Algérie

Les systèmes aussi vieillissent...



Quand on vieillit, on perd le réflexe. Et comme c'est justement le réflexe qui donne au corps son agilité, sa rapidité de réaction et donc sa capacité à s'adapter aux changements, il va de soi que lorsqu'on vieillit on s'adapte mal et qu'à chaque changement significatif, parce qu'on n'a plus cette célérité et cette diligence qui font la force de la jeunesse, on se met à tâtonner. On cafouille et, souvent, on tombe dans la panique. A l'aune des hommes, les systèmes aussi perdent de leurs réflexes à cause de la vieillesse. Pour le système en place en Algérie, les signes de tâtonnement, de cafouillage et même de panique sont visibles depuis les élections du 17 mai.  Jamais des élections n'ont été aussi ouvertement dénoncées que celles du 17 mai. Par le taux d'abstention certes, mais aussi par la lettre du président de la Commission nationale de surveillance des élections législatives adressée au Président de la République. En d'autres temps, pareille lettre n'aurait jamais été écrite et à supposer même qu'elle le fût, son contenu n'aurait jamais pu arriver sur la place publique et cette « fuite » aurait pu être étouffée à l'état d'idée, c'est-à-dire avant de devenir réalité. Mais la vieillesse du système a fait qu'il s'en rende compte en retard. Un retard dans la perception des choses qui entraîne forcément un retard dans la réaction. C'est le réflexe qui n'y est plus !  Visiblement surpris par l'abstention (inattendue ?), le pouvoir en place a préféré ne donner les résultats que le lendemain avec ... une heure et demi de retard sur l'horaire annoncé. D'habitude, les résultats des législatives sont donnés tard dans la nuit même du scrutin. Si l'on laisse de côté les différentes lectures qu'il suscite (et qu'une partie de la presse a eu l'occasion de faire), ce changement dans le comportement du pouvoir laisse entrevoir une perte de contrôle et une défaillance dans la maîtrise des choses. Dans d'autres cas, dans d'autres moments, la réplique aurait été de précipiter l'annonce des résultats pour reprendre rapidement les choses en main. Mais, cette fois encore, le réflexe n'y est pas !  La rétractation annoncée de Bouchair et ses excuses et qui ont vite été démenties par le concerné et par la commission elle-même ont donné lieu à une situation de cafouillage qui n'aurait pas pu se produire jadis, du temps où le pouvoir avait encore toutes ses forces et, surtout, tous ses réflexes.  Mieux encore, et au lieu d'analyser le phénomène de l'abstention des citoyens, le Chef de l'exécutif s'est lancé dans des justifications sans conviction et des contradictions dont il aurait pu se passer alors que, de l'autre côté, Mme Hanoune nous présentait la commission de surveillance comme étant douteuse et incapable de discernement, une commission qu'on nous a toujours dite pourtant intègre et au-dessus de tout soupçon.  Le report de l'installation de la nouvelle APN est un non respect de la première loi du pays, une entorse que le pouvoir en place n'a jamais faite jusque-là, même dans les conditions difficiles. Et si, aujourd'hui, on en est là, ce n'est pas à cause d'un déplacement du Président de la République à Blida ou à cause de l'attente de la validation des résultats par le Conseil Constitutionnel. Blida n'est pas sur un autre continent et le Conseil Constitutionnel a pour mission de préserver la Constitution. Si l'installation de l'APN a été reportée c'est, tout simplement, parce que le pouvoir en place n'arrive probablement plus à rassembler ses forces ou à retrouver ses marques après l'abstention du 17 mai. Une conséquence de la perte des réflexes.  Jamais auparavant le nom du Président de l'APN n'a été donné avant le vote des députés. Les décisions du pouvoir dans ce domaine, bien que prises à l'avance, n'étaient pas rendues publiques. Si, cette fois, c'est l'inverse qui se passe, c'est parce que, pour donner l'impression que tout va bien, on oublie d'y mettre la forme et, du coup, on vide le vote des députés de son sens. Une autre perte de réflexe qui renseigne sur l'incapacité du pouvoir en place à se ressaisir. Le pouvoir en place a ainsi donc perdu ses réflexes. Et c'est, du coup, tout le système dont les articulations se mettent à grincer et qui se trouve gêné dans ses mouvements. Mais il n'y a pas que chez nous que cela se passe. En Egypte, le pouvoir Azhari dont on entend de plus en plus souvent le bruit de la décrépitude n'arrive plus à retrouver sa force et ses réflexes d'antan. Le contrôle de ses gestes et mouvements, mal coordonnés et peu maîtrisés, lui échappe de plus en plus fréquemment, laissant apparaître des signes d'essoufflement et de fatigue. Les fetwas pleuvent et se ressemblent dans l'approximation, dans l'à peu près et dans le manque de sérieux. Depuis que Tantaoui avait encouragé, par une fetwa, les Egyptiens à aller faire la guerre aux Irakiens durant la première guerre d'Irak, les signes d'une fatigue attendue d'un pouvoir exténué ont commencé à se faire voir. Les quelques déclarations d'alors, trop faibles, n'avaient pu se faire entendre. En d'autres temps, le pouvoir azhari n'aurait jamais commis l'erreur de laisser passer une telle fetwa. En prônant licite l'intérêt bancaire, Tantaoui, encore lui, a étonné plus d'un. Le groupe de cheikhs qui avaient alors émis une fetwa contraire avaient, à peine, pu publier leur communiqué. La fatigue du pouvoir d'El Azhar due à sa vieillesse a fait de sorte qu'il serve les intérêts d'un système qu'il avait pourtant toujours combattu et qu'il ne porte plus attention à ses propres préoccupations. Trop faible pour continuer à survivre de manière autonome, ce pouvoir s'est accroché à la manche d'un autre pouvoir, celui politique en place. Lorsqu'il a retiré sa fetwa quelques temps après, Tantaoui n'avait fait, en réalité, que confirmer l'état de cafouillage dans lequel s'est vu précipiter le pouvoir d'El Azhar par sa perte de réflexes et de maîtrise des choses, une situation qu'il consacra en revenant à la charge quelques temps après pour opter définitivement pour une fetwa, pour le moins douteuse.. Le nombre inquiétant de prêcheurs qui logent sur les plateaux de chaînes et qui y parlent de tout et de n'importe quoi sont l'autre preuve irréfutable de la vieillesse et de la déliquescence d'un pouvoir azhari qui, en d'autres conditions, se serait comporté autrement. Les innombrables fetwas contre les femmes sans hidjab, celles contre certains prêcheurs, et d'autres encore, sont autant de gesticulations cafouilleuses d'un pouvoir en déchéance. Si, aujourd'hui, un cheikh en est arrivé jusqu'à à émettre la « fetwa du biberon » c'est que le pouvoir d'El Azhar est entré en état de sénilité avancée. Nous ne commenterons pas cette fetwa qui n'en est pas une et qui ne mérite même pas qu'on s'y attarde tellement elle est absurde, maladive, et loin de portée de tout esprit humain normal ! Ce sont les systèmes dits « autopoietiques » qui vieillissent et meurent. Ces systèmes ont la fâcheuse manie de chercher à accompagner le changement non pas en s'adaptant mais en s'auto reproduisant avec une capacité supplémentaire de survivre aux changements. Ce comportement a pour conséquence de faire durer le système malgré les mutations de son environnement. Or, il se trouve que, après de longues périodes d'autoreproduction, le système d'autopoiese (autopoiesis) finit par se trouver en grand décalage par rapport à sa réalité et les capacités requises pour assurer la survie deviennent, dès lors, trop fortes. Il se met à perdre ses mécanismes et ses réflexes. C'est le signe de vieillesse. Le pouvoir en place en Algérie a fortement gêné les mécanismes du système qui l'a généré. Il l'a gêné à partir du moment où il a cru utile de réduire l'opposition à un article de décor dans une vitrine d'exposition destinée à séduire le reste du monde, sans plus. Il l'a gêné à partir du moment où il a cru en la supériorité de la pensée unique et au nivellement de l'idée par le bas. Le « redressement » des partis, devenu une pratique permise, a fortement gêné l'évolution du système en le privant de la diversité qui devrait caractériser ses élans et enrichir ses approches et ses lectures du quotidien des Algériens. Il l'a gêné aussi à partir du moment où il a opté pour la destruction des compétences et la fermeture des fenêtres de l'horizon devant les jeunes. Dès lors que la jeunesse algérienne souffre d'un trop grand mépris, que l'Université algérienne subit une destruction acharnée et une dévalorisation terrible des diplômes et que les valeurs et les repères de la société sont cassés, déracinés et détruits sans soucis ni hésitation, il est tout à fait normal que le système se trouve en grand décalage par rapport à son environnement. Qu'il se place même à côté de cet environnement.  L'abstention n'était pas un hasard. Elle n'est due ni au fait que les Algériens ne savent pas voter, comme on a bien voulu nous le faire croire sur le plateau d'une télévision dont les Algériens se détournent sans regret depuis longtemps, ni à l'appel au boycott de quelques partis trop peu signifiants qui tentent une récupération malhonnête. L'abstention est une réalité, ou plutôt le hurlement d'une réalité qui veut être entendue. Une réalité que le pouvoir en place et le système ne peuvent plus percevoir correctement, tellement les filtres qui les entourent la pervertissent. Une réalité que jamais le pouvoir en Algérie n'a eu à méditer. Tout pouvoir humain ne peut être que temporaire. Une préparation de la relève s'impose de ce fait à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, à un moment ou à un autre, ont eu la chance, la malchance, l'honneur ou simplement l'occasion de conduire les affaires d'une nation. Trait d'union entre le passé et le futur, la relève, sur tous les plans et dans tous les domaines, est une nécessité que nul n'a le droit de se permettre le luxe d'ignorer. Mais la relève a ses exigences. On ne sème pas la médiocrité, l'opportunisme, le suivisme, l'incompétence et l'incapacité pour en faire l'avenir d'un système ou, à plus forte raison, d'une société. Lorsqu'ils ferment les portes d'accès aux jeunes, les systèmes, qu'ils soient politiques ou autres, se condamnent à la décrépitude et condamnent, en même temps, la société à la déchéance. El Azhar a oublié de préparer la relève, aujourd'hui l'âge aidant, il se retrouve en train d'émettre des fetwas renversantes, jetant le discrédit sur tout ce qui est sorti de cette institution et Dieu sait combien elle était crédible et respectée. De même, en Algérie, parce qu'on a tout fait pour empêcher la relève de se mettre en place, le système politique et le pouvoir, avec l'âge, se retrouvent en train de gesticuler pour justifier le prolongement d'une situation qui n'a plus sa raison d'être. Et Dieu sait que l'Algérie mérite mieux, beaucoup mieux. Cessons de nous mentir indéfiniment et regardons les choses en face : nous n'avons aucune relève dans aucun domaine car la relève n'est pas un ensemble de prothèses continuatrices, mais un sang nouveau. L'exemple de la France, à côté, est à méditer sérieusement !


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