Algérie

Les victimes enterrées hier: Lendemain d'émeutes à Ghazaouet



Les habitants de Ghazaouet se sont réveillés ce dimanche avec le sentiment que cette fois-ci leurs doléances allaient vraiment être entendues par les hauts responsables de la wilaya. D'aucuns se demandent encore ce qui a poussé les habitants à basculer dans un mouvement violent qui aura duré jusqu'à minuit et qui aurait pu être fatal à des centaines de jeunes. Les saccages laisseront et pour longtemps des séquelles dans la ville. Le siège de la CNAS a complètement été détruit: il n'existe plus aucun fichier d'aucun cotisant, les ordinateurs ont étés détruits, un écran plasma a été décroché et cassé en mille morceaux, les guichets et les vitres ont volé en éclats. Tout a brûlé.

 Hier matin à 10 heures, des employés attendaient encore devant leur direction. Dehors, sur la route du Phare, les agents de nettoyage s'empressaient de déblayer et démonter les barricades qui témoignent de la force de la violence. Un peu plus haut, un autre édifice public, l'annexe de l'APC a complètement été saccagée et les documents officiels traînés encore sur les trottoirs avant l'arrivée des éléments de nettoyage qui ont été réquisitionnés dans les communes de la daïra. Il ne reste plus aucun document valable. Les portes et grillages ont été défoncés et les émeutiers se sont défoulés sur tout ce qui leur tombait sous la main. Ailleurs dans le centre-ville, les agents de service replaçaient des vitres dans le siège de l'APC et du tribunal. A l'entrée de la ville, malgré le déblayage de la route par un engin des services de sécurité, les troncs d'arbres et les pneus calcinés gisaient encore sur le bas-côté. On aurait dit une guerre, tant le bitume porte encore des traces d'incendie. Cette journée du samedi sera certainement à marquer d'une pierre noire pour les Ghazaouatis.

 Les manifestants, des jeunes en général, ont agi contre le danger de ces camions qui ont fait beaucoup de morts, soutiennent de nombreux habitants de la ville qui déplorent cependant les actes de violence. Hier, des jeunes brandissaient des banderoles dénonçant la corruption dont les auteurs sont les hallaba. «S'ils ne sont pas arrêtés malgré nos pétitions, c'est qu'il y a anguille sous roche et vous savez de quoi nous parlons», nous dira un fonctionnaire au café.

 Enfin, il faudra parler de cet homme qui a perdu, dans l'accident de samedi, sa femme (28 ans), ses 2 enfants (4 ans et 5 ans), sa mère et ses deux soeurs. Autant dire toute sa famille. Pour rappel, les 15 victimes appartenaient à la même famille, les Arab et Cherfaoui, de modestes gens qui s'apprêtaient pour la première fois à passer le premier samedi du week-end universel à la plage. Mais, un camion en a voulu autrement. 11 membres d'une même famille seront inhumés au cimetière de Dmin, 4 à Sidi Aïssa, une femme à Ouled Ali et le chauffeur du camion de la mort à Draouch.

 Selon des sources policières, il y a eu 11 personnes arrêtées dont quatre mineurs.

                

Enterrement des victimes

 

 Tous les membres de l'exécutif sont arrivés sous escorte, 11 membres de la famille Arab dont 3 enfants et l'une de 8 mois vont être enterrés au cimetière. Mais déjà on entend parler d'émeutes à Sidi Amar. Des jeunes tentent de bloquer la route aux renforts de la gendarmerie qui continuent à affluer. Ghazaouet est quadrillée. Les brigades anti-émeutes sont là en cas d'éventuelle reprise des émeutes. Le chef de la daïra par intérim nous fera patienter plus d'une heure dans son bureau. Il ne viendra pas prétextant qu'il partageait la douleur des familles de victimes.

 Pas une seule voiture Mercedes n'est passé par les 3 stations-service. D'habitude c'est plus de 40 Mercedes qui font la queue leu leu pour faire le plein. Le seul camion semi-remorque qui a eu l'audace de traverser la ville a été pris d'assaut par des bandes de jeunes qui faisaient le guet. Le chauffeur blessé à la tête et le pare-brise a volé en éclats.

 Hier, les émeutiers ont brandi devant la sûreté de daïra des slogans hostiles à la police et ont exhibé des billets de 200 DA.

 Dans le hameau de Dmin, le cortège funèbre long de ces ambulances a eu du mal à passer tellement il y avait foule. Les petites ruelles qui n'ont jamais connu un semblant de développement ont eu du mal à contenir toute une population en émoi. La petite Samira, 5 ans, fermait le cortège funèbre, qui s'étirait sur plus de 500 mètres. Elle ne verra pas ses camarades du préscolaire cette année. Quatre autres victimes étaient en même temps inhumées à Sidi Aïssa sur le tronçon routier Ghazaouet-Tounane et une autre à Ouled Ali, à quelques encablures de là.

 Dans son prêche, l'imam appellera à l'apaisement. On quitte le cimetière. Le quartier les Sables est bien quadrillé puisque c'est là où d'importants dégâts ont été enregistrés. Jeunes d'un côté, services de sécurité de l'autre, se regardaient en chiens de faïence.




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