Algérie

«Les projets de nouvelles raffineries sont une supercherie»



«Les projets de nouvelles raffineries sont une supercherie»
- Au-delà des arguments liés aux conditions climatiques et à l'entretien des raffineries, quelles sont, selon vous, les vraies raisons de la pénurie de carburants 'Concernant l'approvisionnement, ce problème revient tous les ans, surtout en période d'hiver, mais avec une amplification du phénomène depuis une dizaine d'années, particulièrement depuis ces cinq dernières années. Comme dans tous les pays, il y a des arguments liés aux conditions climatiques et à l'entretien des raffineries, ce qui est considéré comme une banalité dans les entreprises de raffinage des pays qui se respectent et qui ont une ancienneté dans ce secteur. L'Algérie dispose d'une expérience certaine, avec une main-d'?uvre plus que qualifiée dans les raffineries, par rapport aux standards universels les plus élevés.Le secteur du raffinage souffre de plusieurs contraintes structurelles, dont le déficit de management, la non-maîtrise des outils de pilotage? A titre d'exemple, la gestion complexe et financièrement intensive du raffinage a permis, dès les années 1950, le développement aux Etats-Unis de nouveaux outils de modélisation. Jusqu'à une période récente, ces outils excessivement efficaces ne semblaient pas faire partie du quotidien pour le management du raffinage ou des exportations de produits raffinés.En 1998-1999, pour l'illustration, la mauvaise gestion de l'outil de raffinage par la division commerciale de Sonatrach se traduisait par des pertes équivalentes aux bénéfices industriels de la compagnie, hors taxes et hors rente pétrolières. Ceci s'expliquait par le fait que la division commerciale Sonatrach ne savait pas utiliser les outils de programmation linéaire et exigeait que les raffineries fonctionnent au maximum des capacités. Or, la programmation linéaire nous enseigne que l'optimum de production en matière de raffinage est souvent inférieur, voire très inférieur (70 à 90%) de la capacité de raffinage.La deuxième cause de ces dysfonctionnements s'explique par les désastres humains causés par la gestion du secteur des hydrocarbures il y a une dizaine d'années. Le précédent ministre de l'Energie avait réussi à faire passer en justice une centaine de personnes pour une banale affaire de joints en caoutchouc. Le secteur raffinage qui, par ses directeurs de raffinerie, disposait des meilleurs managers et experts, les a perdus à tout jamais, d'où la situation désastreuse du secteur et la survenance de ces problèmes de files d'attente dans les stations-service indignes d'un pays pétrolier qui dispose de plus de 50 années d'expérience.- Les projets annoncés de nouvelles raffineries sont-ils viables économiquement 'Les projets de nouvelles raffineries sont une supercherie, une insulte à l'intelligence algérienne, une source future de dilapidation de ressources financières, tant du fait de l'inanité des investissements que de la non-rentabilité de l'exploitation de ces raffineries qui seront en grande partie alimentées par du pétrole brut étranger. Les experts savent au moins deux choses : la structure et la rentabilité dépendent du marché (intérieur ou extérieur ou mixte), de l'origine et de la structure du pétrole brut.Aussi construire trois raffineries nouvelles, même à l'identique, constitue une aberration. Le précédent ministre de l'Energie avait déclaré que l'Algérie raffinerait 50% du pétrole brut. L'actuel ministre avait annoncé la future construction à l'identique de 5 raffineries de 5 millions de tonnes par an chacune. Il est à espérer que le temps fera son travail et nous évitera ces futures raffineries-cathédrales.- Quelle est la situation de l'évolution de la production nationale de carburants ' Est-on en mesure de couvrir une demande en nette hausse 'La situation du marché national des produits raffinés est devenue déséquilibrée depuis 4 années, pour l'essence, mais aussi plus gravement pour le gazole. A titre d'exemple, les importations de gasoil, mais aussi d'essence, ont connu une croissance fulgurante de 50% par an depuis 2012, atteignant l'an dernier des records équivalents à 5 milliards de dollars d'importation.L'évolution du déséquilibre structurel du marché national pose de graves problèmes tant au niveau de la balance des paiements, de la soutenabilité financière des subventions de produits pétroliers par l'Etat, mais aussi parce que la consommation nationale va provoquer, avant 2018, la fin des exportations de pétrole brut, puis une dizaine d'années plus tard la fin totale de la production de pétrole brut en attendant la découverte de nouveaux gisements.L'Algérie n'est pas en mesure de couvrir structurellement une demande en nette hausse et d'y faire face tant sur le plan quantitatif que qualitatif, avec un plomb-tétraéthyle de l'essence très nocif (Algérie et Yémen uniques pays). Le démarrage, plusieurs fois annoncé puis retardé, des extensions de raffineries n'aura aucun effet structurel mais cela réduira la tension durant un été ou deux. Ce problème de carburant est annonciateur de la chute financière et économique d'un système, qui pourra peut-être s'expliquer un jour par la théorie des fractales et du chaos.- Un mot sur les subventions aux carburants. Combien cela coûte 'Selon l'Agence internationale de l'énergie, les subventions en produits raffinés sont passées de 10,7 milliards de dollars réels en 2011 à 14,4 milliards de dollars en 2013, soit 35% de croissance. Cependant, ces calculs n'ont pas considéré les autres subventions cachées, essentiellement vers les entreprises du secteur de l'énergie, y compris pour les associés étrangers.En 2013, les subventions de gaz naturel et d'électricité se sont élevées à 3,5 et 2,9 milliards de dollars respectivement, d'où un total énergie égal à 20,8 milliards de dollars, et un taux moyen de subvention de 77,5% par rapport au coût complet de fourniture, soit 550 dollars/habitant et 10,1% du PNB. Ce faisant, l'Algérie est 12e dans le monde en valeur absolue. Il est curieux de constater que les 11 pays dépassant les 50% de taux moyen de subvention sont essentiellement des Etats rentiers, musulmans et plutôt autocratiques?




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