Trop de ministres RCD au gouvernement d'Union nationale, cela donne un
gouvernement de Ben Ali sans le dictateur. Les Tunisiens ont réagi sur Internet
et dans la rue, les politiques ont suivi et les démissions pleuvent. La
transition sous le contrôle du parti de Ben Ali pose problème. «Le dictateur
est tombé, la dictature pas encore», ont lancé les opposants.
Le gouvernement d'Union nationale annoncé lundi soir enregistre la
défection, qui pèse lourd, de trois ministres de l'UGTT. Certaines informations
font également état du retrait de deux ministres de la société civile. La
transition sous la domination du RCD, le parti de Ben Ali, n'enchante pas les
Tunisiens. Une bonne partie d'entre eux craignent que leur révolution ne soit
volée et confisquée. Ils ont trouvé dans la part royale réservée aux ministres
en exercice sous Ben Ali dans ce gouvernement de transition un début de
confirmation de leurs craintes. A peine la composition du gouvernement avait
été annoncée que des appels à manifester ont été lancés à Tunis et à
l'intérieur du pays. La présence de huit ministres de l'ancien régime, dont
certains sont connus pour avoir souhaité un autre mandat pour Ben Ali, a douché
de nombreux Tunisiens. Même si pour beaucoup la participation du parti au
pouvoir est inévitable et pour certains souhaitable, la place prépondérante du
RCD qui contrôle les ministères régaliens ne passe pas. Sur les réseaux
sociaux, notamment Facebook, la riposte a été immédiate : «Le dictateur est
tombé, la dictature pas encore !». Les Tunisiens étaient invités à continuer le
boulot. Ghannouchi, lui-même symbole du serviteur de Ben Ali, a défendu son
choix. Selon lui, les ministres en question ont «gardé leur portefeuille parce
que nous avons besoin d'eux dans cette phase». «Tous ont les mains propres
(...), une grande compétence. Ils ont du mérite. Grâce à leur dévouement, ils
ont réussi à réduire la capacité de nuisance de certains. Ils ont manÅ“uvré,
tergiversé, gagné du temps pour préserver l'intérêt national».
La centrale syndicale en rupture avec le régime
Des arguments qui laissent de marbre de nombreux Tunisiens qui
connaissent bien ces ministres. En dépit de l'état d'urgence interdisant des
rassemblements de plus de trois personnes, ils ont été des milliers à dire leur
rejet de la présence de ministres du RCD (Rassemblement constitutionnel
démocratique). A Tunis, ils étaient des centaines sur l'avenue Bourguiba,
conduits notamment par le dirigeant du mouvement islamiste Ennahda (Eveil),
Sadok Chourou, qui avait été libéré de prison le 30 octobre. «Le nouveau
gouvernement ne représente pas le peuple et doit tomber. Non au RCD»,
scandaient les manifestants. La manifestation a été dispersée à coups de
grenades lacrymogènes et à coups de matraques. Des milliers de personnes ont
également manifesté à Sfax, la deuxième ville du pays, à Sidi-Bouzid, à Regueb
et à Kasserine. Cette contestation de la rue a eu rapidement une traduction
politique. L'UGTT, la puissante centrale syndicale tunisienne qui n'a jamais
été totalement caporalisée par le régime et qui a joué un rôle important dans
les manifestations qui ont conduit à la fuite de Ben Ali a indiqué dans la
matinée qu'elle « ne reconnaît pas le nouveau gouvernement» de transition et a
ordonné à ses trois représentants au gouvernement à s'en retirer. «Nous nous retirons
du gouvernement à l'appel de notre syndicat», a déclaré M. Dimassi qui avait
été nommé, la veille, ministre de la Formation et de l'Emploi. Les deux autres
ministres démissionnaires sont Abdeljelil Bédoui, ministre auprès du Premier
ministre, et Anouar Ben Gueddour, secrétaire d'Etat auprès du ministre du
Transport et de l'Equipement. L'UGTT pousse encore plus loin sa rupture avec le
régime : ses membres se sont retirés du Parlement, de la Chambre des
conseillers et du Conseil économique et social. La décision de l'UGTT affaiblit
le gouvernement, et les autres courants d'opposition sont tentés de suivre la
centrale. Le chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL)
Mustapha Ben Jaafar, nommé la veille ministre de la Santé, aurait démissionné
et la ministre de la Culture, issue de la société civile, s'apprêterait à faire
de même. Le parti d'opposition Ettajdid (ex-communiste) a de son côté menacé de
quitter le gouvernement d'union nationale, à moins que tous les ministres qui
étaient membres de l'ancien parti au pouvoir ne démissionnent de cette
formation. Il a également demandé le gel des biens du RCD, «parce qu'ils
appartiennent au peuple», et la dissolution de «toutes les cellules
professionnelles du RCD», implantées dans la quasi-totalité des entreprises du
pays.
Un traitement «particulier» pour Rached Ghannouchi
A ce rythme, le gouvernement «d'union nationale» risque de se réduire au
RCD de Ben Ali. Et il semble bien que les Tunisiens n'entendent pas le laisser
gérer la transition, en tout cas pas en position dominante. Les exilés de Ben
Ali commencent à revenir au pays. Hier, Moncef Moncef Marzouki, opposant
historique au régime, est rentré à Tunis. «L'opposant Moncef Marzouki,
président du parti, le congrès pour la République (CPR) interdit, est rentré
mardi en Tunisie après des années d'exil» à Paris, a rapporté l'agence TAP.
Marzouki est candidat à l'élection présidentielle qui doit être organisée dans
les six mois en Tunisie. Rached Ghannouchi, chef du mouvement Ennahda a également
annoncé son retour mais il semble que des entraves sont mises à son retour. Le
Premier ministre tunisien a indiqué que le chef du mouvement islamiste ne
pourra retourner en Tunisie que «s'il y a une loi d'amnistie» effaçant sa
condamnation à la prison à vie. Il semble pourtant que des militants politiques
condamnés sont déjà rentrés sans attendre la loi d'amnistie. Un «traitement»
particulier qui montre que la question de la participation des islamistes au
processus politique sera au centre des batailles.
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Posté Le : 19/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com