Algérie

LES PRATIQUES GOUVERNEMENTALES DU GRE À GRE CONTINUENT DE FAIRE DES VAGUES Des ministres se chamaillent à propos d'attribution de gros marchés publics


Dans l'édition du Soir d'Algérie d'avant-hier, le samedi 8 octobre, dans un article intitulé «Clash au gouvernement/Violente dispute entre Temmar et Tou», rendait compte d'une réunion du Conseil de gouvernement qui a tourné court.
Et pour cause, deux ministres qui se chamaillent ouvertement devant leurs collègues — il ne manquait plus que fusent des insultes et qu'il y ait échange de coups de poings ! —, ce n'est pas monnaie courante. Justement à propos de monnaie : tout cela pourquoi ' L'examen par le gouvernement de cinq propositions d'attribution de marchés de gré à gré dans le secteur des transports, avancées par le ministre du secteur, Amar Tou, a mis le feu aux poudres.
«Selon une source très bien informée», ces marchés de gré à gré — donc sans passer par des avis d'appel d'offres à la concurrence (conformément au Code des marchés publics) «concernent des projets dans le secteur ferroviaire » et sont présentés par le ministre des Transports, Amar Tou. Premier accrochage suite à l'intervention d'Abdelaziz Belkhadem — ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République (c'est l'intitulé officiel de sa fonction) : il «plaide pour une limitation drastique des marchés de gré à gré qui, argumentera-t-il, «tuent la compétition et la compétitivité dans l'économie nationale». Abdelaziz Belkhadem, militant pour la transparence : du jamais vu ! Second accrochage, causé cette fois-ci par Abdelhamid Temmar, ministre de la Prospective et des statistiques, appuyant le secrétaire général du parti du FLN, qui, lui, «expliquera longuement que l'option pour le gré à gré ne devrait constituer qu'une exception, et ce, pour que la compétition soit saine et pour mieux endiguer la corruption », ajoutant que «même le Président a donné instruction dans ce sens». C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase du ministre des Transports ; se sentant accusé, il interpelle Temmar par une formule cinglante : «Arrête de me donner des leçons !» Le ton monte très vite entre les deux ministres de Bouteflika, échange d'invectives qui frisent l'insulte. Le Premier ministre finit par mettre fin à l'altercation entre un ministre qui veut du «gré à gré» et deux de ses collègues, proches du chef de l'Etat, qui plaident pour ne pas abuser de cette pratique qui alimente l'opacité dans la gestion de la grosse commande publique. Ouyahia aurait déclaré : «Nous n'allons rien trancher au niveau du gouvernement et nous allons solliciter l'arbitrage du président de la République.» Cette chamaillerie au sein du gouvernement en dit long sur l'atmosphère délétère qui prévaut au sein de l'Exécutif lorsqu'il s'agit notamment de l'utilisation de la dépense publique en matière de grosses infrastructures.
Des membres de l'Exécutif qui se découvrent une fibre anti-corruption !
Comment expliquer la surprenante opposition au «gré à gré» émanant des deux ministres, Abdelaziz Belkhadem et Abdelhamid Temmar ' Est-ce réellement un souci pour plus de transparence dans la gestion des marchés publics ' Peu probable, car le «gré à gré» est devenu une règle et un choix du pouvoir depuis des années, comme nous n'avons cessé de l'évoquer dans ces colonnes. N'est-ce pas, plutôt, l'expression de luttes de clans pour favoriser telle ou telle entreprise étrangère ' Car le ministre des Transports ne prend pas l'initiative seul de proposer du gré à gré, surtout qu'il s'agit de marchés se chiffrant à plusieurs dizaines de millions d'euros. Quand Abdelhamid Temmar évoque une volonté du chef de l'Etat de tourner le dos au «gré à gré», qui veut-il tromper ' Cela fait des années que des dizaines de gros marchés de gré à gré dans le cadre de la commande publique de l'Etat sont attribués par le Conseil des ministres présidé par le président de la République, comme nous en faisions état régulièrement dans ces colonnes depuis des années. L'édition du Soir d'Algérie du mardi 26 juillet 2011 en avait fait même sa «Une», par un article intitulé «Marchés publics / Les excès du gré à gré» et illustré par une photo très suggestive qui avait fait sensation montrant une table avec un couvert rempli d'argent (cet article peut être consulté dans la rubrique «archives» du site internet du journal : www.lesoirdalgerie.com). Cet article se terminait par cette conclusion : «Le Conseil des ministres du 10 juillet 2011 a poursuivi ses travaux par l'examen et l'approbation de projets de marchés publics conformément aux dispositions pertinentes du code des marchés publics. Ces marchés concernent les secteurs des transports, des ressources en eau, des travaux publics, ainsi que de l'habitat et de l'urbanisme. A ce rythme effréné des “GAG“ (gré à gré), il est à craindre qu'une bonne partie de la commande publique de plus de 150 milliards de dollars pour 2010- 2014 subisse le même sort.» Fin de citation.
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