Algérie

Les sans-abri sans nom



Toute une humanité peuple la rue algérienne. Pour la livrer à la vue ? autant dire à l'?il nu ? il n'y a que la nuit des entrées d'immeubles et d'autres espaces un peu moins exposés que le reste des étendues de la ville. Ce n'est d'ailleurs pas sûr qu'il y ait des endroits plus «protecteurs» que d'autres pour ces femmes, ces hommes et parfois des enfants. Souvent, ce ne sont que des illusions rassurantes pour des têtes qui, au point où elles sont, n'ont plus rien à exiger. Ils n'ont plus que le ciel au-dessus de la tête, alors ils accrochent d'ultimes fantômes qui leur évitent le pire. Encore une illusion, le pire est déjà là, il n'y a même plus de portes cochères, il n'y a plus de bouches d'évacuation qui donnent un peu de chaleur au cauchemar de leur sommeil. Et demain, il ne fera pas jour. Ils sont vraiment sur le carreau, les gens qui peuplent cette humanité à même l'asphalte. Il n'y a qu'eux qui ne trompent pas. Ils n'ont pas d'amour pour les étoiles et la belle étoile mais seulement la quête des choses essentielles. Allez croire aux balivernes qui ont toujours trouvé preneurs. Les mensonges sur leur cupidité collective, une monstruosité pour chaque parcours individuel, une mauvaise foi pour chaque évocation et une mauvaise conscience pour toute explication. Spoliés de leurs droits, on leur sert de la pitié... pitoyable. Orphelins de tendresse, ils inspirent des pleurs de caïman. Privés de la solidarité quotidienne, on les maintient dans l'aumône permanente. Ailleurs, on les appelle les SDF. Les sans domicile... fixe, comme s'ils en avaient plusieurs, d'où leur difficulté à se sédentariser ! Ici, il faut toujours qu'on invente un nom qui cache la douleur qu'on est incapable de soigner. Voiler pour ne plus voir et pour ne plus en parler ' Ce n'est pas sûr, quelque part, il y en a peut-être qui veulent y revenir de temps en temps... à l'occasion. On n'est pas assez vu, on se place à côté d'un malheureux, souvent loin de son malheur. On peut même se faire un... selfie, maintenant que la technologie peut rapprocher tout et tout le monde. Hier à la télé, on a encore donné à manger un plat chaud quelque part en ville. On a même entendu une bonne dame de la solidarité sommer un « sans-abri » de... rejoindre un abri. Et une autre femme, de l'autre côté de la barrière, remercier tout ce beau monde qui «s'est très bien occupé d'elle». Vous vous rendez compte ' On n'est même pas encore en novembre et il fait encore chaud.S. L.


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