Algérie

Les sept marches de l'arc-en-ciel de Yacine Chéraga


«J'ai vécu ce que j'avais à vivre et aimé du mieux que j'ai pu. Si je n'ai pas eu de chance ou si je l'ai ratée d'un cheveu, si j'ai fauté quelque part sans faire exprès, si j'ai perdu toutes mes batailles, mes défaites ont du mérite - elles sont la preuve que je me suis battu.»,sont les propos pleins de résignation, doublé de sagesse du personnage principal du nouveau roman de Yasmina Khadra qui n'a de cesse de nous surprendre par la qualité et la saveur de ses derniers romans tant le «voyage au bout de soi-même» qui se veut, souvent, au coeur de la trame, comme une quête irréversible, se confirme de plus en plus à travers ses récits. «Les vertueux» est le titre de son dernier-né, sorti aux Editions Casbah. D'ailleurs, l'intellectuel, le sage, mais aussi le philosophe qu'est Yasmina Khadra sera aujourdui présent à la Bibliothèque nationale d'El Hamma pour aller à la rencontre de son public à partir de 15h où il parlera sans aucun doute de ce nouvel ouvrage. Dans «Les vertueux», tout commence quand le caïd Brahim décide d'envoyer un jeune d'un douar perdu à la place de son fils, malade du coeur pour faire la guerre aux Allemands, à sa place. Yacine Cheraga est enrôlé sous les drapeaux de la France contre son gré, pensant sauver sa famille..Il deviendra Hamza Bensaïd. Devenu caporal médaillé, de retour au pays après la guerre, grande fut sa déception quand il découvre que le caï veut, désormais, sa mort et que sa famille a été chassée de ses terres...D'amour et de guerre
Depuis, Hamza errant d'une ville à une autre, ne cesse de collectionner les mésaventures, tout en essayant désespérément de retrouver les traces de ses parents, sa mère, un père manchot, ses deux frères et soeurs...Sur sa route il fera la connaissance de pas mal de personnes, à qui il ne refusera jamais rien. Hamza est de ces coeurs nobles, innocent, mais naïf. Il ne sait pas dire «non». Il est ainsi prêt à secourir une femme des griffes d'un homme dans la rue, même si celle-là le manipule....Hamza est disposé à ne faire que du bien autour de lui, à prendre ses camarades blessés sur les épaules pour ne pas les laisser pourrir dans
les tranchées. Hamza refuse de faire du mal, encore moins de dire des mots vulgaires, ni d'être agressif. Mais la vie va lui apprendre à l'être tout doucement...À chaque fois qu'il pensera trouver enfin la paix Hamza, ou plutôt Yacine, se découvre de nouvelles portes vers l'enfer. Comme lui aura prédit cette voyante, il vivra d'incroyables aventures où il connaîtra le feu et le sang.
Traqué, malmené par le sort, il n'aura, pour faire face à l'adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité. L'amour, l'amitié seront à chaque fois au rendez-vous. mais pas pour longtemps. Souvent détournés et balayés par un revers de la main.Yacine poursuivra pourtant son chemin, en faisant fi de son funeste destin. À Oran, Yacine se met à travailler chez Lala qui finira par exploiter sa gentillesse à ses profits et l'envoyer frapper son cousin, un riche notable de la ville qui portera plainte contre lui. C'est ainsi que Yacine va errer d'une région à une autre où il retrouvera ses anciens amis ou camarades d'infortune avec lesquels il vivra les pires moments durant la guerre...
Une écriture lyrique
Le livre de Yasmina Khadra commence, en effet, en Algérie 1914. Yacine Chéraga n'avait jamais quitté son douar lorsqu'il est envoyé en France se battre contre les «Boches». «Les vertueux» se terminera des années plus tard, après que Yacine ait traversé monts et vents, pourchassé ses déments les plus profonds pour finir par accéder enfin à la «septième marche de l'arc-en-ciel» tel qu'il est mentionné dans «le manuscrit des anciens». «Les vertueux» est une sorte de road-movie qui entrainera Yacine à travers l'ouest du pays, notamment Oran, Sidi Bel Abbès, Béechar et Kenadsa dont l'auteur ne tarira pas d'éloges dans ce roman.Un endroit que l'auteur connaît très bien puisqu'il en est originaire...Quand le malheur est à son apogée, Yacine fini par rencontrer à nouveau l'amour en la personne de Meriem et eut avec elle un enfant. Mais son passé le rattrape et il est mis en prison où il écopera d'une douzaine d'années. Finira-t-il par retrouver ses parents et revoir les beaux yeux de Meriem' Pour le savoir, il vous faudra vous armer de patience et lire ce livre de 540 pages. Un exercice facile tant le style de Yasmina Khadra est une eau limpide dans laquelle on se noierait les yeux fermés.
Son écriture imagée finit comme d'habitude par nous immerger dans le cadre même de l'histoire où l'émotion est toujours palpable.. Roman choral, Yacine sera comme cette étoile autour de laquelle brille toute une constellation d'hommes où chacun devra faire montre de son humanité et de confronter leur conscience. Derrière cette triste histoire, il y est aussi question de présenter la grande histoire à travers l'invocation de ses épopées et ses héros. Ou comment devient-on parfois un exemple et un héros malgré les apparences.... Incontestablement, «Les Vertueux» est un roman majeur, la plus impressionnante des oeuvres de Yasmina Khadra.