La loi punissant la contestation du génocide arménien a été censurée, mardi,
par le Conseil Constitutionnel français qui a estimé qu'elle était contraire au
principe de la liberté d'expression.
C'était une loi électoraliste défendue par Nicolas Sarkozy - et approuvée
par son concurrent immédiat à la présidentielle François Hollande - qui a mené
à une grande tension avec la
Turquie. Le souci de flatter un électorat franco-arménien
important et très structuré l'avait emporté sur les avertissements des juristes
d'une part et des réticences, publiquement exprimées, du chef de la diplomatie
française, Alain Juppé. La loi en question punissait la négation d'un génocide
d'un an d'emprisonnement, d'une amende de 45.000 euros ou des deux à la fois. La
sentence du Conseil Constitutionnel vient tacler
lourdement la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy qui n'hésitait pas à
aller sur le terrain mouvant et toujours contestable des lois mémorielles. Selon
le Conseil Constitutionnel français, le législateur peut incriminer les abus de
l'exercice de la liberté d'expression quand ils portent atteinte à l'ordre
public et aux droits des tiers mais les limitations à cette liberté «doivent
être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi».
Ce qui n'est pas le cas de la loi réprimant la contestation du génocide
arménien. Et le fait que l'Etat français ait reconnu ce génocide ne lui octroie
pas le droit de limiter la liberté d'expression sur le sujet.
ATTEINTE INCONSTITUTIONNELLE A LA LIBERTE
D'EXPRESSION
Une «disposition législative ayant pour objet de reconnaître un crime de
génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui
s'attache à la loi», indique le Conseil Constitutionnel. «En réprimant la
contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il
aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une
atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de
communication.» C'est un désaveu clair. Le président français en «a pris acte»
non sans se rappeler au bon souvenir du lobby arménien en évoquant «l'immense
déception et la profonde tristesse de tous ceux qui avaient accueilli avec
reconnaissance et espoir l'adoption de cette loi destinée à les protéger contre
le négationnisme», indique un communiqué de la présidence.
Nicolas Sarkozy a demandé au gouvernement de préparer un nouveau texte
qui, de toute façon, ne pourra pas être examiné et présenté avec l'élection
présidentielle.
Le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, a
promis, s'il était élu de reprendre ce dossier dans «l'apaisement et dans la
conciliation» et en même temps, dans la volonté d'aboutir». La France ayant déjà reconnu
le génocide arménien, une nouvelle loi serait superflue sauf si elle tentait
d'imposer, d'une manière ou d'une autre, une lecture officielle ou unique de
l'histoire. Et cela buttera, une fois de plus, sur le droit à la liberté
d'expression. Certains spécialistes estiment qu'en dépit des discours électoralistes
de Sarkozy comme de Hollande, le Conseil Constitutionnel vient de sortir un
carton rouge devant la tendance à légiférer sur l'histoire. Comme ce fut le cas,
par exemple, de la loi de 2003 évoquant les «bienfaits du colonialisme».
ANKARA CONSEILLE A SARKOZY DE NE PAS «FORCER»
La Turquie qui a accueilli avec satisfaction la censure du Conseil Constitutionnel
conseille à Nicolas Sarkozy de ne pas sur-jouer en
présentant un nouveau projet de loi en ce sens. «Sarkozy a déjà bien trop forcé
sa chance. S'il la force encore, cette fois cela passera comme une déclaration
de guerre à la culture française, au droit français et à l'Etat de droit
français», a estimé le chef de la diplomatie turc Ahmet Davutoglu . «Auparavant, il
a déclaré la guerre à la liberté d'opinion et à l'histoire. Maintenant, il aura
déclaré une guerre ouverte avec le Conseil Constitutionnel», a indiqué le
ministre.
«Nous espérons que ceux qui veulent se servir de l'Histoire pour faire de
la politique, tireront une leçon de ce verdict», a-t-il ajouté. Pour Ankara, la
décision des sages français évite une crise grave dans les relations entre les
deux pays. Nathalie Goulet vice-présidente du groupe France-Turquie
s'est félicitée de la censure du Conseil Constitutionnel. «Ce texte purement
électoraliste est évacué de notre arsenal législatif, le Conseil a reconnu les
arguments développés par les parlementaires opposés à ce texte qui ont signé le
recours et obtenu cette censure. C'est une défaite du président de la
République qui n'a pas voulu suivre les avis des plus grands spécialistes du
droit et a souhaité instrumentaliser le Parlement».
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Posté Le : 01/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com