, a dévoilé, à l'occasion de cette rentrée, un plan d'urgence en 14 points de nature à remettre cette université sur les rails et présenté des perspectives prometteuses pour son développement à moyen et long termes.

Samir LESLOUS


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