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Tunis.
De notre envoyé spécial
La carte postale est déchirée. La Révolution du jasmin est toujours en marche pour consolider les acquis et installer définitivement la Tunisie dans la démocratie. Hier, les gens se félicitaient dans la rue ; «mabrouk» était sur toutes les lèvres. Des hommes et des femmes qui, avant, ne se parlaient même pas de peur et de méfiance, se disent bonjour avec des sourires venus du fond du cœur. C'est la Tunisie nouvelle qui respire à pleins poumons l'air de la liberté que des générations entières n'ont pas connu. Les choses changent à grande vitesse et cela se voit. Les options politiques risquent de subir cette accélération des événements, mais l'élite qui a encadré le mouvement reste consciente et confiante en l'avenir démocratique.
Des femmes de l'Association tunisienne des femmes démocrates en parlent et tentent de prendre des initiatives. «Il faut transformer les comités de défense des quartiers en espaces de débat citoyen», propose Ahlem Belhadj, médecin et cheville ouvrière de l'association. Partout, les groupes de réflexion et d'action qui ont accompagné le mouvement redoublent d'efforts et de vigilance pour protéger l'avenir, qu'ils veulent démocratique.
L'autre face de ces événements, marquée par un quotidien difficile, ne semble pas déranger outre mesure la population. Le week-end a été très long. Malgré les pénuries qui perturbent l'alimentation en eau potable, en pain et autres produits alimentaires, les Tunisois ne pleurnichent pas, loin de là. Une chaîne de solidarité s'est mise en place pour partager les provisions en attendant une amélioration attendue pour le début de semaine. Le gouvernement a appelé hier toutes les administrations à reprendre leur activité dès ce lundi, exception faite des établissements scolaires qui resteront encore fermés jusqu'à rétablissement total de l'ordre.
Les radios et les télévisions, qui se réveillent et basculent dans la liberté d'expression, passent en boucle des appels à destination des commerçants pour qu'ils rouvrent boutique. Ces mêmes médias ont animé des débats et gardé les antennes ouvertes aux interventions de personnalités et de citoyens sur la situation d'insécurité ou encore le futur politique immédiat. A l'unanimité, les intervenants rejettent certaines déclarations de dirigeants étrangers, notamment celles de Mouammar El Gueddafi ou encore de Barack Obama. «Nous ne voulons de leçon de personne», avançait un artiste présent sur le plateau, auquel rétorquait l'animatrice : «Nous forgerons notre destin de nos propres mains.»
L'enthousiasme est général. Les derniers touristes quittaient hier la Tunisie, embarquant dans un aéroport sale, pourvu d'un service minimum. Mais les Tunisiens ne voyaient rien et personne à part eux-mêmes, fiers et contents comme jamais de leur exploit et de lendemains qui chantent pour leur pays. Un peu avant 17h, la ville est redevenue fantomatique en dépit de la décision du gouvernement de repousser le couvre-feu d'une heure.
Les jeunes et leurs pères constituant les comités de défense sont revenus à leur poste dans les quartiers pour veiller au grain et assister l'armée dans sa mission de rétablissement de l'ordre. Le bruit des hélicoptères a repris dans le ciel de Tunis, en attendant demain.
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Posté Le : 17/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Nouri Nesrouche
Source : www.elwatan.com