Algérie

Les résilientes. La femme algérienne dans le roman national de Chems Eddine Chitour Héroïnes ordinaires avec des destins extraordinaires


Publié le 03.06.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MERIEM GUEMACHE

Les Résilientes, dernière publication de Chems Eddine Chitour, rend hommage aux femmes en général et aux Algériennes en particulier. Des femmes d’ici et d’ailleurs. Des femmes résilientes qui ont gravé leur nom dans l’histoire : combattantes, artistes, chercheuses, écrivaines, politiciennes, sportives... Le livre de Chems Eddine Chitour est préfacé par Boudjemaâ Haichour (ancien ministre) et Taïeb Hafsi (professeur émérite HEC Montréal).
L’avant-propos nous donne un avant-goût du contenu de cet ouvrage de 503 pages, paru aux éditions Dalimen : «L’idée pour moi de témoigner est avant tout de tenter de payer dans une certaine mesure une dette que nous avons envers la femme déclinée comme mère, épouse, fille, moitié du genre humain mais qui souffre d’une tutelle originelle, due à une méconnaissance des textes religieux, notamment des religions révélées interprétées dans le sens de la prééminence de l’homme... Je veux saisir cette opportunité pour rendre hommage à ces ‘‘Géantes’’, à ces héroïnes ordinaires avec des destins extraordinaires...»
Le patriarcat a asservi les femmes depuis la nuit des temps. A l’époque victorienne, «les femmes étaient considérées comme des êtres délicats, fragiles et ignorants». Quant à l’infanticide des filles, il était très courant dans la société préislamique. «Avec l’avènement de l’islam, le prophète a mis fin à cette pratique barbare en vigueur dans les civilisations patriarcales.»
Au chapitre trois, l’auteur s’intéresse au pouvoir des femmes illustres. Il évoque Khadidja, l’épouse du prophète de l’islam : «C’était une figure respectée, riche et puissante qui a rejeté de nombreuses demandes en mariage de la part de nobles éminents, jusqu’à ce qu’elle rencontre l’homme qui allait devenir son mari. Fait inhabituel pour l’époque, par exemple, elle a refusé d’épouser son cousin. Elle avait alors 40 ans, tandis que son futur mari était un homme de 25 ans aux origines modestes.»
Les destins de femmes au caractère bien trempé sont cités par l’ancien ministre à l’exemple de Margaret Thatcher, alias «la Dame de fer», Angela Merkel, la reine Elizabeth II, la reine soudanaise Amanirenas, Aïcha al-Horra, la princesse de Zanzibar... On se promène de siècle en siècle et de continent en continent découvrant des femmes à poigne au fil des pages.
Connaissez-vous Enheduanna ? C’est une princesse sumérienne qui est considérée comme la première autrice de la littérature universelle. «Avec ses textes écrits cinq siècles avant l’épopée de ‘‘Gilgamesh’’, la princesse sumérienne Enheduanna apparaît comme la première auteure connue dans la littérature mondiale (...) Des copies de ses œuvres reproduites à partir de 37 tablettes, dont la plupart remontent des centaines d’années après sa mort, avaient été découvertes à Ur et à Nippur (actuel Irak).» L’auteur nous apprend que l’un des cratères présents sur la surface de Mercure porte le nom de cette poétesse.
Artistes, scientifiques, politiciennes, écrivaines, sportives, les femmes s’illustrent dans tous les domaines. A propos d’Oum Kaltoum, l’auteur écrit ; «Oum Kaltoum débute son épopée musicale habillée en garçon, c’est-à-dire vêtue en bédouin, avec une gellabia, longue tunique traditionnelle, et un keffieh...», une tenue imposée par son père.
Tin Hinan, Sophonisbe, Lalla Robba, La Kahina, Fatma Tazoughert (la rouquine), Euljia el Hanachia, Lalla Khedidja, Cyria, Lalla Fatma N’Soumer, Fadhma Aït Mansour ont toutes droit au chapitre. «L’Algérie renferme en elle des battantes du fait de son histoire tumultueuse. Ces héroïnes sont consubstantielles de l’algérianité et forment la trame du récit national de cette Algérie depuis 25 siècles», écrit Chems Eddine Chitour.
Les icônes du maquis et de la révolution algérienne ne sont pas oubliées : Zoulikha Oudaï, Hassiba Ben Bouali, Malika Gaïd, Meriem Bouatoura, Fadila Saâdane, Djamila Boupacha, Djamila Bouhired, Raymonde Peschard, Louisette Ighilahriz, Annie Steiner...
Femmes écrivaines, femmes sportives, femmes dans le système judicaire, femmes scientifiques... l’ancien ministre rend hommage à toutes les héroïnes qui font la fierté de notre pays. A la fin de l’ouvrage, Chems Eddine Chitour partage avec ses lecteurs quelques souvenirs de sa défunte mère. «Ma mère n’avait pas fait d’études, mais elle était plus érudite que nous, son bon sens et son islam tolérant étaient faits à la fois de traditions et de superstitions (...) Une anecdote cependant, elle apprit rien qu’en écoutant mon père apprendre à mon frère la table de multiplication. Elle la faisait répéter plusieurs fois à mon frère pour lui éviter d’encourir le courroux de mon père.»
Mères, travailleuses, militantes, artistes, les femmes ont toujours porté en elles les valeurs de résilience et de courage. Le dernier livre de Chems Eddine Chitour est un véritable plaidoyer pour toutes les femmes.
Meriem Guemache

Les Résilientes de Chems Eddine Chitour. éditions Dalimen. 2024. 503 p. 2400 DA.