Un roman qui sort des chemins battus Après Les mots du jeudi, tomes I et II, Bassamet, Maâmar Farah, journaliste-écrivain vient de publier Les sirènes de cap Rosa, un roman dont le décor et les personnages font partie de cette Algérie profonde qui s’exprime avec simplicité, qui croit en ce pays, en ses valeurs ancestrales, et qui, malgré les détournements, les perversions et les confiscations a su garder sa dignité, son honnêteté, sa bonté innée et cet espoir que seuls les gens humbles savent entretenir et léguer.
Ce roman, qui vous plonge en plein milieu des années 1970 sur fond de révolution agraire, de volontariat et de socialisme pour vous faire voyager jusqu’en 1985 et vous faire découvrir à petites doses le désenchantement en faisant évoluer des personnages pittoresques avec des incursions dans des mondes différents, est le premier du genre. C’est une étude sociologique déguisée et portée par des êtres d’horizons divers que le hasard ou le “destin” — comme l’auteur se plaît à le dire — a fait se rencontrer.
L’idéaliste avec ses convictions fermes qui croit aux vertus du partage, à l’amitié au vieux sens du mot, à la justice sociale et à un monde meilleur, le petit épicier du coin qui ne pense qu’à ses comptes, le pêcheur qui mord la vie à pleines dents et qui vit au jour le jour, la famille qui est restée au douar en pleine montagne et qui vit encore au siècle dernier, le petit enseignant pragmatique et affairiste sur les bords et que l’ambition a dévoré pour le catapulter à un poste important avant de perdre tragiquement la vie et puis l’incursion d’un amour fou, pur et passionné qui met à nu une réalité longtemps occultée, une réalité amère qui étale toute la laideur d’une partie de la société qui s’est convertie, travestie et pervertie, qui a perdu ses repères et qui s’est perdue.
Ce roman est une vivisection opérée sur une décennie qu’on avait placée sous des slogans pompeux qui ont “eu” certains, comme le héros de cette histoire qui a tout perdu, et qui, au fil du temps et des “détournements” de l’histoire contemporaine ont apparu sous leur véritable visage, c’est-à-dire une imposture, une hypocrisie qui fait que de nos jours, tout le monde est blasé. Sur le plan littéraire, de par les descriptions, le style et les personnages cette œuvre rappelle un peu Madame Bovary de Flaubert, tout y est, mais à l’algérienne dans un existentialisme typiquement local et un essentialisme qui a fait des ravages.
Le désenchantement patiemment construit dans ce livre se vit aujourd’hui pleinement, et tous s’en rendent compte mais tous essayent de l’oublier parce que pris dans ce tourbillon de la vie moderne qui écrase tout sur son passage et qui ne laisse pas un seul petit instant à la réflexion. Ce roman écrit en 1985 devait initialement être un scénario pour un téléfilm mais, refusé par la commission de lecture, il a été repris en 2004 au grand bonheur des lecteurs. Un roman à lire. Absolument.
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Posté Le : 22/11/2005
Posté par : nassima-v
Ecrit par : M. Rahmani
Source : www.lesoirdalgerie.com