Algérie

«Les producteurs de gaz devraient rapidement penser à de nouvelles stratégies de commercialisation»



«Les producteurs de gaz devraient rapidement penser à de nouvelles stratégies de commercialisation»
-L'italien ENI vient d'annoncer qu'il pourrait parvenir, cette année, à un accord avec Sonatrach pour la réduction du prix du gaz algérien. Pensez-vous qu'avec l'évolution actuelle de la situation en Europe, avec le conflit entre la Russie et l'Ukraine, Sonatrach a encore une marge de man?uvre 'Au cours de l'année écoulée, de grands fournisseurs de gaz au marché européen, comme la Russie et la Norvège, ont révisé à la baisse leurs prix à l'exportation pour maintenir ou regagner des parts de marché. Il était donc normal pour l'Algérie d'accepter de son côté de réduire les prix de son gaz. Les réductions ne sont pas catastrophiques. Ce sont des réductions qui restent dans la ligne du marché. Le marché européen est actuellement bien approvisionné. Mais ce qui aide le marché européen à garder son équilibre est le fait que l'Asie est en train de tirer vers elle tout le GNL à des prix élevés.-Le conflit entre l'Ukraine et la Russie est en train de s'aggraver et Gazprom a décidé d'augmenter le prix du gaz vendu à l'Ukraine. La situation pourrait-elle affecter le marché européen du gaz 'La grande question qui se pose maintenant est de savoir si l'Ukraine pourra payer le gaz russe et par quel moyen. Elle n'en a pas les moyens ; si elle paye, ce sera en partie grâce à l'aide qu'elle va recevoir des pays occidentaux. Et si jamais l'Ukraine n'arrive pas à payer son gaz, que se passera-t-il ' Il y a un problème technique, mais qui a des conséquences économiques et politiques énormes. Il faut savoir qu'en Ukraine, les gazoducs de transport de gaz vers l'Europe ne sont pas séparés des gazoducs de distribution en Ukraine pour une raison simple. Il est très difficile aujourd'hui de faire circuler du gaz en Ukraine en interdisant qu'une partie de ce gaz n'approvisionne le marché ukrainien.En 2006 et en 2009, lorsque les Ukrainiens n'ont pas pu payer leur gaz et que Gazprom leur a coupé l'approvisionnement, ces derniers n'ont eu aucun problème pour siphonner le gaz destiné aux clients européens. Le problème est de savoir si les Ukrainiens, qui ont une dette évaluée au moment où je vous parle à 2,2 milliards de dollars, n'arrivent pas à payer, que fera Gazprom qui se trouve face à un dilemme. En janvier 2009, Gazprom a été obligé de couper, en plein hiver la totalité des fournitures de gaz, y compris celles destinées à l'Europe. Cela a laissé des traces en Europe.L'image de Gazprom en tant que fournisseur fiable a été ternie. La question demeure : dans la nouvelle situation qui se présente et, dans ce cas de figure, est-ce que Gazprom coupera le gaz ' Personnellement, je pense que si Gazprom décide de couper l'approvisionnement, elle commettra une erreur stratégique et cette fois-ci irréparable.-Les Européens se penchent actuellement sur les fournisseurs alternatifs, à l'image de l'Algérie qui a prouvé sa fiabilité. Or, certains problèmes ? les niveaux de production, l'évolution de la demande interne et l'évolution de la situation politique en Algérie ? semblent les préoccuper. Qu'en pensez-vous 'Jusqu'à présent, l'Algérie a toujours donné l'image d'un fournisseur crédible et fiable. Par le passé, même lorsque les négociations sur les prix du gaz étaient extrêmement tendues et critiques avec des pays comme l'Italie, la France ou l'Espagne, Sonatrach n'a jamais coupé le gaz. Je crois que c'était une bonne stratégie qui a valu à l'Algérie l'image de fournisseur crédible. Mais le problème est que les quantités de gaz russe en Europe sont tellement importantes que, si jamais les fournitures s'arrêtaient, aucun pays au monde ne pourrait les substituer. La situation du marché du GNL, celui-ci étant le seul susceptible d'assurer l'équilibre, est tendue jusqu'en 2018. Mais à partir de 2018, 2020, il y aura des volumes supplémentaires de gaz et surtout de GNL qui arriveront sur le marché.La situation pourrait alors se transformer radicalement. Du GNL arrivera des Etats-Unis, d'Afrique de l'Est, d'Australie, de Russie et même du Canada. On ne parle pas assez du Canada où 15 projets d'exportation de GNL totalisent 280 milliards de mètres cubes. Il y a aussi l'Iran. Si les sanctions sont levées sur ce pays qui possède les deuxièmes réserves les plus importantes de gaz conventionnel, les Iraniens pourront développer leurs exportations de gaz. Je ne vous ai pas non plus parlé des gaz non conventionnels. L'Algérie est certes l'un des pays qui disposent des réserves les plus importantes, mais elle n'est pas seule. Des pays comme l'Argentine ou la Chine commencent déjà à développer leurs réserves. Nous allons vers une abondance de l'offre dans le monde. Il faut réfléchir sur cette situation à venir. Personnellement, je pense que les mécanismes classiques d'achat et de vente dans le cadre de contrats «take or pay» avec obligation de fourniture et d'enlèvement ne suffiront plus pour assurer les débouchés des pays exportateurs et qu'il faudrait envisager d'autres formules et réfléchir à de nouvelles stratégies de commercialisation.-Le problème des coûts d'investissement et de rentabilité des projets gaziers risque de se poser à ce moment-là?On aurait tort de penser que parce que les gaz non conventionnels coûtent cher aux Etats-Unis que leur production va forcément diminuer. Au contraire, les Etats-Unis cherchent à exporter du gaz et surtout du GNL parce que leurs coûts sont élevés et que les prix sur le marché international sont plus élevés que chez eux. L'exportation de GNL est, pour les Etats-Unis, une soupape de sécurité. C'est là qu'est l'erreur des analystes de Gazprom.




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