Algérie - Revue de Presse

Les talibans se retournent contre Islamabad


Les talibans se retournent contre Islamabad
Les talibans progressent au nord-ouest du Pakistan. Ils ont pris le contrôle du district de Buner, à une centaine de kilomètres d'Islamabad. Depuis une mosquée, les talibans ont annoncé qu'ils ne toléreraient plus aucune activité contraire aux principes de l'Islam à Buner. Des écriteaux placardés chez les coiffeurs interdisent aux hommes de raser leur barbe et aux femmes de se rendre au marché », a témoigné un avocat, habitant Buner, à une agence de presse occidentale, affirmant par là même que la police n'a plus aucun pouvoir et semble avoir cédé le contrôle aux talibans qui font ce qu'ils veulent en ville. « Même les responsables locaux des dispensaires et hôpitaux ont dû demander à leur personnel féminin de rester à la maison », a assuré Masood Ahmad Khan, un fonctionnaire du ministère provincial de la Santé, cité par l'AFP. Equipées d'armes légères et de lance-roquettes, les milices talibanes ont attaqué un dépôt de carburant des forces de l'Otan à Peshawar, la plus grande ville du nord-ouest du Pakistan, détruisant 6 camions-citernes avant de s'enfuir, rapportent des agences de presse internationales. « Les assaillants ont attaqué le dépôt avec des bombes à pétrole, des roquettes, des obus de mortiers et des tirs d'armes légères, et continué de tirer en s'enfuyant », a indiqué à la presse un responsable de la police, Nazif Rehman, cité par l'AFP. Selon ce responsable, 4 camions-citernes ont été complètement brûlés et 2 autres très endommagés. Il faut préciser que la plupart des équipements et vivres destinés aux soldats de l'Otan et à la coalition internationale menée par les Etats-Unis en Afghanistan sont acheminés via le Pakistan. Dans la province de Farah (ouest), un convoi de la police est tombé mercredi soir dans une embuscade tendue par des talibans, a déclaré à l'AFP Abdul Ghafar Watandar, chef de la police dans la province. « Au cours des combats qui ont suivi et qui ont duré près d'une demi-heure, un policier a été tué et un autre blessé. Une jeune fille a aussi été tuée par les talibans », a-t-il indiqué. Les milices qui ont envahi Buner se sont retirées graduellement hier de ce district suite, notamment, à l'arrivée des premiers renforts de l'armée pakistanaise.« Retrait tactique »Le porte-parole des talibans de Swat a confirmé aux agences de presse internationales que ses hommes ont entamé hier (vendredi) un retrait progressif du district de Buner. « Les talibans se sont déjà retirés de quelques endroits et nous achèverons ce retrait dans quelque temps », a déclaré Muslim Khan, au téléphone, à l'AFP, depuis un lieu inconnu. Peu auparavant, le gouvernement de la Province de la frontière du Nord-Ouest (NWFP) avait annoncé que les talibans avaient accepté de quitter Buner. Les violences des insurgés afghans, parmi lesquels les talibans chassés du pouvoir en novembre 2001 par une coalition emmenée par les Etats-Unis, ont redoublé d'intensité depuis deux ans malgré la présence de 70 000 soldats étrangers, auxquels vont se joindre 21 000 renforts américains dans les prochains mois. Mais jamais les talibans n'ont pris à partie de manière aussi spectaculaire des provinces pakistanaises. Face à cette incursion, le gouvernement pakistanais qui semble être pris de court a envoyé une centaine de paramilitaires dans la région. Deux pelotons totalisant 113 soldats ont été dépêchés sur place dans la journée d'hier. Cela n'a pas empêché les talibans de patrouiller dans les rues de Buner, la journée durant. Les renforts ont été envoyés suite aux pressions américaines. Les Etats-Unis ont en effet exprimé leur inquiétude sur la capacité d'Islamabad à contrôler la situation. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, a déclaré à la presse que le président Obama a consacré beaucoup de temps à la situation au Pakistan : « Nous sommes extrêmement inquiets de cette situation et c'est une affaire qui occupe beaucoup du temps du Président. »L'inquiétude américaineLe secrétaire d'Etat américain à la Défense, Robert Gates, a, de son côté, pressé les autorités pakistanaises à agir contre la menace que constituent les talibans. « Il est important qu'elles (autorités) ne se contentent pas de reconnaître la menace, mais qu'elles prennent les mesures nécessaires pour y répondre », a dit le ministre, qui s'exprimait devant la presse, à l'occasion d'une visite à la base militaire de camp Lejeune (Caroline du Nord, sud-est). En réponse à cet appel, le gouvernement pakistanais a décidé de déployer 8 sections de 40 à 45 soldats chacune dans la région ciblée. La communauté internationale s'inquiète désormais à voix haute de la capacité du gouvernement de la seule puissance militaire nucléaire du monde musulman à endiguer l'avance de ces combattants parfois liés à Al Qaïda et aux talibans de l'Afghanistan. Longtemps soutenus par le pouvoir pakistanais, les talibans se redéploient contre celui qui était jadis leur allié. La démission forcée de Pervez Musharraf du poste de président du Pakistan en août 2008 pourrait être, selon certains spécialistes, l'une des raisons pouvant expliquer cette rébellion contre Islamabad. Cela d'autant plus que Musharraf a grandement contribué au maintien en Afghanistan d'un « régime ami » (ce qu'étaient les talibans pour Islamabad). D'ailleurs, l'armée et l'ISI, les services secrets pakistanais, eux, n'ont jamais hésité à soutenir les rebelles islamistes afin d'assurer au Pakistan sa fameuse « profondeur stratégique ». Ne supportant plus le double jeu de Musharraf, à la fois allié des Américains et ouvrant son territoire aux talibans, Washington a applaudi sa « chute ».Mésentente au sommet du pouvoirEt voilà que son successeur, Asif Ali Zardari, qui n'est autre que le veuf de l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, morte dans un attentat terroriste le 27 décembre 2007, et coprésident du Parti du peuple pakistanais (PPP), se retrouve face à une situation jamais vécue par le Pakistan. Depuis son arrivée au pouvoir en mars 2008, en coalition avec la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), il a cessé la répression contre les islamistes, privilégiant le dialogue avec les chefs intégristes. Avec Baitullah Mehsud, le leader du TTP, qui a sa base dans la zone tribale du Waziristan, mais aussi avec le mollah Fazlullah, qui contrôle la vallée de Swat, un peu plus à l'est. Cependant, la férocité des attaques terroristes en territoire pakistanais a rendu impossible tout accord avec les chefs islamistes. Et les talibans claironnent qu'ils veulent s'emparer de Karachi, la capitale économique et financière du pays. Le désaccord entre les deux ténors de la coalition gouvernementale, à savoir le président Asif Ali Zardari et Nawaz Sharif (chef de la PML-N), sur tout, y compris sur la lutte antiterroriste, a donné l'avantage aux groupes islamistes agissant sous la férule des talibans. Cette division au sommet affaiblit le pouvoir pakistanais. Un affaiblissement que les milices des talibans semblent exploiter. Mais à quelles fins ' Pour desserrer l'étau sur leurs « troupes » en Afghanistan ' Pour détourner l'attention américaine vers le Pakistan, pays dont le territoire a servi de bases d'entraînement à la « guérilla islamique », qui terrorise le monde aujourd'hui ' Ou encore afin de renverser les équilibres internes au Pakistan et préparer un retour en fanfare de Pervez Musharraf ' Une dégradation supplémentaire de la situation pourrait avoir des conséquences terribles sur la région et pour le monde entier.
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