Algérie

Les pouvoirs publics plus «tolérants»: Le Maghreb uni des vendeurs informels



Commerçant «anarchique», vendeur «informel» ou «ferracha». Dans tous les pays du Maghreb, le commerce informel squatte les trottoirs et les rues des villes. La tolérance des pouvoirs publics est devenue plus grande depuis qu'un vendeur ambulant tunisien a provoqué une vague sans précédent de contestation politique dans le monde arabe.

En Tunisie, c'est un vendeur ambulant du nom de Mohamed Bouazizi qui a provoqué, en s'immolant, une révolution dont les répliques continuent à se faire sentir. Pendant des mois, après la fuite sans gloire de Ben Ali, des vendeurs ambulants, comme Bouazizi, se sont installés dans les artères de Tunis. Le commerce informel, qui existait déjà sous Ben Ali, gagnait, lui également, une «liberté d'expression». Au grand dam des bourgeois tunisois, grands et petits, qui se lamentaient, doucement au début, puis de plus en plus fort, contre «l'envahissement» de leur ville par les revendeurs, des «provinciaux».

Après avoir tenu compte du fait que Bouazizi, l'icône de la révolution, était un vendeur ambulant, les patrons et les médias BCBG de Tunis ont fini par abandonner leur retenue. Et le patron des patrons tunisiens (UTICA) n'a pas hésité à exiger un «anéantissement total» du commerce informel. Les Tunisois chics n'ont pas du tout apprécié que leur ville rejoigne la norme maghrébine avec ses vendeurs à la sauvette ou, pour reprendre la formule marocaine très descriptive, ses «ferracha». Littéralement ceux qui étalent par terre leurs produits.

Les Bouazizi bannis de Tunis…

La Tunisie, en transition et donc ayant accompli sa «révolution», la voix des anti-ferracha tunisois est devenue plus acrimonieuse et plus pressante. Tant est si bien que le ministère de l'Intérieur a décidé que même dans le pays de Bouazizi, les ferracha devaient faire place nette et «dégager» les rues de Tunis sous peine d'être traduits devant les tribunaux. Et c'est entré effectivement en application le 2 septembre dernier. Tunis a été «libérée» des «encombrants» héritiers de Bouazizi. Les autorités avaient souligné que ce phénomène de «commerce anarchique» menace la «situation sécuritaire vu la multiplication des opérations de vols et de violence» et créé «une situation d'anarchie incontrôlable très nuisible à l'image de la capitale». Les «anarchiques» ont dégagé de Tunis, mais combien cela durera ? C'est une question à 700.000… chômeurs tunisiens, selon les chiffres officiels du chômage dans un pays en transition.

Algérie, Maroc : tolérance en temps de révolution

Quid dans les pays «tranquilles» où il n'y a pas eu de «révolution» ? En Algérie, après les émeutes de janvier dernier, le commerce informel, petit et gros, a pratiquement été légalisé. En attendant de trouver des espaces pour les revendeurs, on les laisse occuper les trottoirs. Quant aux gros, ils ont montré leur grand poids en forçant, une nouvelle fois, l'Etat à reculer dans sa tentative d'imposer le recours au chèque pour les transactions commerciales. Surtout pas de vagues ! Et que fait le gouvernement marocain «frère» du gouvernement algérien ? La même chose. Pas de vagues. Surtout qu'un mouvement de jeunes tenaces, celui du 20 Février, tente de faire bouger l'ordre immuable du Makhzen. Il faut éviter la révolution et la contamination. Le seul moyen est de laisser faire ces marchands ambulants, ces ferracha occuper les rues des villes pour «gagner leur pain». Et comme en Tunisie ou en Algérie, les commerçants marocains qui ont pignon sur rue râlent en vain. Et là également, les commerçants constatent que les pouvoirs publics ont choisi d'être tolérants pour éviter des troubles sociaux qui peuvent devenir grands.

 Au Maroc aussi, c'est une question insoluble et pour ceux qui vivent du marché informel, une affaire de vie ou de mort. 37% des emplois urbains sont dans le secteur informel, qui représente 14% du PIB. Pas question de lancer une répression frontale. «Le gouvernement va traiter le sujet de manière appropriée, par le dialogue, afin de préserver les intérêts légitimes des riverains et des marchands ambulants, et cela dans le calme et la sérénité", a déclaré à l'AFP le ministre de la Communication Khalid Naciri. Pas de quoi calmer les inquiétudes des commerçants légaux. Il n'y a pas beaucoup de solutions non plus. Même en Tunisie où la révolution a déjà été faite, les autorités se sont gardées d'étendre l'interdit au-delà de Tunis. Combien l'interdit tiendra à Tunis ? Les paris sont ouverts… Il n'est pas sûr qu'au pays de Bouazizi, les vendeurs ambulants renoncent définitivement aux belles artères de Tunis. Car même si les Tunisois n'aiment pas les «provinciaux», il ne faut pas oublier que la révolution a commencé en province…




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