Algérie

«Les textes réglementaires sont dans le trou noir de la bureaucratie depuis dix ans»


- Quelles sont les principales contraintes rencontrées par les professionnels de la filière des boissons gazeuses et jus de fruits en Algérie '
L'un des principaux problèmes est l'absence de réglementation qui régisse le secteur. Je veux dire tout ce qui concerne la définition du produit : c'est quoi une boisson gazeuse ou un jus de fruits, ce quelles doivent contenir ou ne pas contenir, etc '
La seconde contrainte qui touche les produits de large consommation a trait à  la désorganisation totale du marché en termes d'informel. Il existe sur le marché des producteurs informels qui confectionnent des produits qui sont impropres à  la consommation.   
La troisième problématique touche à  la désorganisation du circuit de la grande distribution. Ces problèmes font qu'on a vraiment du mal à  avoir un secteur d'activité qui a de la cohérence et qui peut s'inscrire dans une politique économique claire.  
- Pourriez-vous nous dire comment de faux producteurs de boissons agissent dans l'informel '
A partir du moment où un producteur a accès à  une bouteille en plastique avec un bouchon qu'on peut fermer à  la main, une imprimante pour fabriquer des étiquettes, qu'est-ce qui empêche ces gens de produire, dans des baignoires par exemple, du jus de fruits en y mettant ce qu'ils veulent ' Plus rien ne les empêche. Les sociétés qui fabriquent des bouteilles en plastique sont à  l'origine du foisonnement d'acteurs informels non déclarés. Il y a des producteurs qui font de 1500 à  2000 bouteilles par jour en raison de l'existence de ces souffleurs. Aujourd'hui, si on veut régler une partie du problème de l'informel qui frappe la filière des boissons, il faut aller taper à  la porte des souffleurs de bouteilles.
Pour souffler les bouteilles, d'aucuns utilisent des pré-formes, c'est comme des ballons non gonflés. Ces gens doivent suivre également les règles d'éthique. A l'Association des producteurs de boissons (APAB), nous n'avons pas cessé, depuis 4 ans, d'interpeller les pouvoirs publics et de prévenir le consommateur des dangers de certains sucres de synthèse qui sont utilisés par des acteurs informels. Le recours à  ces composants nocifs leur permet de vendre le produit à  des prix cassés au détriment de la santé du consommateur.
Nous souhaitons que le ministère du Commerce se penche très sérieusement sur le mode de fonctionnement des souffleurs de bouteilles. Ce métier doit exister, mais suivre des règles d'éthique et d'hygiène qui aujourd'hui font défaut.
- Quel est le poids de l'informel dans la filière '
Personne n'est capable aujourd'hui d'évaluer le poids de l'informel dans l'économie algérienne. Je défie quiconque de venir me dire que l'informel représentante tant dans l'économie ou dans certains secteurs d'activité. On sait qu'il y a un poids important d'informel qui grève notre économie. Il faut d'abord définir l'informel. Est-ce que c'est quelqu'un qui n'est pas déclaré, quelqu'un de déclaré mais qui ne facture pas la totalité de ses produits, quelqu'un qui est déclaré qui facture ses produits, mais qui ne déclare que partiellement ses travailleurs etc ' L'OCDE a proposé une définition internationale de l'informel qui est admise. Elle est assez large et couvre tous les aspects de l'informel. A partir de cette définition, nous pouvons travailler sur la notion de l'informel en Algérie.   - Quelles sont les solutions possibles pour mettre fin à  cette anarchie '
Pour combler l'absence de réglementation algérienne, nous nous appuyons sur le codex alimentarius, qui, lui, définit les types de produits à  mettre sur le marché. C'est un consensus mondial auquel l'Algérie a adhéré. C'est notre base de travail. Au ministère du Commerce, les experts qui ont travaillé sur le cadre réglementaire ont fait leur travail, les textes sont quasiment prêts.  Mais cela fait plus de dix ans que les textes sont sur les bureaux de divers ministères. Ils sont dans le trou noir de la bureaucratie. On ne sait pas pourquoi ces textes ne sont pas promulgués. Il faudra que ces textes réglementaires sortent ou soient partagés avec l'APAB, que nous puissions aussi apporter notre collaboration et que nous en finissions avec cette histoire de réglementation. Ceci est important pour l'Algérie, puisque tout secteur d'activité doit obéir à  certaines règles.  Concernant la désorganisation du marché, nous devons dans un premier temps recenser de façon précise toutes les marques existant en Algérie. Ensuite, il faut aller vers l'identification des sites de production parce qu'il y a des sites fantômes. Nous devons également distinguer les producteurs industriels de boissons et les producteurs artisanaux. Ce travail d'indentification ne doit pas s'appuyer sur le registre du commerce. Nous nous sommes rendu compte que les registres du commerce laissent une information erronée concernant les acteurs de la filière boisson. Le Centre national du registre du commerce annonce un nombre de 1500 producteurs. Nous avons remarqué qu'il y a de fausses adresses. La priorité est d'aller sur le marché, lancer une opération d'inspection ponctuelle pendant un mois pour recenser toutes les marques sur le marché. En ce moment, nous pouvons aller à  l'étape suivante et dire est-ce que ces producteurs travaillent dans les règles de l'art ou non et comment peut-on les aider à  intégrer le formel. Car, il ne s'agit pas d'adopter une démarche répressive, mais plutôt coopérative. Si les producteurs sont clairement identifiés, il sera plus facile de mettre de l'ordre dans le marché de la distribution. Parce que des producteurs fantômes parasitent toujours le réseau de distribution.
Ces actions (citées plus haut) sont simples, moins coûteuses et permettront de réduire le poids de l'informel et surtout de réduire la gabegie ambiante dans le secteur des boissons.  
Le secteur des boissons en Algérie est l'un des secteurs qui emploie le plus de personnes et certains intrants sont fabriqués en Algérie. Il peut àªtre à  l'origine de l'émergence de certains investissements, particulièrement dans les emballages.
 
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