Algérie

«Les réformes montrent qu'il n'y aura pas de changement imminent»



«Les réformes montrent qu'il n'y aura pas de changement imminent»
Le cas Algérie a été mis sous la loupe d'une étude élaborée par un think tank indépendant, The European Council on Foreign relations (Conseil européen aux relations internationales), qui s'est intéressé aux aspects politiques et économiques que présente la situation algérienne. D'entrée en matière, l'analyse souligne que même si l'Algérie a été «relativement épargnée par le Printemps arabe», elle est gouvernée par un autocrate qui, depuis 1999, «équilibre soigneusement les intérêts entre les dirigeants des services de sécurité de l'armée, le monde des affaires et l'Exécutif». Un régime qui se sert d'une «alliance présidentielle» comme front politique. «Même si le gouvernement algérien affirme fréquemment que l'Algérie a déjà eu son ''printemps en 1988 suivi d'une réforme graduelle, il se trouve que cette réforme n'a eu aucun effet sur la modification de l'équilibre des pouvoirs au niveau des rangs supérieurs de l'Etat, ni mené à  une plus grande liberté pour la population. Le contrôle sur les partis politiques et les médias est toujours de mise pour empêcher tout progrès réel vers le pluralisme, tandis que la corruption reste répandue dans tous les aspects de la vie publique», souligne l'analyse signée Karim Darbouche et Susi Dennison, respectivement chercheur à  l'Institut Oxford des études énergétiques et responsable des questions des droits de l'homme au sein de l'ECFR. Revenant sur les bouleversements ayant touché les pays voisins durant l'année 2011, le rapport énonce une série de facteurs qui ont fait que l'Algérie n'a pas suivi le même chemin. Ainsi, il est dit dans cette analyse que «le traumatisme vécu d'une décennie de guerre civile pousse les Algériens à  préférer la stabilité». Des changements s'opèrent dans la société Aussi, «même s'il y a une volonté de réforme politique, la limitation des libertés politiques, en particulier la liberté de réunion et le fait qu'il n'y ait pas de véritable pluralisme, signifie qu'il n'y a pas d'opposition qui se présente comme alternative viable, ce qui atténue l'hypothèse que l'Algérie va subir un changement radical». Et d'ajouter : «La manne pétrolière importante a servi au gouvernement algérien pour acheter la paix sociale.» Une attitude favorisée par le fait que les différentes grèves sont restées sectorielles, «des secteurs qui n'ont pas pu aller vers une unité d'action autour de revendications politiques, justifiée aussi par le manque d'organisation de la société civile». Mais les analystes notent en outre qu'en approfondissant l'étude, «on découvre une gestion des affaires qui est loin d'être durable. Les Algériens se sentent marginalisés et ne veulent pas composer avec les décideurs. Le taux élevé d'abstentions aux élections enregistré ces dernières années, en est un facteur révélateur. Il y a aussi la conviction que le régime actuel est vieillissant et ne peut pas àªtre le porteur du changement que les Algériens attendent». En zoomant sur les manifestations de rue de janvier 2011, le rapport de l'ECFR indique que malgré les apparences, on peut déceler que des changements importants s'opèrent dans la société algérienne. «Ceux qui sont investi les rues en janvier 2011 ont été largement motivés par des griefs socioéconomiques, et en particulier le chômage. Alors que le taux de chômage global du pays s'élève à  10%, et 75% des personnes sans travail ont moins de 30 ans. Par conséquent, avec ce taux de chômage très élevé dans une nation où la population est très jeune, c'est une question particulièrement explosive.» Le même rapport note que la revendication centrale pour des emplois qui caractérise les manifestations suggère que les Algériens sont de plus en plus en quête d'une société de droit. Evoquant les prochaines législatives, le même document indique qu'il s'agira «d'un indicateur-clé permettant de savoir si le régime ne fera aucune concession à  la volonté du peuple d'ouvrir une nouvelle à¨re politique pour l'Algérie. Maintenir un régime d'insécurité dans un voisinage instable et avec un mécontentement latent en interne n'a certainement pas échappé à  l'attention du pouvoir algérien». Et d'ajouter : «Avec ces élections pour l'Assemblée législative, il semblerait peu probable qu'un changement pourrait àªtre mis en œuvre rapidement.» Ceci et de faire remarquer que la levée de l'état d'urgence n'a pas freiné le pouvoir arbitraire de l'administration qui continue d'interdire les rassemblements publics sans que les magistrats le contestent. Concernant les lois proposées pour la réforme politique, le même document indique que ces mesures ne sont pas suffisantes pour modifier fondamentalement la structure de la politique algérienne ou permettre une indépendance des institutions. «Ces réformes sont vues comme une tentative du pouvoir de se prémunir du changement en cette difficile période.» Le rapport axe son intérêt sur la loi sur les associations qu'il qualifie d'entrave à  la démocratie. La loi sur les associations est dangereuse pour la démocratie «Cette loi peut même avoir un impact sur les organisations internationales et même les gouvernements étrangers qui veulent fournir des fonds à  la société civile algérienne. Une attention particulière devrait àªtre accordée à  la mise en œuvre de cette loi.» La conclusion qui est à  tirer de cet ensemble de réformes est celle qu'aucun changement majeur de la structure politique en Algérie n'est imminent. «D'autant que le président Bouteflika semble ne pas avoir la force ni le poids politique pour faire passer des changements majeurs, même s'il l'avait vraiment voulu.» Plaidant pour une plus grande influence européenne en Algérie, le rapport qualifie l'Algérie de Russie du sud de la Méditerranée. «Dans le climat actuel, toute crise politique pourrait conduire à  une plus grande implication de l'armée pour un contrôle total sur la scène politique, comme ce fut le cas dans les années 1990 – une fâcheuse perspective –…L'UE devrait chercher à  jouer un rôle plus actif en encourageant la mise en œuvre des changements nécessaires en Algérie, y compris sur les questions de démocratie et de droits humains. En outre, si l'UE veut véritablement soutenir le développement de la région après le Printemps arabe, elle aura besoin d'avoir l'Algérie à  bord, compte tenu de sa position et ses richesses stratégiques», note le document en défendant l'idée que la stabilité en Algérie sert l'Europe qui n'a aucun intérêt à  voir un embrasement chez son troisième fournisseur de gaz. Face aux bouleversements régionaux, l'Algérie n'est pas sur la bonne voie des réformes qui mérite un plus grand soutien de l'UE. «La réalité reste que, dans les circonstances actuelles, les décideurs algériens sont plus susceptibles d'introduire des changements à  leur propre rythme et selon leurs propres priorités nationales que comme une réponse aux pressions extérieures.»
L'étude de l'ECFR encourage l'UE à  appeler l'Algérie à  «tenir des élections législatives libres et permettre la participation au plus grand nombre de partis. Ce qui pourrait ouvrir la voie à  un processus de changement plus lisse et faire en sorte que les réformes auront plus de portée lors des élections présidentielles». Il est aussi crucial, selon le même document, que l'UE continue d'être regardante sur le sujet des violations des droits de l'homme pour gagner sa crédibilité, notamment en étant attentive à  l'application de la loi sur les associations.
 


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