Algérie

Les procureurs de l'art



Les procureurs de l'art
Bien souvent, la critique d'art en Algérie, s'il est loisible d'appeler cela ainsi, est un procès sur l'art. Quand ça se trouve une huile sur toile, une aquarelle, une sculpture sur marbre, bois ou fer -mais alors gare à l'intention sur le nu ou la représentation de l'élément lascif- eh bien, la «critique» dans la presse, alors, est généralement favorable, très bien à l'aise lorsque le produit est travaillé dans l'abstrait. Le rapport sur l'?uvre renseigne beaucoup plus sur les notions acquises chez le journaliste que sur les imbrications esthétiques qui agissent dans l'?uvre en question. Interpellant les divers patrimoines y afférant, pour comparer et tenter d'estimer selon les critères des standards admis académiquement. Le rédacteur du journal devient une espèce d'avocat d'office de l'?uvre, ou du moins sur ce qu'il croit y déceler comme intéressant à signaler, d'après son érudition propre. Il peut même aller assommer de flagornerie l'auteur en trouvant des similitudes avec des ?uvres de génies consacrées universellement. En même temps qu'il n'ignore pas que les amateurs de peinture et de sculpture vont dans les expositions au lieu de lire les journaux. Un jour où il prend à l'artiste de faire dans le figuratif, il naîtra forcément quelque part un journaliste, qui écrit noir sur blanc - parce que l'écriture est le seul canal officiel pour parler d'une ?uvre d'art- avertissant sur le plagiat. Comme pour le Raïs Hamidou de Réda Cheikh Bled ou de la Mona Lisa «berbère» de Djaffar Benmesbah. Mais la routine, bien entendu au compte-gouttes par rapport à la fréquence de la production, est axée sur le cinéma, le théâtre et la littérature. Il va régner alors dans lesjournaux, en arabe ou en français, une ambiance de veillée d'armes. Pendant que les leaders de la ligne se sont gravement concertés pour essayer de déterminer, en conseil de rédaction secret, qui est patriote et qui est traître parmi lesdramaturges, les cinéastes et les romanciers.On tente de démystifier le hizb frança, le baathiste, le djihadiste grimé, le salopard qui sert un lobbying postcolonial, jurant la déconfiture de l'Algérie. On s'arme d'une idée bien façonnée avant la générale ou la première projection. Mais l'on se garde d'envoyer un journaliste s'enquérir des conditions deproduction d'une pièce de théâtre, d'un long métrage ou de l'édition d'une ?uvre littéraire. De partir en amont, vivre avec les artistes le monde dans lequel ils réalisent leurs ?uvres, ou qu'ils croient être en train de le faire, dans les normes et les critères de la production esthétique. On raconte dans les cafés sur des escamotages de régie, des escroqueries sur les salaires et les cachets, des complaisances éditoriales, et cetera. Mais on reconnaitrarement le supplice dans les productions où la bureaucratie et le clientélisme ont la force du banditisme. Dans lequel le réalisateur est la cible à toucher en plein c?ur. En attendant que la presse l'achève de tirs groupés dans la tête.On dira ce qu'on voudra sur ce domaine du discours particulier sur la production de la culture, en tout cas, la crique d'art, réelle,professionnelle ou considérée comme telle, même factice, a primordialement pour rôle d'inciter à aller à la rencontre de l'art. De sortir pour voir la pièce de théâtre ou le film, d'acheter le livre et le lire. Alors que la pratique de la critique en Algérie donne l'impression d'agir pour que les lecteurs n'aillent pas au-devant des produits. Ou alors s'ils y vont quand même, il faut qu'ils le fassent avec la contamination du préalable médiatique.N. B.




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