Algérie

Les raisons de l'instabilité



En 20 ans, Sonatrach a eu douze PDG, dont six durant les cinq dernières années, chacun restant en moyenne pas plus d'un an.n Après avoir pu se hisser parmi les dix premières compagnies pétrolières dans le monde au début des années 2000, le groupe public des hydrocarbures Sonatrach est aujourd'hui dépassé par au moins une vingtaine de groupes pétroliers internationaux. Sonatrach vit depuis quelques années déjà de graves difficultés de gestion. Le meilleur indice de cette mauvaise gouvernance est cette instabilité managériale à la tête de la compagnie.
Une instabilité managériale due, en partie, à une emprise du politique sur les rênes de la compagnie pétrolière nationale et qui n'a pas été sans conséquences sur les performances du groupe. En 20 ans, Sonatrach a eu 12 PDG, dont 6 durant les cinq dernières années, chacun restant en moyenne pas plus d'un an. On se souvient même que Chakib Khelil avait cumulé durant plusieurs mois la fonction de PDG de Sonatrach en même temps que la fonction de ministre.
"Cette instabilité est vraiment négative", avait déclaré, il y a quelques mois, sur les ondes de la radio nationale, Abdelmadjid Attar, ancien patron de Sonatrach. Récemment, l'ancien ministre de l'Energie et ancien PDG de Sonatrach, Sid-Ahmed Ghozali, a poussé un coup de gueule en appelant à "l'arrêt du massacre". Il est plus évident que la valse des PDG qui s'était opérée notamment en 2019 obéissait beaucoup plus à des considérations politiques.
Par souci de donner l'illusion de rupture avec l'ancien régime, les pouvoirs publics ne cessent depuis quelques mois de verser dans les décisions populistes, ponctuées de limogeages à tour de bras, loin de toutes considérations économiques. Pour Toufik Hasni, ancien vice-président de la compagnie, contacté par Liberté, l'emprise du politique dans la gestion de Sonatrach est un facteur important dans la situation que vit actuellement le groupe. Il a, à ce titre, plaidé pour la levée de cette emprise politique sur la compagnie.
Mais, a-t-il ajouté, ce n'est pas la seule raison. Toufik Hasni souligne que les affaires en justice auxquelles la compagnie a dû faire face durant ces dernières années ont influencé largement les performances de Sonatrach. Le scandale qu'a connu Sonatrach en 2010 et qui a engendré le démantèlement de son management et un départ massif au niveau de l'entreprise est ainsi un élément important dans la fragilisation de la compagnie.
Celle-ci a, faut-il le rappeler, subi une saignée importante en matière de ressources humaines, notamment durant ces dernières années. L'ex-PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, évoquait en 2018 le départ de 10 000 employés de la société. "Il n'y a pas que le facteur financier qui est mis en cause. C'est aussi parce qu'ils ont peur et ne se sentent pas en sécurité qu'ils ont choisi de quitter", avait déclaré Ould Kaddour.
Ce chiffre de 10 000 départs a interpellé Toufik Hasni, qui souligne la difficulté de remplacer tous ces départs notamment en qualité. L'ancien vice-président de Sonatrach regrette que l'expérience et les bonnes pratiques en matière de formation, capitalisées dans les années 70 au sein de Sonatrach, se soient dissipées depuis des années déjà. Et la relève censée reprendre les rênes semble faire défaut par manque de formation. Entre-temps, la situation continue de se dégrader.
Déclin de production des vieux gisements, retard dans la mise en service des nouveaux gisements de pétrole et de gaz, etc. Le déclin amorcé depuis maintenant une décennie concerne l'ensemble des hydrocarbures, et Sonatrach, faut-il le constater, ne donne pas l'impression de pouvoir enrayer ce mouvement baissier de la production. Le drame dans cette affaire est que le gouvernement refuse d'admettre l'évidence en mettant en avant le nouveau cadre réglementaire comme la planche de salut.
En effet, cette semaine, le ministre de l'Energie a affirmé que les changements récurrents des PDG de Sonatrach n'a pas d'impact ni sur l'entreprise ni vis-à-vis des partenaires étrangers. Intervenant sur les ondes de la radio nationale, le ministre de l'Energie a indiqué qu'il ne voyait pas une instabilité à Sonatrach. "C'est toujours le management de Sonatrach qui prend la tête de l'entreprise."

Saïd SMATI


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