Algérie

Les spécialistes dénoncent une "dangereuse anarchie"



Des médecins radiologues, venus de toute l'Algérie, se sont retrouvés le week-end dernier au CIC de Staouéli (Alger), à l'occasion de l'assemblée élective des nouveaux membres du bureau de l'Association algérienne des radiologues libéraux (AARL). Dès son élection, le nouveau bureau national de l'association a appelé la tutelle à prendre en charge les doléances de la corporation, dont la pratique illégale de la radiologie, et de revoir la copie du projet de loi sur le centre d'imagerie médicale.Il faut dire qu'en Algérie, ces dernières années, des cabinets médicaux, généralistes et même des spécialistes sortent de leurs limites et pratiquent de l'imagerie médicale comme des échographies, des clichés X, des échodoplers... qui entrent dans la spécialité de la radiologie, ce qui a, d'ailleurs, poussé l'AARL à dénoncer ces pratiques et à demander à la tutelle de mettre un terme à ce qui est qualifié de "dangereuse anarchie". Pour l'association, cette pratique se généralise, malgré les textes de loi et la déontologie médicale qui interdisent la pratique de la radiologie par les médecins consultants, sauf pour les gynécologues (échographie obstétricale et gynécologique) ou les cardiologues (échographie cardiaque) pour des gestes bien limités.
"Ces derniers temps, nous constatons la généralisation de cette pratique. De nombreux médecins généralistes et quelques spécialistes qui achètent des échographes d'occasion à bas prix et de mauvaise qualité. Après une très courte formation, ils pratiquent des examens, tels que l'écho cervicale pour l'ORL, l'écho thyroïdienne pour les endocrinologues, l'échodopler pour les internistes, l'écho transthoracique pour les pneumologues...", témoigne un des radiologues présents à la rencontre. "On retrouve même des sages-femmes qui pratiquent l'échographie obstétricale et gynécologique", ajoute-t-il.
Joint par téléphone, le secrétaire général de l'AARL, le Dr Djamel Bakhtouche n'a pas hésité à dénoncer, au nom de l'association, certains médecins qui sortent des limites de leur spécialité et de leurs compétences. "Savez-vous que l'imagerie médicale n'est pas un acte anodin et qu'il convient d'en user avec justesse ' Il ne faut pas banaliser cet examen médical. Il faut le laisser à un spécialiste qui a fait des études dans cette spécialité. C'est de la médecine que nous pratiquons et non pas un gâteau qu'on se partage." L'association dénonce aussi ces formations de week-end assurées par des radiologues sans aucune autorisation, adressées aux médecins généralistes. "Même les diplômes de DIU ne sont pas valables pour exercer cette spécialité", a tenu à ajouter notre interlocuteur qui demande à ce genre de diplômés "d'aller pratiquer la radiologie en France puisqu'ils ont eu ces diplômes là bas". "Ils ne le pourront pas parce qu'ils ne sont pas radiologues", dit-il.
"Les textes de loi existent, il suffit juste de les appliquer", insiste-t-il. "On ne peut pas fermer les yeux devant ces actes illicites et ces conflits d'intérêts", tonne-t-il. "C'est le malade qui est le perdant. Il est obligé dans plusieurs cas de refaire l'examen ou d'être mal orienté", regrette encore le Dr Bakhtouche. Des revendeurs de matériels médicaux façonnent la demande sur le marché en proposant des formations de quelques jours. L'association a constaté que plusieurs cabinets de généralistes et de spécialistes, dotés dans l'illégalité totale et en dehors de tout contrôle du Commissariat à l'énergie atomique (Comena), de tables de radiologie sans le moindre respect des règles de radioprotection. Ce qui constitue une infraction et une dérive dangereuse de l'éthique médicale. Vendre une table de radiologie à un médecin généraliste ou à un spécialiste non radiologue n'est pas justifié, selon l'AARL.
Ces praticiens sont-ils autorisés à manipuler ce genre d'appareil ' Non ! Même chose pour l'échographe ou autres matériels utilisés dans l'imagerie médicale. Mais ces revendeurs proposent, avec l'appareil des formations d'une semaine ou de 15 jours, et le reste importe peu. "Ont-ils eu l'autorisation du Comena ' Certainement pas", dénonce le secrétaire général de l'AARl, qui précise qu'avant que le radiologue ouvre, on exige de lui d'avoir cette autorisation de "Contrôle de conformité réglementaire des installations utilisant les rayonnements ionisants" renouvelable tous les 5 ans.
Pour mettre fin à l'anarchie dans ce secteur, l'association propose, en plus de l'application des textes de loi existants, que la Cnas revoie ces marges de remboursement qui n'ont pas changé depuis 1987. "Pourquoi les médicaments sont-ils remboursés à 80, voire à 100%, alors que 6% seulement de la facture du médicament peut couvrir tous les examens d'imagerie médicale '", propose le secrétaire génal adjoint de l'association (ex-président pendant 13 ans), le Dr Kamel Ferhani.
L'avant-projet de loi sur les centres d'imagerie médicale
L'autre point soulevé par l'association est celui de l'avant-projet de loi sur le CIM. L'AARL appelle les autorités à revoir plusieurs textes de ce projet de loi, dont l'article 08 qui permet à une personne physique ou morale, qui n'a rien à voir avec la radiologie, d'exploiter un centre d'imagerie médicale et de recruter des radiologues. Surtout pour les nouveaux qui ne peuvent pas avoir de crédits bancaires ou des avantages de l'Andi, parce qu'ils ne peuvent pas avoir de registre du commerce. "Demander à un jeune ou même à un ancien radiologue de s'équiper de toute une salle de réanimation (matériels et humains) est une autre aberration et une entrave qui ne va pas faciliter la tâche aux radiologues pour avoir leur CIM", s'indigne l'association. "Avec ce projet, le médecin radiologue n'arrivera jamais à ouvrir son CIM. Il sera obligé de travailler chez ces personnes qui cherchent à blanchir leur argent sale ou qui cherchent à se repositionner dans la société", dénonce le Dr Bakhtouche.

Chabane BOUARISSA


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