Les Tunisiens se sont massivement mobilisés dimanche pour la première
élection libre de l'histoire de leur pays, votant avec calme et émotion pour
élire une assemblée constituante, neuf mois après la révolution qui a chassé
Ben Ali et donné le coup d'envoi du printemps arabe. Le taux de participation
s'approche de 70%, a indiqué le président de la Commission électorale
indépendante, Kamel Jendoubi,
deux heures avant la fin du scrutin, prévue à 19h00 (18h00 GMT). «La moyenne
nationale s'approche de 70%. Le nombre des gens qui ont voté a dépassé 80% dans
quelques circonscriptions», a déclaré M. Jendoubi
lors d'une conférence de presse, précisant que le vote «continuait de manière
constante». Ouverts à partir de 07h00 (06h00 GMT), les bureaux n'ont pas désempli.
Dès le matin, de longues queues s'étaient constituées devant les centres de
vote, et dès la mi-journée, M. Jendoubi se félicitait
d'une affluence «dépassant toutes les attentes».
Appelés pour la première fois de leur histoire à un scrutin libre et pluraliste,
les Tunisiens se sont acquittés de leur devoir électoral dans le calme, et avec
une grande fierté dans la capitale comme dans les villes de province. «En ce
jour, je vote en pensant à mon mari qui a donné sa vie à notre chère patrie, à
notre liberté», déclarait en pleurs Rabia Dalhoumi, veuve d'un des 22 «martyrs» tués à Kasserine, ville
qui a payé le plus lourd tribut pendant la révolution, partie de cette région
déshéritée du centre-ouest du pays. Sentiment de
fierté aussi pour Abdallah Zidi, 66 ans et belle
barbe blanche taillée en trapèze à la Karl Marx. «Je suis né le 1er avril 1945. Toute
ma vie a été un poisson d'avril, mais là, cette fois, je suis venu pour faire
valoir mon droit», a-t-il déclaré devant le bureau de vote de la Cité olympique à Tunis. Malgré
un mal de jambe tenace, il a tenu à faire la queue: «on m'a proposé de
m'asseoir, mais je ne voulais pas. Je voulais voter comme tout le monde, debout.»
En fin d'après-midi, ni l'Isie ni les
observateurs internationaux n'avaient constaté de dysfonctionnement majeur. «Aucune
irrégularité majeure, mais des retards dus à la difficulté pour certains
électeurs de trouver leur bureau de vote» a déclaré à l'AFP Michael Gaelher, le chef de la mission d'observation de l'Union
européenne. Pour sa part, Kamel Jendoubi
a fait état de certaines «irrégularités», citant notamment des «pressions sur
les électeurs analphabètes» et des «SMS envoyés pour influencer le vote», sans
nommer aucun parti. Crucial pour les
Tunisiens, l'enjeu l'est aussi pour le printemps arabe: sa réussite ou son
échec enverront un signal déterminant aux peuples qui se sont soulevés dans la
foulée de la révolution tunisienne. Londres et Bruxelles ont salué la tenue de
ces élections. Coïncidence du calendrier: la Tunisie se rend aux urnes le jour même où son
voisin libyen a proclamé sa «libération totale», trois jours après la mort de
Mouammar Kadhafi.
Les principaux responsables et chefs de partis tunisiens ont voté dans la
matinée. «Cette affluence démontre la soif du peuple pour la démocratie», a
déclaré Rached Ghannouchi, chef
du parti islamiste Ennahda, favori de l'élection, en
votant à El Menzah, à Tunis. «Le peuple tunisien va
construire une vraie démocratie», a assuré pour sa part le président
intérimaire Fouad Mebazaa en votant à Carthage, au
nord de Tunis. Plus de 7 millions d'électeurs sont appelés à élire les 217
membres d'une assemblée constituante qui devra rédiger une nouvelle
constitution et désigner un exécutif, lequel gouvernera jusqu'aux prochaines
élections générales. Les électeurs doivent départager 11.686 candidats, répartis
sur 1.517 listes, présentées par 80 partis et des «indépendants» (40%). Alors
que la parité est obligatoire, les femmes ne sont que 7% à mener des listes. Le
scrutin est sécurisé par quelque 42.000 militaires et policiers, et scruté par
plus de 13.500 observateurs locaux et internationaux.
Les Tunisiens vivaient leur baptême du feu démocratique. L'acte de voter
avait perdu tout son sens sous la présidence autoritaire de Habib Bourguiba, le
père de l'indépendance (1956) qui s'en est vite dispensé. Il n'était qu'une
formalité sous le règne de son successeur Zine El-Abidine Ben Ali, constamment réélu avec des scores
défiant l'imagination (99,91% en 1994). Le vent de liberté a profité à Ennahda, durement réprimé sous l'ancien régime, qui a
rapidement reconstitué ses réseaux et cherché à rassurer. Son chef s'est
réclamé d'un islam modéré proche du parti islamo-conservateur
au pouvoir en Turquie AKP, a promis de ne pas toucher au statut de la femme, le
plus avancé du monde arabe, et prôné un gouvernement de large union. Incapables
de s'entendre pour créer un front anti-islamiste, les grands partis de gauche
ont promis une vigilance de tous les instants pour défendre les libertés et le
statut de la femme.
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Posté Le : 24/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Sofia Bouderbala De L'afp
Source : www.lequotidien-oran.com