La canicule a fait relâche à El Kala. L'impitoyable soleil de juillet est derrière une épaisse et providentielle couche de nuages grisâtres et il y a une brise si fraîche qu'elle en devient étrange.
Un coup de froid, en plein milieu de l'été, qui intrigue. La ville étouffe toujours mais c'est à cause de la ville congestionnée par la circulation et la laideur des quartiers envahis d'immondices. On est presque heureux de fuir la ville pour se retrouver à la campagne, certes, plus avenante mais tout autant parsemée de gravats, de sachets, de bouteilles en plastique et de canettes de bière.Sur la route de la Tunisie, sur la rive du lac Tonga, les premières files de voitures. Elles sont garées les unes derrière les autres, le long des prés et des pinèdes où les familles s'installent sous des parasols pour prendre un peu de repos avant la prochaine étape difficile : le passage des postes frontaliers. Une voiture immatriculée 31 (Oran) attire la curiosité. « Vous venez de si loin ' » « Non, nous sommes de Guelma et nous espérons être à Tabarka avant la nuit », répond le chef de famille. Comme il n'est que 15 h, nous lui faisons remarquer qu'il a largement le temps d'arriver à bon port. « Oui, mais on sait jamais avec nos frontières... » A Om Teboul, la station-service ne désemplit pas 24h/24. Pendant le jour, ce sont les Algériens qui font le dernier plein avant la Tunisie et, le soir venu, c'est le tour des transporteurs tunisiens qui viennent tout spécialement en grand nombre avec leur fourgonnette pour s'approvisionner en carburant. C'est l'endroit le plus fréquenté de la petite localité et aussi celui qu'a choisi une nuée de cambistes qui proposent le dinar tunisien contre 65 dinars algériens, à même la chaussée, au risque de se faire renverser.A la frontière, au col du djebel Haddad, il fait beau et le paysage est splendide. Les deux postes algérien et tunisien ne sont séparés que par une centaine de mètres, mais il faut deux heures en moyenne pour les traverser. Du côté algérien, ce n'est pas le jour de la grande foule. Dans le parking, que de belles voitures. Elles viennent d'un peu partout, mais Alger et Annaba prédominent. Dans le hall, du monde agglutiné au guichet, des hommes. Les femmes, elles, sont sur les bancs quand elles ne sont pas restées dans les voitures. C'est l'un des plus importants postes de passage du Maghreb. 300 000 passages en 2008. Le tiers sont des vacanciers algériens qui se sont rendus en Tunisie. « Ces jours-ci, on a enregistré jusqu'à 6000 passages/jour », nous dit le chef de secteur de la police de l'air et des frontières. Vendredi dernier a été une journée noire. Il y a eu du monde le matin de 7h à 9h, puis cela s'est apaisé un peu. « Ces jours-ci, Il y a surtout des émigrés qui rentrent au pays via la Tunisie. Les nôtres ne partent pas car c'est trop cher cette année », nous dit un autochtone. Une voiture sort du poste ; à son bord, un jeune couple de Annaba qui vient de passer 8 jours à Sousse. « Nous avons déboursé 600 euros à deux, c'est abordable », nous répond le jeune homme, qui est commerçant.Nous demandons ce qui l'attire en Tunisie. La réponse est sans hésitation « la sécurité, khouya ». « T'es pas dérangé par les voyous, par les mal élevés. Les flics te respectent quand tu es accompagné et cherchent pas à savoir avec qui tu es. Vas le faire à Annaba, y'en a qui font exprès de lâcher un flot d'obscénités quand tu passes accompagné. » Dans le hall du poste, il y a une ancienne vedette de l'USMAnnaba, Djebbar Abderezak, qui revient d'une semaine à Nabeul en famille. « La vie est chère en Tunisie cette année, tout a augmenté », nous dit-il. « Il n'y a pas d'Algériens et on est en train de se les arracher pour les locations chez l'habitant, qui est ce qu'il y a de moins cher cette année. J'en ai eu pour 600 euros avec la famille. Mais, c'est propre et puis la sécurité, partout, partout... Là j'enrage car cela fait plus d'une heure que j'attends nos passeports. Du côté tunisien on n'est même pas descendus de voiture pour les formalités, comme en Europe. » Une famille de Constantine est assise sur un banc. Ils sont cinq en partance pour Hammamet. 9 jours. « La Tunisie, c'est les paysages, le calme, la tranquillité, la liberté pour les enfants et surtout la sécurité », nous explique la maman. « Qu'entendez-vous par liberté, madame ' » Sourire gêné. « Vous allez tous à la plage, bien sûr ' » « Bien sûr » ! Un homme s'approche de nous et dit : « Je vais en Tunisie chaque année maintenant. En 2008 cela m'a coûté 80 000 DA dans des conditions extraordinaires alors que l'année d'avant, j'en avais eu pour 150 000 DA à El Kala, sans eau et au milieu des saletés, des voyeurs, des insultes, des agressions... »Un plus jeune que nous interrogeons nous dit partir un peu à l'aventure. Il a 200 euros en poche pour vingt jours mais compte sur des amis tunisiens qui l'attendent de l'autre côté. Les agents de la PAF et des douanes nous assurent que l'année dernière à la même époque, c'était le rush. Il y a manifestement moins de monde cette année. Pourquoi ' Pour l'instant, on invoque les prix pratiqués. « On a payé le café 1,5 DT, soit 100 DA », nous disent ceux qui sont de retour. Pour ceux qui partent, le maître mot est « sécurité ». « Je ne ferme pas ma voiture », nous dit un fonctionnaire de M'sila, qui ajoute que c'est le seul endroit au monde où il peut « se promener en famille sans craindre quoi que ce soit ». Il conclut par « la sécurité, ça n'a pas de prix »...
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Posté Le : 19/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Slim Sadki
Source : www.elwatan.com