Algérie

Les retraités, ces laissés-pour-compte ILS VIVENT UN ENFER AU QUOTIDIEN



Les retraités, ces laissés-pour-compte                                    ILS VIVENT UN ENFER AU QUOTIDIEN
Dès les premières heures de la matinée, ils se retrouvent sur les bancs des rares jardins publics du pays
Plus que le manque de confort, c'est l'ennui qui transforme la vie des personnes du troisième âge en pur cauchemar.
Ils constituent une des franges les plus sensibles de la société et pourtant, ils sont oubliés par tous. Le quotidien des retraités est un véritable enfer. Aux difficultés financières s'ajoute le problème de l'isolement et du manque de loisirs. Pour voir de plus près la précarité dans laquelle sont plongés nos aînés, nous avons passé une journée avec un groupe de retraités. Il est 10h du matin, la chaleur est suffocante, c'est une véritable fournaise.
Des pensions insignifiantes
Mais cela n'empêche pas Aâmi Messaoud et ses amis de prendre place dans leur «repaire» habituel qui n'est autre que la place publique de leur commune, Rouiba. «On préfère affronter la chaleur plutôt que l'ennui et les problèmes qu'on a laissés à la maison», assure ce dernier. Cette phrase lourde de sens témoigne du dur quotidien auquel sont confrontés ces retraités. «Nos petites pensions ne nous permettent pas de vivre dignement. Ajoutez à cela, la lassitude due au manque de loisirs et que notre quotidien est une perpétuelle lutte pour la survie avant que notre heure ne vienne», témoigne-t-il. «On souhaite que notre heure arrive le plus tôt possible pour atténuer nos souffrances et celles de nos proches», ajoute-t-il d'un air mélancolique. Ce groupe n'est pas un cas isolé mais est général, à travers tout le territoire national. Dès les premières heures de la matinée, ils se retrouvent sur les bancs des rares jardins publics du pays.
Ils sont à la recherche d'une oreille attentive ou d'une brise d'air en ces moments de canicule. Bien qu 'ils soient éveillés tôt, ce n'est qu'à cette heure de la mi-matinée qu'ils désertent leurs logis, souvent étroits, qu'ils partagent avec une famille nombreuse pour la plupart, pour laisser place aux ménagères occupées à terminer leur corvée domestique à l'aise. Epaule contre épaule, ils tiennent souvent une canne entre les jambes pour y reposer leur frêle corps durant de longues heures d 'inaction languissante.
S 'écoutant causer les uns les autres, le regard voguant sans cesse de droite à gauche comme le balancier d'une horloge, observant le mouvement de la foule, le va-et-vient des voitures ou parfois encore fixant le ballet incessant des pigeons picorant, çà et là, une maigre pitance que se disputent d 'autres oiseaux vivant dans l'insouciance du monde. Les causeries vont bon train. Certains s'adonnent aux jeux de société tels que celui des dames où des dominos, alors que d'autres restent immobiles pendant des heures à méditer sur le temps qui passe.
Une nouvelle «vie» après la...retraite
Mais le sujet qui les rassemble tous n'est autre que l'augmentation de leurs misérables retraites qui ne suffisent même pas pour les dépenses de la semaine. «Nos pensions de retraite sont des plus misérables, c'est une humiliation pour nous qui avons travaillé toute notre vie», lance Aâmi Moh, ex-intendant dans un lycée de la capitale. «Je touche 18.000 dinars pour 40 ans de service. Vous trouvez ça normal dans un pays aussi riche que l'Algérie'», nous demande-t-il. «Néanmoins, je m'estime heureux par rapport à d'autres retraités», souligne-t-il. Pour illustrer concrètement le désarroi dans lequel vit bon nombre de cette population, citons le cas d'autres retraités. Un de ses amis qui a travaillé «8 ans durant» touche «une allocation, et non une pension» comme il le précise si justement, s'élevant à peine à «3550 DA / mois». Un autre de ses amis ne perçoit mensuellement que la «misérable somme» de «1200 DA après le décès de son épouse». Auparavant il percevait la modique somme de «2600 DA dont ont été retranchés 1400 DA au lendemain de son veuvage». Un autre retraité résidant à Bouzaréah et père de 6 enfants révèle qu'il ne perçoit que 6 000 dinars par mois.
Il y a des cas pires que celui de Hadj Menouar qui a travaillé toute sa vie mais qui ne bénéficie ni de retraite ni de couverture sociale, car son patron avait «omis» de le déclarer. Après des années de travail à la tâche, il se retrouve sans rien pour survivre à cause d'un patron «négligent». Il doit maintenant sa survie à une petite allocation versée par l'Etat, mais également à la sueur de son front car à 70 ans, Hadj Menouar a dû retrousser les manches pour entamer une nouvelle carrière professionnelle. «À mon âge et avec toutes mes maladies, je suis obligé de reprendre le chemin du travail au lieu de profiter paisiblement de ma retraite», relate-t-il, les larmes aux yeux.
Comme El Hadj Menouar, ils sont de plus en plus nombreux à recommencer une nouvelle carrière professionnelle à la...retraite. Malheureusement, c'est devenu une «tendance». On rencontre de plus en plus de retraités actifs pour boucler leurs fins de mois. Pour eux, le compte n'y est pas. Les retraités sont de plus en plus nombreux à retourner au boulot. Pour mettre du beurre dans les épinards ou tout simplement pour boucler les fins de mois. Ahmed a connu des temps meilleurs. «J'avais une entreprise dans le bâtiment qui a compté jusqu'à 10 salariés». Mauvaises affaires, ennuis de santé, il s'est retrouvé sur la berge. Surtout, comme il l'avoue, qu'il ne déclarait pas tous ses revenus. «Aujourd'hui, à la retraite, je touche 18.000 dinars par mois. Comment voulez-vous vivre avec ça' Je ne travaille pas pour le plaisir.» Ahmed propose ses services dans le bâtiment et quelques bricolages, des domaines qu'il connaît bien. «Mais même avec l'âge on n'est plus aussi performant et habile qu'avant», atteste-t-il. «La concurrence est rude et les gens sont plus réticents à confier leurs travaux à des gens de mon âge, alors même comme ça, ça ne va pas très fort», avoue ce sexagénaire qui casse les prix pour pouvoir se faire une place sur le marché du travail. Il y a par contre d'autres retraités qui, malgré le fait qu'ils soient à l'aise, continuent de travailler après la retraite. C'est le cas de Nacer et Warda. Ils ont eu une retraite confortable, mais ils continuent de travailler, «pour bouger».
Hassen, lui, n'imagine pas une seconde ne plus avoir d'activité. Dès qu'il est arrivé à l'âge de la retraite, il l'a prise sans hésiter. Cependant, étant un drogué du travail, il avait des tas de projets! Auparavant, cadre dans une grande entreprise financière, il est aujourd'hui consultant dans d'autres entreprises. «Il y a parfois des coups de bourre, et des temps de liberté. Mais surtout, cela arrondit très bien mes fins de mois.»
Toutefois, Nacer, Warda et Hassen sont des cas isolés. La plupart des personnes qui travaillent après la retraite le font surtout par nécessité. Généralement, c'est pour compenser une baisse des revenus ou pour augmenter le montant d'une retraite bien maigre. On prend l'exemple des commerçants qui n'ont pas forcément cotisé, des mères au foyer qui ont peu ou pas travaillé.
La situation des femmes est encore plus inquiétante!
Les femmes sont les plus touchées par le drame des retraites. Pire que les hommes, elles ne peuvent pas passer leurs journées dehors pour espérer se distraire. Malgré leur âge avancé, elles continuent de faire des tâches ménagères des plus pénibles. Faire les marchés est pour elles la seule distraction! Certaines ont travaillé et bénéficient de petites retraites, mais celles qui n'ont jamais travaillé, mis à part à la maison n'ont donc aucun revenu pour vivre. Leur situation est des plus précaires. L'ennui est un quotidien difficile à gérer, emprisonnées entre quatre murs. Alors pour passer le temps, malgré la fatigue, la maladie et la vieillesse, elles aiment s'occuper de la maison et s'occuper de leurs petits-enfants. «Cela nous permet de laisser le temps passer», certifie Nana Zerdjiga. Voilà donc le dur quotidien d'une frange de la population marginalisée et pressée comme une éponge, tout au long d'une vie et que l'on rejette ou que l'on remise au placard après usage...et que l'on oublie bien vite! Est-ce une société normale, celle qui ne donne pas à ses seniors les moyens de vivre décemment leur retraite' Finalement, en Algérie, ni les jeunes ni les vieux ne sont épargnés par la malvie! Dramatique pour un pays qui dort sur 200 milliards de dollars de réserves de change et dispose de 173,6 tonnes de réserves d'or (4,4% des réserves mondiales)...


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