Algérie

Les présidents de club ne verront pas Mandela



Mahfoudh Kerbadj n'ira pas en Afrique du Sud. Il n'assistera pas au Mondial, et ne fera pas ses emplettes durant cette grande compétition. Pendant qu'Arsène Wenger, manager d'Arsenal, joue au consultant en étudiant le jeu des plus grandes équipes du monde, et que Jean-Michel Aulas, président de Lyon, prend les contacts nécessaires pour préparer le recrutement de ses futurs stars, Kerbadj, lui, reste bien sagement à Alger. Ce n'est pas que le président du Chabab de Belcourt souhaite passer ses vacances en Algérie, ni qu'il soit retenu par des obligations très importantes. Ce n'est pas non plus son attachement immodéré pour les embouteillages de la capitale, ni son penchant à gérer les crises qui l'empêchent de faire le voyage. Mahfoudh Kerbadj n'ira pas en Afrique du Sud pour deux raisons. D'abord parce que le club qu'il préside n'a pas les moyens de lui payer le voyage et le séjour au pays de Mandela ; ensuite, parce qu'il a démissionné de la présidence du Chabab de Belcourt, qui n'a même plus les moyens financiers pour négocier avec un footballeur algérien de deuxième catégorie. Kerbadj est donc un homme bien embarrassé. Au lieu de découvrir l'Afrique du Sud, de fréquenter les grands du football mondial, d'étudier les mutations de l'ancien pays de l'apartheid et de voir comment ce géant économique gère ses contradictions, il se retrouve à rédiger des mises au point, à attendre que des farfelus fassent des déclarations pour les contredire, et à jurer aux joueurs que, malgré son départ, il ne perd pas espoir de leur payer ce que le club leur doit. Car pendant des mois, Mahfoudh Kerbadj a navigué à vue, à bord d'un navire qui partait à la dérive. Président d'une équipe encore qualifiée en compétition africaine, il a fini par se rendre à l'évidence : son équipe est ingérable. Les problèmes qui se sont accumulés sont énormes. Problèmes d'argent d'abord, avec des joueurs qui n'ont toujours pas été payés. Problèmes relationnels ensuite, avec des dirigeants informels qui gravitent autour du club, qui font et défont l'équipe, contactent de nouvelles recrues, promettent monts et merveilles à des joueurs inconnus et négocient avec les stars comme on négocie avec le marchand de fruits et légumes. L'équipe n'est donc prête ni à apaiser les tensions, ni à préparer les recrutements. Comment, dans de telles conditions, préparer le match de coupe d'Afrique que le club doit disputer début juillet ? Comment préparer la prochaine saison ? L'équipe est démobilisée, livrée à elle-même, et attend qu'un bureaucrate achète les billets d'avion ou signe le chèque nécessaire pour financer les voyages en Afrique. Kerbadj n'est pas le seul président de club à vivre cette déstabilisation. Elimam, président du Mouloudia d'Oran, est lui aussi sous pression. Le champion en titre, le Mouloudia d'Alger, vit une situation ubuesque, avec un président en exercice, un autre président qui affirme être l'élu légitime et tente de s'emparer du siège du club, et un troisième dirigeant qui se présente comme l'homme providentiel du club. Ce désordre dans la gestion des clubs explique à lui seul l'absence de joueur évoluant en Algérie dans l'équipe nationale qui vient de tenir en échec l'Angleterre. Il explique le divorce total entre championnat national et équipe nationale. Il explique, mais ne justifie pas, car ce désordre est inacceptable. L'écart est tel que l'épopée de l'équipe nationale ne peut avoir aucun impact sur le championnat. Si l'équipe nationale réussit grâce à certaines valeurs –organisation, rigueur, travail, motivation, stabilité-, il n'y a ni les personnes ni les structures nécessaires pour transférer ces valeurs vers le championnat. L'équipe nationale apparaît alors comme l'arbre qui cache, non la forêt, mais la jungle du championnat national. On peut accepter cette situation momentanément, en invoquant une transition du football algérien, ou une crise passagère. Mais on ne peut consacrer cette situation, et la considérer comme immuable. Dès le lendemain de la coupe du monde, ce dossier va s'imposer de nouveau. Il faut fixer un rôle pour les clubs algériens envers l'équipe nationale. Les formules sont connues. Il suffit de les admettre, de les assimiler, et de travailler en ce sens. Pour qu'à la prochaine coupe du monde, et à défaut d'une équipe nationale qui soit le reflet du championnat, on retrouve au moins une petite empreinte du championnat national dans l'équipe qui défendra les couleurs algériennes au Brésil.




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