Algérie

Les projets politico-énergétiques de l'Europe: La Russie intégrée, l'Algérie à la périphérie



Une intégration poussée de la Russie à l'Europe qui passe par le secteur de l'énergie et la réduction de l'Afrique du Nord et notamment l'Algérie à un fournisseur de second rang. Telle est la conclusion première qui peut être tirée de la proposition faite vendredi par des responsables européens en vue de la création d'un «Schengen de l'énergie», qui serait un réseau transfrontalier entre l'Union européenne et ses partenaires énergétiques en Russie. L'Asie centrale et l'Afrique du Nord se situeraient à la périphérie immédiate de cet ensemble. Dans une conférence organisée par la Banque européenne d'investissement (BEI), le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, a indiqué qu'avec «un réseau intelligent et de bonnes connexions, nous pouvons imaginer de l'électricité en provenance de centrales nucléaires russes et ukrainiennes, et de Desertec (projet d'énergie solaire) dans Sahara». «Nous avons en fait besoin de créer une sorte de +Schengen de l'énergie+», a-t-il ajouté. Le commissaire européen à l'Energie, Günther Oettinger, s'est même fait plus précis sur les contours de ce «Schengen de l'énergie». «Je suis tenté de poser ici une question provocatrice, de savoir si durant la prochaine décennie, au lieu d'importer du gaz pour le convertir en électricité, nous ne pourrions le transformer en électricité en Russie. Une fois possible techniquement, économiquement et financièrement, ce serait une solution viable pour nous».  

Un axe Bruxelles-Moscou

L'offre concerne principalement, pour ne pas dire exclusivement, la Russie, qui fournira, selon certaines projections, 67% du gaz consommé par l'Union européenne. La création d'une Communauté européenne de l'énergie est en débat - l'idée a été lancée en mai dernier par Jerzy Buzek et Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne - et il est clair qu'elle ne se passera pas d'une intégration plus prononcée de la Russie. L'offre faite par les responsables européens est clairement celle de la création d'un axe Bruxelles-Moscou fondé sur une intégration énergétique avancée. L'idée d'installer des centrales électriques en Russie même pour approvisionner l'Europe est très significative. Il s'agit concrètement d'une interconnexion des réseaux où la Russie prend le statut de partenaire et non plus de pur fournisseur d'énergie fossile. C'est la colonne vertébrale du projet même si l'Afrique du Nord est acceptée comme un interlocuteur périphérique. «Je crois que la Tunisie, l'Algérie et d'autres pays de la Méditerranée pourraient se joindre à nous dans nos discussions sur l'énergie», a déclaré Günther Oettinger.

«Je crois que la Turquie pourrait également rejoindre notre infrastructure énergétique, de même que la Géorgie et l'Azerbaïdjan. J'espère la même chose pour la Russie et le Turkménistan, et dans un avenir plus lointain pour l'Irak aussi», a-t-il ajouté. Il faut remarquer que le président du Parlement européen a cité la Tunisie avant l'Algérie en faisant référence à Desertec. Cela paraît conforme aux positionnements des deux pays sur le projet, très enthousiaste chez les Tunisiens et les Marocains, très réservé chez les Algériens. Cela peut constituer une indication sur la localisation du projet Desertec. Mais sur le fond, l'accent mis sur l'intégration de la Russie à l'Europe par l'énergie montre que Desertec et les énergies «écolo» peuvent faire beau dans un panier énergétique mais ne se présentent plus sous le sceau de l'urgence en raison de l'éloignement relatif du pic pétrolier. Ce qui se met en place, à travers ces propositions, est l'Europe énergétique de l'Atlantique à l'Oural.

Le Maghreb n'existe pas, Desertec sera ce que l'Europe voudra

Les autres «partenaires» sont relégués au rang de fournisseurs périphériques ou en tant que fournisseurs d'appoint dans un contexte global du marché gazier durablement favorable aux acheteurs. Selon un spécialiste, il se dessine ainsi une logique d'intégration de la Russie où l'élément énergétique participe d'un deal plus global. «Cette approche traduit des préoccupations géopolitiques qui dépassent le cadre purement énergétique. Les Occidentaux estiment que la Russie s'occidentalise et le ferait encore plus vite avec un niveau d'intégration supérieur». Ce constat est à mettre en parallèle avec l'apaisement des relations entre la Russie et l'Otan et les perspectives ouvertes de coopération dans le domaine litigieux jusque-là du bouclier antimissile. L'Algérie, estime-t-il, restera un fournisseur de l'Europe quoi qu'il en soit en raison de sa proximité avec les marchés européens. Mais, elle restera un fournisseur extérieur au périmètre qui prend forme, d'autant que les capacités de la Russie sont nettement plus importantes. Quant aux champs sahariens de capteurs solaires, l'inexistence politique du Maghreb fait qu'ils se développeront selon les exigences et le calendrier européens. On le constate déjà : le Maroc et la Tunisie, très dépendants des Européens, n'ont pas la même attitude que celle de l'Algérie sur le projet Desertec.




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