«Les risques de la récupération»

- Que pensez-vous de cette nouvelle génération de jeunes militants qui se structure et tente de se réapproprier l'espace public '
L'émergence de ces nouveaux militants est un fait normal, dans une société où il n'y a pas de voie légale pour s'exprimer.
Les interdits, le manque de liberté et toute la contestation ambiante poussent ces jeunes à  l'action. C'est d'ailleurs une réponse à  l'attente de tout un peuple qui aspire au changement. Ils sont en phase de réflexion et de structuration et c'est déjà magnifique, justement parce qu'ils arrivent pour aplanir une très forte déception collective survenue à  travers les mouvements islamistes de la dernière décennie.   - Facebook, Flashmob, Flyers… Ces jeunes arrivent avec des méthodes novatrices de mobilisation, est-ce un point fort pour donner plus d'ampleur à  leur mouvement '
L'influence des médias est pour beaucoup dans leur initiative. Les Algériens sont attirés par ce qui se fait ailleurs. Ils s'en inspirent. Et justement, ils adoptent des moyens novateurs qui leur permettent de tabler sur la communication à  travers des canaux qui échappent au contrôle du pouvoir.
C'est un point fort, mais il reste qu'il est difficile de trouver un public réceptif à  ses moyens. L'université, par exemple, reste fermée à  ce genre d'initiative parce qu'un travail voulu a été fait pour dépolitiser ses débats.     - Pensez-vous que ce mouvement peut prendre de l'ampleur et devenir réellement fédérateur de toute la contestation actuelle '
Il y a beaucoup d'attente autour de ce besoin de changement.
Les initiatives spontanées de ces jeunes sont salvatrices d'un certain point de vue, mais je pense qu'ils n'ont pas les moyens de réaliser toutes les idées et projets qu'ils expriment actuellement. Il est, à  mon sens, inéluctable qu'ils seront, à  un moment donné, récupérés par des organisations qui, elles, ont les moyens d'agir. C'est un risque majeur. Cette récupération aura pour but d'étouffer le mouvement ou de lui donner d'autres orientations.