Algérie

Les stratèges du terrain



Abderezzak Makri
L'échec, définitivement consommé de Makri, a permis aux deux «frères-ennemis» de dépasser leurs petites querelles et leurs chapitres de réprimandes et de critiques.
L'initiative de Abderezzak Makri a été froidement accueillie par l'ensemble de la classe politique. Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui a lancé un appel au chef d'état-major le l'Armée nationale populaire Ahmed Gaïd Salah, l'invitant à accompagner une transition démocratique dans le cadre du consensus national, a reçu une fin de non-recevoir non seulement de l'institution militaire, mais aussi des deux partis au pouvoir et de l'opposition. L'échec, définitivement consommé de Makri, a certes mis à nu le poids réel de cette formation politique et les alliances de façade qui existent au sein de la classe politique, mais il a surtout permis aux deux «frères-ennemis» de dépasser leurs petites querelles et leurs chapitres de réprimandes et de critiques. Le FLN et le RND ont vite retrouvé leur «naturel» en affichant leur solidarité et en retournant à leur pacte immuable. Les deux formations ont exprimé une position commune contre l'initiative du MSP et ont appelé ensemble le président Bouteflika à briguer un nouveau mandat en 2019. «Nous demandons au président de la République d'accepter un sacrifice supplémentaire en souscrivant favorablement aux sollicitations pour briguer un mandat en 2019», ont appelé, en choeur, Ahmed Ouyahia et Djamel Ould Abbès, à l'issue de leur rencontre, non sans affirmer «nous serons un soutien fort au président s'il accepte de répondre favorablement à cet appel». Constants et conséquents dans leur démarche, les deux partis au pouvoir ont ainsi réussi à renverser la vapeur et à translater le débat devant porter sur une transition démocratique en une consultation nationale sur «les grandes questions de l'heure» et le «soutien au chef de l'Etat pour poursuivre son processus de développement du pays». Tout en oeuvrant de concert pour soutenir la candidature de Abdelaziz Bouteflika s'il venait à se porter candidat pour la prochaine élection présidentielle, les deux responsables ont annoncé la tenue de plusieurs rencontres avec des partis qui soutiennent le président de la République. C'est dire que les deux hommes qui ne manquaient pas une occasion pour se lancer des piques, n'ont pas hésité à mettre la main dans la main pour contrer une initiative jugée comme périlleuse à l'approche de la présidentielle. La sortie de Abderezzak Makri, qui s'est échiné à brasser large et à construire un consensus sous l'égide de l'armée, n'a pas été du goût des deux hommes politiques qui ont vite compris que le président du MSP a bien calculé son timing. En se lançant dans une telle démarche à l'approche de l'élection présidentielle, Makri a voulu se forger la réputation d'une force de propositions à même de sortir le pays de la crise qui le secoue. Le MSP cherche à se repositionner sur l'échiquier politique et à négocier son retour à l'alliance présidentielle. Le parti de feu Mahfoud Nahnah a réussi à faire beaucoup de bruit grâce à la tournée des popotes effectuée par son président, mais ce dernier n'a brassé finalement que du vent. C'est avec un couffin vide que Abderezzak Makri est rentré au bercail. L'homme ne semble plus connaître la réalité du terrain ni celle de la société algérienne. En se lançant dans une initiative qui n'a même pas été soutenue par ses anciens alliés, Makri confirme la débâcle de l'opposition.
Une débâcle qui vient s'ajouter à celles enregistrées par le passé par ces partis qui ont tenté, faut-il le rappeler, de se lancer dans une Coordination pour la liberté et la transition démocratique ou encore de créer l'Instance consultative et de suivi de l'opposition.
Des projets mort-nés à cause de la guéguerre de leadership qui a éclaté en leur sein. Et même en tentant d'éviter le naufrage de la mouvance islamiste et en s'orientant vers la création d'un bloc qui dépasserait les rivalités et mettrait fin à l'effritement actuel, le MSP et ses congénères n'ont pas réussi à dépasser leurs différends ni à produire un discours politique nouveau leur permettant de faire oublier aux électeurs que les islamistes, qui ont mangé dans le même plat que le pouvoir, ont déjà fait leurs preuves et ont montré leur faible capacité dans la gestion. A bien voir, l'opposition rachitique et sans ancrage réel dans la société, n'a pas réussi, depuis plus de trente ans, à enfanter un réel leader politique capable de porter son étendard, de transmettre son message et d'être un véritable contre poids au pouvoir. C'est reconnaître finalement que l'opposition n'arrive pas à secouer les foules ni à mobiliser les Algériens. C'est reconnaître aussi que l'offre de l'opposition ne fait pas le poids avec la politique sociale menée depuis deux décennies par le président de la République. Les grandes réalisations de logements, la politique en faveur des jeunes ou encore les grands projets structurants, le retour à la paix et la sécurité semblent avoir définitivement scellé le sort de la prochaine échéance électorale. Le choix des Algériens semble fait et les dés jetés.


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