Algérie

Les réseaux de la corruption, de la contrefaçon, de la spéculation et du crime organisé sont à l'affût



Les crises dues au Covid-19 nous font vivre des circonstances exceptionnelles, qui ne sont et ne devraient pas être une excuse pour contourner ou abandonner les normes anti-corruption, bien au contraire. Aujourd'hui plus que jamais, les pouvoirs publics doivent tout faire pour préserver et intensifier les mesures visant à prévenir la corruption et toute forme de comportement contraire à l'éthique. Pour ce faire, l'outil fondamental est la transparence : nous la devons à nos concitoyens si nous voulons que le combat contre le Covid-19 soit crédible et inspire la confiance.La corruption dans le secteur de la santé entraîne des services médicaux plus chers et de moins bonne qualité, mais aussi une inégalité dans l'accès aux soins, en particulier pour les plus vulnérables, outre qu'elle sape la confiance des patients dans les services de santé et peut causer de graves préjudices à certains (par exemple du fait de l'utilisation de produits médicaux de mauvaise qualité). De plus, elle fausse la concurrence et a des conséquences financières graves pour les assureurs de la santé publique, et donc pour le budget de l'Etat. L'épidémie de Covid-19 accroît les risques de corruption.
Le secteur de la santé est particulièrement exposé du fait du besoin immédiat de fournitures médicales (et donc de la simplification des règles applicables aux marchés publics), d'infrastructures de soins saturées et de personnel soignant surchargé. Parmi les diverses typologies de la corruption dans le secteur de la santé, on citera notamment le système des marchés publics, la corruption dans les services liés à la santé ou dans la recherche et développement (R&D) de nouveaux produits, avec en particulier les conflits d'intérêts et le rôle du lobbying, ou encore la fraude liée au Covid-19.
La surveillance est aussi un sujet pertinent avec en corollaire la protection des lanceurs d'alerte dans la santé. Enfin, le secteur privé est aussi exposé à des risques considérables en matière de corruption. Dans le monde entier, les gouvernements adoptent des dispositions législatives pour répondre au Covid-19 en s'assurant que leurs systèmes de santé sont convenablement équipés. Si les dispositions législatives d'urgence sont, certes, efficientes pour obtenir rapidement des fournitures médicales critiques, cela se fait parfois au prix d'un assouplissement des contrôles nécessaires sur les dépenses publiques. Les procédures d'achats publics peuvent aussi devenir des cibles vulnérables pour les lobbyistes.
Les risques de corruption peuvent être extrêmement préoccupants pour les hôpitaux et autres structures médicales ou médicalisées qui s'efforcent de faire face au Covid-19, alors qu'il y a pénurie de personnel et d'équipement. En situation de besoins concurrents et d'urgence, la corruption peut devenir une variable dans l'équation et porter atteinte aux personnes concernées et à la société tout entière. La corruption à petite échelle est également un problème qui a resurgi dans le contexte de la pandémie (pour l'accès simple ou prioritaire aux services médicaux, aux tests et à de l'équipement, dans les modalités concernant la récupération des corps et les funérailles, pour contourner les règles du confinement, etc.) même dans des pays où ces pratiques étaient jusque-là très peu courantes.
Corruption dans la recherche et développement (R&D) de nouveaux produits
L'investissement dans la recherche et développement de médicaments et vaccins contre le Covid-19 est un autre processus sensible en matière de corruption. Les chercheurs et les scientifiques se préparent à élaborer des médicaments et des vaccins contre le Covid-19. Des montants colossaux sont actuellement investis dans la recherche et développement (R&D). Il faudrait donc accroître la capacité et l'autorité des institutions de l'Etat chargées de fonctions de tutelle et de contrôle en ce qui concerne la gestion des ressources publiques, mais aussi faire en sorte qu'elles rendent compte au public. Il en va de même en matière de contrôle des risques de conflits d'intérêts parmi les plus fréquents, au vu des enjeux sanitaires ou économiques majeurs, tels que le traitement préférentiel dans la fourniture de services pour des amis ou des parents, le clientélisme, le népotisme et le favoritisme en matière de recrutement et plus généralement de gestion du personnel de santé.
A titre d'exemple de prévention de ces risques, les recommandations du Greco(*) concernant les recrutements et promotions au mérite, les conditions et moyens de travail, les codes de conduite et les mécanismes de prévention des conflits d'intérêt/renforcement de l'intégrité, sont pertinentes dans un tel contexte. Le Greco a souvent recommandé d'élaborer une stratégie pour améliorer l'intégrité et la gestion des conflits d'intérêts concernant les personnes chargées de hautes fonctions de l'Exécutif, qui prévoirait notamment des mécanismes réactifs de conseils, de surveillance et de conformité.
Le Greco préconise aussi de faire en sorte que tous les contacts de personnes chargées de hautes fonctions de l'Exécutif avec des lobbyistes et d'autres tiers qui souhaitent influer la prise de décision gouvernementale soient dûment signalés, y compris les contacts avec des représentants juridiques et autorisés de sociétés et groupes d'intérêt, et soient rendus publics. La transparence du lobbying est importante tant pour les décisions prises par les pouvoirs publics que pour la diffusion des informations liées à la pandémie.
Le trafic d'influence est également un élément de risque particulièrement important pour ceux qui, du fait de leur position, ont accès à des informations confidentielles.
Les recommandations du Greco sur la déclaration du patrimoine, des revenus, du passif et des intérêts sont tout à fait pertinentes dans ce cas, notamment parce qu'il importe que les déclarations soient complètes, déposées dans les délais et accessibles afin d'aider à identifier des opérations douteuses (par exemple la revente d'actions, les investissements dans des entreprises émergentes durant la pandémie) ou pour éviter une influence indue sur la prise de décision publique.
Risques de fraudes liées au Covid-19
Plusieurs instances internationales (telles qu'Interpol et le Groupe d'action financière (Gafi) et nationales (comme le FinCEN(**) ont lancé des avertissements concernant des arnaques financières liées au Covid-19, notamment pour des produits médicaux contrefaits. Alors que les masques et autres produits médicaux très demandés sont difficiles à se procurer du fait de la pandémie de Covid-19, l'offre émanant de sites frauduleux de commerce en ligne, de faux comptes sur les médias sociaux et adresses mail prétendant vendre ces marchandises a augmenté de manière exponentielle sur internet. Des victimes qui ne se sont pas méfiées se sont vues dépouiller de leur argent par des criminels qui montent ces arnaques puis blanchissent ensuite l'argent obtenu.
La convention Médicrime(***) du Conseil de l'Europe fait obligation aux Etats d'ériger en infraction pénale : - la fabrication de produits médicaux contrefaits ; - la fourniture ou l'offre de fourniture, et le trafic de produits médicaux contrefaits ; - la falsification de documents ; - la fabrication, le stockage pour l'approvisionnement, l'importation, l'exportation, la fourniture, l'offre de fourniture ou la commercialisation de produits médicamenteux sans autorisation et de dispositifs médicaux non conformes aux normes en vigueur. L'Algérie se doit de définir une démarche claire dans ce sens, et ce, en toute transparence. Le gré à gré étant la pratique principale dans la gestion de la commande publique en situation d'urgence, les pouvoirs publics ont l'obligation de prendre des mesures pour l'encadrer et garantir le bon usage de l'argent des contribuables.
Djilali Hadjadj
(*) Le Groupe d'Etats contre la corruption (Greco) est un organe du Conseil de l'Europe qui vise à améliorer la capacité de ses membres à lutter contre la corruption en veillant à leur mise en conformité avec les normes de lutte contre la corruption. Il aide les Etats à recenser les insuffisances des politiques nationales de lutte contre la corruption et les encourage à mener les réformes législatives, institutionnelles et pratiques qui s'imposent. Il réunit actuellement les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, le Bélarus, le Kazakhstan et les Etats-Unis d'Amérique. Le Greco est donc ouvert à d'autres pays en dehors de l'Europe : l'Algérie pourrait y adhérer, ses échanges commerciaux se faisant principalement avec les pays membres de cet organe intergouvernemental.
(**) FinCEN. Le Financial Crimes Enforcement Network ou FinCEN est un bureau du ministère du Trésor des Etats-Unis qui collecte et analyse les informations sur les transactions financières afin de lutter contre le blanchiment d'argent national et international, le financement du terrorisme et d'autres crimes financiers.
(***) La convention Médicrime : le 1er instrument juridique criminalisant la fabrication et la distribution de faux produits médicaux.


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