Algérie

«Les primes d'assurance vont évidemment augmenter» Francis Perrin. Président de Stratégies et politiques énergétiques


M. Perrin est directeur de la rédaction de la revue Pétrole et Gaz Arabes et professeur en sciences économiques. Il nous explique dans cet entretien les implications de la récente attaque terroriste d'In Amenas sur Sonatrach, ses partenaires énergétiques ainsi que sa couverture assurance. L'expert évoque également la possibilité que certaines compagnies énergétiques asiatiques ou russes puissent prendre le relais dans le cas où les entreprises privées occidentales soient refroidies par le «risque» Algérie.
-En matière d'investissements sécuritaires et d'assurance des installations énergétiques, quelles seront les conséquences pour Sonatrach et ses partenaires étrangers '
La perception par les investisseurs et les pays étrangers du risque politique associé à l'Algérie sera très probablement revue à la hausse, ce qui peut avoir un impact négatif sur des plans d'investissement ou d'implantation dans ce pays. De même, le coût de la sécurité va inévitablement augmenter car il faudra tirer toutes les conséquences de la tragédie d'In Amenas et prendre les mesures requises tout en sachant que le risque zéro n'existe pas, pas plus dans l'industrie des hydrocarbures qu'ailleurs. Les primes d'assurance vont évidemment augmenter. Ces impacts portent sur le court terme, voire sur le moyen terme. Je ne pense cependant pas que ce qui vient de se passer aura des conséquences à long terme sur l'Algérie, mais il faut que les réactions de l'Etat, de Sonatrach et de ses partenaires étrangers soient à la hauteur de l'enjeu.
-Pensez-vous que les firmes internationales opérant dans le secteur énergétique algérien vont songer à se délester de leurs actifs en Algérie dans les semaines ou les mois à venir '
Je ne crois pas que des investisseurs étrangers installés, souvent de longue date, en Algérie et engagés dans des projets importants vont quitter le pays du seul fait de cette sanglante attaque et prise d'otages. Ces compagnies, dont Eni, Total, Repsol, BP, Anadarko Petroleum et d'autres encore vont renforcer leurs mesures de sécurité et diminuer le personnel non essentiel, mais vont continuer à travailler en Algérie. Certaines d'entre elles pourraient cependant hésiter, au moins à court terme, à renforcer leur implantation dans le pays sans abandonner les projets dans lesquels elles sont actuellement impliquées.
Les enjeux liés à la révision de la loi sur les hydrocarbures de 2005 telle que modifiée en 2006 et les succès ou les échecs dans l'exploration auront à mon sens un poids plus important que les problèmes sécuritaires dans les choix futurs de ces entreprises par rapport à d'éventuels nouveaux projets, comme le montrent les résultats moyens ou médiocres des appels d'offres internationaux pour l'exploration lancés depuis 2008.
Par contre, pour des compagnies pétrolières non présentes en Algérie et qui pourraient envisager d'investir dans ce pays, la donne est différente. L'attractivité d'un pays producteur d'hydrocarbures s'apprécie au regard de trois critères clés : le potentiel en pétrole et en gaz naturel, - et celui-ci est intéressant -, le cadre législatif, contractuel et fiscal, qui est en cours de modification dans un sens plus attrayant, et le risque politique, qui sera revu à la hausse. Une décision d'investissement en Algérie découle de l'appréciation par des groupes étrangers de ce cocktail et le goût de celui-ci sera différent avant et après In Amenas.
-En admettant que cela se produise, le retrait éventuel de certaines firmes pourrait-il favoriser d'autres pays comme la Chine, la Russie ou autres '
Je ne crois pas vraiment au retrait des compagnies pétrolières de l'Algérie qui serait seulement lié à la tragédie d'In Amenas en dépit de l'extrême gravité de celle-ci. Mais il est exact que les compagnies pétrolières n'ont pas toutes le même profil en matière d'appréciation et de gestion des risques politiques. Pour simplifier quelque peu, des sociétés nationales de pays asiatiques tels que la Chine, l'Inde ou le Vietnam, par exemple, ou des firmes russes sont effectivement plus susceptibles de faire face à ce type de risques que des entreprises privées occidentales qui sont cotées en bourse et qui proviennent de pays dans lesquels le poids de l'opinion publique est très fort. Il ne faut cependant pas généraliser trop rapidement. Total et Eni sont ainsi présents de façon constante en Algérie depuis les années 1950'
-La promulgation d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures moins contraignante permettra-t-elle de limiter les dégâts pour l'Algérie '
C'est un point-clé. La moindre attractivité de l'Algérie dans les dernières années s'explique essentiellement par des conditions contractuelles qui découlent de la loi sur les hydrocarbures, jugées trop dures par nombre d'investisseurs étrangers, ce que les autorités algériennes ont finalement reconnu en présentant un projet de loi modifiant la loi de 2005. L'Algérie conserve un potentiel d'exploration et de développement tout à fait intéressant pour le gaz naturel comme pour les liquides et pour les hydrocarbures conventionnels comme pour les non conventionnels. Comme l'a souligné le ministre de l'Energie et des Mines, M. Youcef Yousfi, le pays a impérativement besoin d'investissements étrangers et il faut savoir attirer ceux-ci. Il ne s'agit pas de remettre en cause la souveraineté algérienne sur ses ressources naturelles, ni de dépouiller l'Etat de sa juste part, mais de trouver un nouvel équilibre entre les intérêts nationaux de l'Algérie et ceux des partenaires étrangers de Sonatrach dans un monde qui bouge de plus en plus vite et dans un contexte énergétique international qui subit certains bouleversements. Il ne faut pas avoir peur du pragmatisme et du compromis dans l'industrie des hydrocarbures.
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