Algérie

Les régions, c?est comme les cochons...



Une partie de l?histoire algérienne est une histoire de sa géographie. Petite anecdote récoltée auprès d?un ancien moudjahid par le chroniqueur : lors d?une opération d?évasion spectaculaire à partir d?une prison coloniale à Oran, instruction fut donnée pour sélectionner les élus selon des critères régionaux : un homme de l?Est, un autre de l?Ouest et un dernier du Centre. « Cela faisait taire les rumeurs » expliqua l?ancien combattant au chroniqueur. C?est dire que la question de la géographie commença en Algérie avant son histoire : les Algériens avaient déjà peur de sortir en morceaux ou de se faire coloniser les uns par les autres, après le départ de tous les colons que ce pays a eu à subir. D?où les grands ensembles psychologiques qui lestent encore les explications nationales. Lorsque le peuple est lettré, il parle de la crise de 62, lorsqu?il ne l?est pas, il parle de régionalisme, chacun à partir d?une région qui se voit comme victime de l?autre, de toutes les autres. En voici la série schématique : 1° - Le Nord exploite le Sud, prend le pétrole et laisse le sable et le désert au gens du Sahara. 2° - L?Est se passe de l?Ouest en prenant le pouvoir au Centre dès le début du pays. 3°-L?Ouest se sent victime du Centre qui lui prend son argent et de l?Est qui lui prend ses chances de gouverner. 4°- Le Centre, se sentant investi de la mission de sauver le reste du pays à la place du pays (En arabe, Alger et Algérie portent le même nom selon cette paranoïa constructive) et est dérangé dans sa mission par l?Ouest qui ne veut rien tenter et l?Est qui ne veut rien lâcher. Est-ce vrai ? Un peu, peut-être, presque pas. Au choix car c?est ce genre de questionnement qui a réduit les Indiens en figurant à Hollywood et les Irakiens à des passants chez eux. En Algérie, on devient régionaliste avec l?âge, l?argent ou la faillite. Le besoin d?explication étant fondamental chez l?humain, autant que celui d?avoir un destin, un chef, une excuse, des enfants et un point mort au fond de l?âme pour se reposer de son propre poids. Durant la Révolution, beaucoup vous raconteront que la plus grande hantise, après la France et ses hélicoptères, était d?éviter le fameux régionalisme. A tel point, apparemment, qu?on a fini par le réinventer et le perpétuer. Après le départ de la France et la création de l?Algérie, le véritable découpage territorial de l?Algérie resta là, sans solution, car sans courage, expliquant le partage inégal du butin, les tirs amis, les promotions, les grades, les entreprises. Aujourd?hui, on n?en fait ce que l?on veut : une théorie de la présidence cyclique, une « qui tue qui ? » plus discret, une explication économique et une arbalète entre bonnes gens. Tlemcen étant vue par cette cosmogonie comme la capitale de l?Algérie, M?sirda comme la capitale de Tlemcen, Alger comme la capitale de la Kabylie, la Kabylie comme un département de la France et l?Est comme une caserne reconvertie en entreprise d?importation de pièces détachées. Est-ce vrai tout cela ? Peu importe : l?oisiveté est mère de tous les vices. Le régionalisme étant le père inconnu.


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