L'allocution
prononcée par le président de la République à l'occasion de sa troisième
investiture à la tête de l'Etat, a été, à l'inverse des discours fleuves
habituels, concise et relativement compacte pour avoir évoqué les principales
préoccupations de l'heure. Une évolution notable est relevée dans le discours ;
celle relative aux rapports futurs avec les organes de presse. Le quatrième
pouvoir, reconnu de fait, est même sollicité pour la lutte contre la corruption
et les déviances. Le mot « lutte » ne pouvait pas trouver meilleure consonance
que dans la bouche du premier magistrat de la nation ! Donc le mal est cerné et
les moyens de l'éradiquer sont à lever. La presse est donc sollicitée à
participer activement à débusquer tous les repaires de la bête immonde là, où
ils peuvent se nicher. Point de stigmatisation ni de remontrance. Le chef de
l'Etat s'adressait à tous les Algériens dont il est le président, ce qui peut
être considéré comme une remarquable avancée dans le style discursif. Les
précédents mandats de cinq ans chacun, ont certainement permis au chef de
l'Etat de séparer le bon grain de l'ivraie, de démasquer les zélateurs et les
thuriféraires de tout bord. Et ce n'est pas tant le cérémonial déployé en cette
occasion qui était le point nodal de l'événement, mais bien plus que çà. Du récitateur
du saint Coran à la fanfare militaire, aux candidats malheureux à l'élection
présidentielle, aux généraux à la retraite et enfin aux chefs d'Etat qui se
sont succédés depuis le recouvrement de la souveraineté nationale, rien n'était
laissé au hasard. Une intelligente caméra qui balayait tout, faisait faire la
lecture de cet espace, l'espace d'une prestation de serment. On a apparemment
brassé large pour réunir pour la circonstance, cet aréopage de personnalités
civiles et militaires. Décodé, le message délivré en cette occasion était aisé
à la lecture ; la volonté de rassembler était à l'évidence l'objectif
recherché. A l'entame de la cérémonie, c'est le jeune lauréat du concours des
récitateurs du Coran, représentant de la wilaya de Tizi Ouzou, qui est mis à
contribution. Double affirmation d'une amazighité islamisée et d'une islamité
arabisées par le Coran. Le jeune lauréat se voit ainsi et par la même occasion,
reconnu dans sa nouvelle dimension nationale. Ceci ne peut que conforter de
nouveaux prétendants dans les ambitions que chacun d'eux peut nourrir en son
for intérieur. La solennité est de mise quand le premier président de la Cour
suprême fait répéter le contenu du serment au président élu. Et ce n'est
certainement qu'en ce fugace moment que l'on puisse mesurer la charge dévolue à
l'appareil judiciaire.
La fanfare de la
Garde républicaine, martiale et machiste par essence, est greffée d'éléments
féminins, ce qui augure déjà d'une relative parité dans la vie nationale.
Kassaman et
encore cet hymne à la liberté et qui ne laisse personne indifférent. La grande
muette est toujours là, avec ces jeunes généraux et ses vieux colonels à la
retraite, ceux qui sont encore vivants du moins. Les candidats déchus par le
dernier suffrage au nombre de trois sur cinq sont là et en bonne place. Ils ont
su fait taire leur amertume et surmonter les contingences du moment. Ainsi
pourra-t-on faire respecter les règles du jeu démocratique en les respectant
soi même. Bien en face d'eux, trois ex-chefs d'Etat venus au pouvoir chacun
selon un cheminement propre, mais se prévalant tous d'une légitimité
révolutionnaire. Un seul absent cependant, celui qui a écourté son mandat pour
sacrifier à l'alternance démocratique l'usage de mÅ“urs politiques jusque là
pratiquées. N'est ce pas là, un signe précurseur du remodelage des mentalités
vers une transition démocratique, en dépit des voies et moyens utilisés pour y
parvenir, allant du concept de légitimité historique au concept de légitimité
populaire ? Il y aura tout lieu de le croire. A ceux qui s'impatientent en
voulant brûler les étapes, une vielle sentence arabe ne dit-elle pas : « Les
vents soufflent dans le sens qui n'agrée toujours pas les nefs ».
L'exercice
démocratique devra être issu d'un long et patient apprentissage. Il doit se
pratiquer d'abord dans la cellule familiale même, à l'école ensuite pour enfin
aboutir à la pratique sociétale. Les formations politiques qui ont atteint un
certain degré de maturité, doivent s'exercer à l'alternance dans leur propre fief
idéologique avant de vouloir accéder aux commandes nationales. L'image
réfléchie par ces anciens dirigeants appelés sur le podium, ne pouvait
participer que d'une volonté de réunir et de concilier, noble intention
affranchie des préjugés historico événementiels qui ont toujours émaillé les
comportements. Ces hommes qui ont été, à un moment de leur vie,
révolutionnaires par conviction et politiques par nécessité assistent
probablement, pour certains d'entre eux, à la dernière cérémonie d'investiture
de leur vie. Laissons les accomplir sereinement leur rêve de derniers
révolutionnaires de la planète. Contemporains des Lumumba et des Guevara et
s'ils ne sont pas morts de mort violente comme eux, qu'ils partent rassérénés
dans l'idéal qui a été le leur : La liberté ou la mort. Ils ont abouti à la
première avant la seconde, faut-il leur en vouloir pour ne pas avoir été des
Chouhada ? Toutes les patries érigent des panthéons à leurs libérateurs,
pourquoi veut-on livrer les nôtres aux fossoyeurs de l'histoire ? Pendant que
sur l'autre rive de la méditerranée on élève encore, des mémoriaux en l'honneur
des criminels de guerre, la culture de l'oubli et le reniement sont en passe de
devenir une revendication que d'aucuns tentent de légitimer dans notre pays.
L'histoire reconnaîtra les siens comme elle l'a toujours bien fait !
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Posté Le : 23/04/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com