Algérie

Les trabendistes réinvestissent les espaces publics



La plus haute instance de décision politique du pays ayant légalisé, voire même, conforté l'exercice du commerce informel, ce sont toutes les communes d'Alger sans exception qui se sont subitement remises au commerce à  la sauvette. Certaines placettes et artères de la capitale, à  l'instar de Ketchaoua, du boulevard Belouizdad et autres rues de Birkhadem, Bir Mourad Rais, Bachdjarrah, El Harrach, Bab Ezzouar, rappellent à  bien des égards l'époque où l'ex-Front islamique du salut (FIS) gérait, de manière franchement populiste, l'écrasante majorité des communes algéroises. Au regard des informations qui parviennent de l'intérieur du pays, ce constat de retour en force des trabendistes serait le même dans pratiquement toutes nos agglomérations urbaines. Confortés par cette subite mansuétude du chef de l'Etat à  leur égard, certains jeunes désœuvrés n'ont pas tardé à  occuper des espaces publics pour implanter à  même le sol ou sur des tables improvisées des commerces de pacotilles allant jusqu'à obstruer les entrées des magasins légaux. Des marchandises importées de Chine, Turquie, Syrie et de certains pays du Golfe  sont, comme par enchantement, subitement déversées en quantité sur les marchés de non-droit, que de gros «magnats du conteneur», bénéficiant de la complicité de certains cercles du pouvoir, orchestrent ce retour massif à  l'économie de bazar.
Ce retour spectaculaire à  l'anarchie commerciale est également perceptible à  d'autres niveaux de la vie économique et sociale. La presse relate, en effet, pratiquement chaque jour, des cas de jeunes accaparant des parcelles de terrain à  bâtir (cas de la plaine ouest de Annaba) pour y installer des baraques qui leur ouvriront, au moyen d'émeutes préméditées, l'accès à  des logements sociaux. A Bir Mourad Raïs (Les Vergers), le propriétaire d'une boutique Quatre saisons a occupé son week-end, au vu et au su de tous ses riverains, à  élargir son espace vital en empiétant largement sur la chaussée avec l'intention d'installer un étal. Devant ces dépassements constatés, les autorités locales, voire  les services de sécurité sont vraiment mal à  l'aise. Intervenir, comme nous l'a affirmé un vice-président d'APC, c'est courir le risque de provoquer une émeute qu'on sera seuls à  assumer du fait, qu'officiellement l'ordre, venu du plus haut sommet de l'Etat, est de laisser faire, voire de faciliter les initiatives de cette nature prises par les jeunes avec l'espoir que le président Bouteflika soit gratifié d'un surcroît de popularité chez cette importante frange de la société. Et, il est bien vrai que la décision du Conseil des ministres en question a beaucoup contribué à  populariser le chef de l'Etat auprès des jeunes désœuvrés qui considèrent que ce dernier veut leur bien mais que ce sont les autorités locales «corrompues et antijeunes» qui s'y opposent. Une opinion qui convient parfaitement aux autorités politiques en place qui espèrent, comme ce fut le cas pour l'ex-FIS, faire de cette importante masse de jeunes sans emploi, sans toit et sans espoir, une de leur principale base sociale. On comptera sur elle pour contenir le phénomène de l'abstention électorale, voter en faveur des candidats de l'Alliance présidentielle, voire même, pour soutenir le pouvoir en place au cas où une éventuelle révolte venait à  lui contester sa légitimité. C'est dans les rangs de trabendistes que sont généralement recrutés les «baltaguia» et autres casseurs, comme nous avions eu à  le constater lors des marches organisées dans la capitale. C'est sans doute ce qui explique cette subite générosité du gouvernement à  l'égard des jeunes, qu'ils soient chômeurs ou étudiants, pour qu'ils ne soient pas tentés par la révolte et l'obsession de l'ordre au moyen de la répression, quand il s'agit des partis politiques, syndicats autonomes et autres organisations de la société civile qui viendraient à  lui contester le monopole du pouvoir. C'est ce cap que le gouvernement compte maintenir quel qu'en soit le prix (et l'argent du pétrole existe pour cela !!), au minimum, jusqu'aux élections législatives de 2012, à  la faveur desquelles il compte bien reconduire l'Alliance présidentielle dans sa forme actuelle, même si pour la galerie, on pourrait tolérer quelques députés et sénateurs de plus, dans le camp de l'opposition. Le système ainsi sauvegardé pour au moins un quinquennat de plus permettra, au cas où le président Bouteflika ne briguerait pas un quatrième mandat, de présenter «un nouveau candidat du consensus» qui sauvera le système en présidant avec l'appui de l'Alliance et, bien entendu, celle des forces de sécurité, aux destinées du pays.


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