Algérie

«Les soldats français ont tiré dans le tas»



C'est dans son petit appartement, dans la commune d'El Khroub, modestement meublé que «aâmi Mahfoud», un ancien moudjahid a accepté de nous recevoir. De son vrai nom Charak Mahfoud, notre vedette est né en mai 1938 à Ouled Boufaha dans la région de Jijel. Son nom de guerre Abdelhafidh Benmohamed et il a tenu à préciser que son petit patelin avant l'Indépendance faisait partie du Nord- Constantinois. Il a abordé le 20 août 1955/1956. Ces deux dates pour aâmi Mahfoud sont venues corriger la trajectoire de l'Histoire de la révolution...L'Expression: Comment avez- vous vécu le 20 août 1955'
Charak Mahfoud: J'ai bien sûr participé au mouvement, comme beaucoup de jeunes. À l'époque on n'avait pas beaucoup d'armes, mon rôle était la destruction des voies et axes de passage de l'armée française, la destruction des poteaux et l'acheminement de la logistique en matière de nourriture. Plusieurs opérations de ce genre ont eu lieu dans le Nord- Constantinois et c'est à cette date que tombera au champ d'honneur Sekine Ahmed Benmohamed dans la Mechta de notre patelin ainsi qu'une fillette de 14 ans, Zohra Mesrene Bent Brahim.
Les opérations ont duré trois jours, avec des embuscades contre les colons, de Jijel jusqu'à Skikda, en passant par Constantine. Comme j'étais responsable d'armement j'ai pu comptabiliser la récupération de 23 unités d'armes. La réussite des opérations dans notre zone, la zone 2, a d'ailleurs conduit le grand martyr Zighoud Youcef à féliciter Ali Mendjeli. Bien sûr nul n'ignore la réaction violente de l'armée française face aux évènements du 20 août 1955 qui a commis des massacres. Aucune distinction, entre hommes, femmes, enfants et vieillards. En représailles, la France a tiré dans tout le tas.
Quel était l'objectif de ces opérations'
Pousser l'ennemi à se dévoiler au monde et démontré que l'ALN était bel et bien opérationnel. L'objectif était atteint eu égard à la panique qui s'est emparé de l'ennemi. La sauvagerie de la répression et l'attitude haineuse des colons ont fixé les Algériens sur les intentions de la France coloniale qui voulait reproduire les massacres de mai 1945 pour terroriser les Algériens. Ainsi, grâce à l'offensive du Nord-Constantinois, l'ALN a pris une option claire pour la lutte armée jusqu'à l'indépendance.
Que peut nous dire aâmi Mahfoud sur le 20 août 1956'
Je suis juste témoin de ce qu'il m'a été dit par les cadres de la révolution, mais je peux vous dire que cette date a corrigé la trajectoire de la révolution que la France était sur le point de faire échouer. Le congrès était prévu à Beni Sbih, mais a fini par avoir lieu à Ifri-Ouzellaguen, pour une question de distance. Les organisateurs ont jugé bon que cette rencontre se fasse dans cette région du pays pour permettre aux participants venus de l'est, l'ouest, nord et sud de parvenir au lieu du rendez-vous, plus rapidement et sûrement. Il était question de revenir sur ce qu'il a été fait, de rattraper les erreurs, faire une évaluation précise des réalisations de la révolution qui avait 22 mois déjà. Il fallait procéder à des changements militaires et politiques, faire un nouveau découpage de la cartographie militaire, revoir les copies des opérations et surtout revoir la stratégie de lutte. C'est le grand martyr Larbi Ben M'hidi qui a été l'architecte de ce congrès qui a changé le cours de l'histoire de la Révolution algérienne avec la participation des anciens membres du Mouvement national. On avait procédé à l'évidence au découpage des étapes de la révolution, pour cela Larbi Ben-M'hidi avait besoin d'Abane Ramdane, l'un des piliers de ce congrès.
Que peut-on retenir de ce congrès'
Installation du Conseil national de la révolution. Il comprenait 34 membres, dont 17 officiels, un commandement général. Ce qui a donné la force à ce congrès, ce sont les milliers de jeunes et le peuple qui a adhéré pleinement à la révolution à travers tout le territoire national. C'est ce que je sais à propos de cette date qui a été très importante dans la suite. Je voudrais ajouter un des évènements des plus douloureux qu'à vécu ma région et personne n'en parle et dont je suis le témoin vivant. Après le congrès de la Soummam et plus exactement le 8 décembre 1956, l'armée française a commis un massacre, assassinant et blessant 90 personnes dont des femmes et des enfants au douar Ouled Boufaha, Mechta Beni Ouejhane, c'était un jour de fête de l'Aïd El Fitr. On a enterré les victimes par dix dans des tombes collectives. L'un des témoins est encore vivant, il s'appelle Hocine Boudjdra. S'il vous plaît, il faut noter ça.


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