Algérie

Les raisons d'une flambée



À quelques jours de l'Aïd El-Adha, les préparatifs vont bon train à Bordj Bou-Arréridj. Certaines familles ont d'ores et déjà acheté leur mouton et d'autres, malheureusement les plus démunies, fêteront l'Aïd El-Kebir sans mouton ou devront prendre un crédit pour honorer la tradition du sacrifice. Aujourd'hui, un mouton coûte trop cher en Algérie.En moyenne, cela représente l'équivalent d'un mois et demi de travail, c'est-à-dire plus de 22 000 DA. De plus, les prix sont en hausse cette année. En effet, beaucoup de facteurs déterminent le prix du mouton, surtout pendant ces derniers jours qui précèdent l'Aïd El-Kebir. Il y a d'abord les frais qui ont été consentis durant toute l'année par le fellah qui attend, entre autres occasions, l'Aïd El-Adha pour amortir les dépenses engagées. Ces dépenses comprennent l'argent des moutons, ensuite les frais de transport et de séjour des éleveurs et de leurs moutons pendant les jours qui précèdent l'Aïd El-Kebir. Cela est principalement dû, selon des éleveurs, à la montée des prix de l'alimentation des moutons comme les grains de blé ou de maïs qui ont flambé sur le marché. Deux autres facteurs déterminent les prix des moutons et la loi de l'offre et de la demande. Généralement, et tout le monde le reconnaît, ce sont les "smasras" (intermédiaires) qui font flamber les prix. Beaucoup de ces individus profitent de l'occasion pour gagner le maximum d'argent. Mais là aussi, il faut faire attention à la fraude. Poids gonflés par "pompe de gonflage", erreur de calcul, dopage de la bête et beaucoup d'autres formes de tricherie. Et pour avoir une idée nette sur le marché et le pouvoir d'achat des citoyens, un détour dans le foirail de la banlieue bordjienne donne une idée sur les prix du mouton et qui a les moyens d'en acheter. Les Bordjiens se plaignent encore des prix élevés des moutons. Avec l'ouverture officielle du souk des moutons, l'arrivée des éleveurs venus de l'extérieur des centres urbains a pu diversifier le choix de l'offre locale. Le souk officiel accueille plusieurs races, venues de toutes les régions de l'Algérie, mais fortement demandées par les Bordjis : l'indétrônable "Ouled Djellal'', "Berbere''ou le "Azoulai'', "Hamra''(Beni Ighil), "Rembi'', "D'men'', "Targui", "Sidaho'',... Des éleveurs locaux y exposent également leurs troupeaux.
L'affluence des vendeurs a fait légèrement baisser les prix de vente à quelques jours de la fête. En effet, globalement les prix sont jugés élevés par rapport à l'année dernière. Ils oscillent entre 25 000 et 45 000 DA pour un mouton moyen de moins d'une année. Les prix peuvent aller jusqu'à 55 000 DA un mouton de taille moyenne. Pour un mouton à cornes et de belle taille, le prix dépasse les 80 000 DA. Ces prix ne répondent plus à la seule règle de l'offre et de la demande. Du côté des vendeurs, ces prix sont normaux et se justifient par le coût élevé de l'alimentation du bétail. Mais du côté des acheteurs, l'offre de cette année est trop chère par rapport à l'année dernière, et il n'y a pas assez de choix suivant les bourses de chacun. L'intervention des intermédiaires dans la vente des moutons en est pour beaucoup. "Dans le souk officiel, les éleveurs ont intérêt à vendre leurs troupeaux le plus tôt possible pour minimiser le coût d'entrée et de sortie et l'alimentation du bétail. Les intermédiaires, eux, n'hésitent pas à faire de la surenchère", affirme un vendeur sur place. En effet, les prix de vente des moutons sont les mêmes dans tous les souks de la région. Ces intermédiaires déplacent leurs troupeaux donc les prix restent élevés. Les moyens de communication et les moyens de transport facilitent ce mouvement rapide et créent cette monopolisation des prix. Il est toutefois à noter que dans les environs de Bordj Bou-Arréridj, les petites bergeries fleurissent sans diversifier l'offre.
À Ras El-Oued, Medjana, Hasnaoua, Aïn Taghrout, Khellil, Sidi M'barek, El-Anasser, El-Hammadia,... des éleveurs locaux profitent également de la période de l'Aïd El-Adha pour faire des bénéfices. Etant à la base des fournisseurs pour les boucheries locales, ces éleveurs alimentent le marché en moutons et profitent de la période pré-souk pour vendre à des prix "avantageux'' à crédit. "Pour le moment, on ne sait pas encore si on va acheter un mouton cette année. Sur le marché, les prix ont tellement augmenté ! À ce jour, on ne sait toujours pas si on va avoir un mouton à égorger. Par ailleurs, je n'ai pas les moyens de prendre un autre crédit en plus. J'ai déjà la traite de mon appartement à payer et un petit crédit que j'ai pris pour équiper mon appartement d'un chauffe-eau. Si on ne trouve pas, ne serait-ce qu'un petit mouton, on ira acheter de la viande chez le boucher. Ce n'est pas grave et je ne serai pas du tout triste si on n'égorge pas cette année", dira Hamza, un habitant de la nouvelle cité des 450-Logements. "Mon frère a déjà acheté un mouton et il m'a invité à passer la fête avec sa femme et ses enfants, mais mon mari a refusé. Il est trop fier. Il ne veut pas montrer au grand jour qu'il n'a pas les moyens de nous acheter un mouton", dira une autre femme du même quartier. "On oublie souvent qu'acheter un mouton pour l'Aïd n'est pas une obligation chez les musulmans sunnites malékites. Cela dépend de leur pouvoir d'achat. Si une personne peut, elle achète. Si elle ne peut pas, elle n'achète pas. L'autre cas de figure accepté est que si une personne souhaite réellement acheter un mouton pour sa famille, elle peut emprunter de l'argent, mais sans taux d'intérêt, car cela est interdit en Islam", explique cheikh Farid Amara.
Chabane BOUARISSA


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