Algérie

Les semis de la haine


Les faits communément appelés divers semblent s'installer dans la durée et prendre des proportions de plus en plus alarmantes. En fait, il s'agit bel et bien d'événements vécus douloureusement par des personnes de tout âge dans ce pays, qui est le nôtre. La transition que nous vivons depuis plusieurs décennies, ne semble pas aller dans le sens des espoirs nourris, par celles et ceux qui ont longtemps cru en l'avenir radieux d'une société qui a su vaincre le dénuement social, la déshérence identitaire et la perdition culturelle dus au fait colonial. Le prix chèrement payé pour l'accès à l'universalité et au progrès n'est pas en rapport avec les désespérants résultats obtenus jusqu'ici. L'Etat national a certes consenti des ressources financières colossales et des efforts humains considérables dans tous les secteurs d'activité, mais peut-on affirmer avec certitude que l'homme nouveau est là ? Il y a tout lieu de croire que non, ou du moins avancer qu'il reste beaucoup à faire. Un véritable plan national de gestion de la ressource humaine doit être pensé et mis en oeuvre au plus vite, la mondialisation ne fera de cadeau à aucune société humaine incapable de changer, pour se hisser aux niveaux des standards requis. Les incidents qui vont être narrés n'ont aucune relation spatiale ou temporelle, mais sont le fait d'un comportement agressif pour le moins surprenant, émanant de personnes supposées être policées, de par leur mission d'éducation pédagogique. Il s'agit de la correction dans son expression la plus primaire, les voies de fait. Le premier événement s'est passé à Batna dans une école de l'enseignement préscolaire, le second s'est déroulé dans un collège des hauteurs d'Alger et le troisième à Aïn Bénian dans un collège. Les deux derniers incidents ont tous deux été rapportés par la presse nationale. Le petit Hichem, âgé de cinq ans, est dans une classe du préscolaire, rien ne présageait qu'il ferait l'objet de « falaka » et de persécution de la part de sa maîtresse. Cette honorable enseignante, pourtant aguerrie pour être à la veille de son départ à la retraite, fait des pauses de relaxation sur le canapé destiné au repos des chérubins, en confiant la classe à sa fille âgée d'une douzaine d'années. La garde se fait sous la menace d'une baguette. Le petit Hichem est corrigé sur les mains par la fille, ensuite c'est carrément l'enseignante qui lui demande de se déchausser. Ne réussissant pas à dénouer les lacets, les chaussures sont « arrachées » par l'éducatrice. La correction est pratiquée sur la plante des pieds comme au bon vieux temps des talebs coraniques, c'est douloureux et ça ne laisse pas de traces. Imaginons la détresse de l'enfant, pris à partie par deux personnes, humilié devant ses camarades et renvoyé à sa place ses chaussures à la main. L'ignominie ne s'arrêtera pas là, la maman outrée qui se présentait plus tard chez la tortionnaire, se fit éconduire sans ménagement avec la bénédiction du chef d'établissement, qui n'aurait aucune disposition à discuter avec « une femme ». Il réclame la présence du père, pas moins ! Se ravisant plus tard, il transfert l'enfant dans une autre classe pour clore l'affaire. Malheureusement, le petit Hichem n'était pas au bout de ses peines pour autant, poursuivi par son ancienne maîtresse jusqu'à sa nouvelle classe à plusieurs reprises, il est traité de menteur devant ses nouveaux camarades qui reprennent en choeur : « Menteur... menteur... ». Traumatisé psychologiquement à jamais, le petit Hichem n'aime plus son école. La surveillante du collège de Aïn Bénian, si elle n'a pas incarné l'abject rôle du tortionnaire, elle a par contre été victime de sa directrice qui n'a pas trouvé mieux pour résoudre un quelconque problème de communication, que de la gifler en présence de ses propres confrères qui se solidarisèrent par un arrêt de cours, suivis par leurs élèves. Le cas du vénérable vieillard, objet d'un retentissant soufflet, est plus troublant de par la non-appartenance de l'intéressé à l'établissement scolaire où eut lieu l'incident. Il s'agit d'un célèbre professeur de médecine et ancien officier de l'Armée de Libération Nationale. Il aurait été châtié pour avoir obstrué par mégarde, la voie d'entrée du collège, où le professeur avait été invité à s'y rendre. L'état de santé de son petit fils nécessitait la présence d'un parent et c'est pour cette seule raison qu'il était là. Ces trois cas, sans communauté de causalité, sont tous les trois victimes de voies de fait infligés par des dames. Il y a mille et une raisons que l'on peut avancer pour justifier le geste malheureux, mais aucune n'est valable. Il est vrai que les pressions psychologiques subies quotidiennement sont souvent à l'origine de débordements regrettables, mais elles ne peuvent constituer à elles seules l'argumentaire de déculpabilisation. Dans le contexte des trois cas énumérés, ce sont des dames qui ont infligé la correction; est-ce à dire que l'agressivité reconnue à la nature de la gent masculine est en train de changer de camp ? Ou bien s'agit-il d'un mimétisme strictement féminin pour donner l'illusion que la femme peut être l'égale de son collègue en matière de maîtrise ? Le port vestimentaire est souvent évocateur de cette tendance : cheveux coupés courts, veston et pantalon caractérisent ce genre de dirigeante. La règle n'est pas générale, on peut se tromper de jugement. Les psychologues des sciences de l'Education ont, en toute apparence, du pain sur la planche. Tout individu est éligible à un incident ou même à un drame au courant de sa vie et quel qu'en soit la nature. Il peut même lui trouver une explication logique ou l'inscrire dans le registre de l'oubli. Il y a cependant des faits que la mémoire ne peut effacer en dépit de toutes les tentatives de réparation du préjudice physique ou moral subi. La tragique épreuve de la jeune fille de Béni Messous violée par dix individus dans l'âge de raison, interpelle toute la communauté nationale à l'effet de réprimer sévèrement cette quête d'assouvissement d'instincts bestiaux. Le meurtre du petit Oussama de Sidi Aïssa, dont le corps fut livré aux chiens errants après avoir été assassiné, n'a aucune justification humainement recevable, il est sans nul doute la résultante d'une déviance psychopathique. Un tel terreau ne peut être que le germoir des semis de la haine. La déchéance morale est bien là. Elle ne peut avoir pour origine qu'une délinquance sociétale alimentée par la déliquescence des repères culturels, cultuels et éducationnels. L'école, ce haut lieu du savoir, est devenue le point de ralliement de toutes les tares comportementales. La force physique d'essence primitive est érigée en argument, la vindicte a supplanté les propos discursifs. Le diktat et l'arbitraire sont les deux mamelles de toute fonction oligarchique et sans recours. Pleurons, pleurons encore, toutes les larmes de notre corps ne suffiront pas à laver l'affront fait à notre personne par notre propre personne. Nous avons enfreint toutes les règles de bienséance et de savoir-vivre. Nous qualifions toute méthodologie d'astreignante, toute organisation de protocolaire et toutes bonnes moeurs de snob ou de chichi. Voilà où nous en sommes professeur ! Si votre dépit est incommensurable, le nôtre est insondable ! La régression est telle que nous donnons par notre rustre incivisme, mille fois raison aux tenants de l'Algérie coloniale. Les nostalgiques jubilent à l'évocation de madame Gutierrez ou de monsieur Marcel l'instituteur d'antan. Internautes, ils sont à la recherche d'anciens documents photographiques ternis par le temps. Ces vieilles photos de classe constitueront l'alibi, pour pousser de profonds soupirs de regret devant leur progéniture, décontenancée et désemparée et à qui on semble lui faire le reproche de ne pas avoir su l'éduquer. La dissolution du tissu social par l'occidentalisation très mal comprise ne nous a pas fait acquérir pour autant la vénération due aux hommes de sciences et nous a fait perdre en même temps les règles morales ancestrales, dont celle du respect du plus jeune au plus vieux, de l'illettré à l'érudit. Ces règles de conduite ne pouvaient souffrir d'aucune transgression. Dans le cas contraire, l'opprobre est unanime et le ou les auteurs, sont mis au ban de la société. L'ambivalence ne peut mener qu'à l'hybridisme, caractéristique naturelle connue pour ne pas être racée.
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